L’épreuve d’ESH ESSEC 2020 ouvre le concours BCE pour les ECE ! C’est une épreuve décisive et difficile, mais il est tout de même possible d’avoir une très bonne note. Malgré les conditions particulières en 2020, avec les mesures sanitaires et l’annulation des oraux, les épreuves restent les mêmes !
Tu peux trouver dans cet article une analyse du sujet d’ESH ESSEC 2020.
Pour voir le sujet, c’est ici !
Le sujet à première vue
Le sujet s’inscrit dans le module 4 du programme d’ESH : « Déséquilibres, régulation et action publique » et en particulier dans le dernier chapitre « Les politiques sociales ». Il présente assez rapidement plusieurs difficultés majeures.
Premièrement, « le modèle social français » est une catégorie de la pratique. Ce n’est pas un concept scientifique à la définition claire et arrêtée. En caricaturant, nous pourrions dire qu’il existe autant de significations que de personnes qui utilisent l’expression.
Deuxièmement, l’expression peut renvoyer à tellement de choses que le principal risque est de chercher à être exhaustif et de ne finalement produire qu’un travail superficiel.
Troisièmement, on mesure la portée politique d’un tel sujet : un libéral n’aura pas la même réponse qu’un socialiste. Il ne faut ni présumer de l’orientation politique de son correcteur, ni de son rapport à l’expression d’opinions qui ne sont pas les siennes. S’il est impossible d’adopter une position de neutralité pour répondre à cette question, il faut pour un tel exercice adopter une démarche analytique. En clair, tout énoncé normatif doit être explicité : quel système de valeurs et quels faits t’invitent à dire ce que tu dis.
Définition des termes
L’expression de « modèle social français » s’impose au milieu de la décennie 2000. Il est vain de chercher une définition commune à ceux qui l’invoquent : tantôt elle sert à désigner le système de protection sociale, tantôt le système de relations professionnelles, les services publics, le droit du travail, l’école républicaine, ou encore un mélange particulier de ces diverses caractéristiques.
Dans le travail de définition, je recommande de procéder de la manière suivante : (1) faire remarquer le flou notionnel, (2) exposer les significations les plus courantes, (3) proposer une définition restreinte et relativement univoque. Le mieux étant que votre définition se base sur des travaux des sciences économiques et sociales.
L’expression « modèle social français » induit qu’il existe d’autres modèles à l’étranger. Elle se situe donc dans une recherche comparative internationale. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’utiliser les travaux d’Esping-Andersen pour ma définition. Dans Les trois mondes de l’État-providence (1990), l’économiste danois s’intéresse à « la manière dont les activités de l’État sont coordonnées avec les rôles du marché et de la famille dans la prévoyance sociale ». En ce sens, un modèle social peut être compris comme le système d’institutions qui permet à un État d’organiser la protection sociale (vieillesse, famille, santé et chômage).
Le modèle social français est né en 1945-1946. En octobre 1945, les réformes Laroque donnent à la naissance de la Sécurité sociale des salariés qui couvre les risques maladie, invalidité, vieillesse, décès et accidents du travail. En 1946, la retraite à 65 ans et l’assurance maladie sont établies par les réformes Croizat. Viennent ensuite l’assurance chômage en 1958 et le revenu minimum d’insertion en 1988.
L’expression « à bout de souffle » signifie que le modèle social français est désormais défaillant, incapable de mener à bien la mission pour laquelle il a été mis en place.
Quelques pistes de réflexion
En quoi le système d’institutions qui permet à l’État français d’organiser la protection sociale (vieillesse, famille, santé et chômage) échoue-t-il à mener à bien la mission pour laquelle il a été instauré ? Pour répondre à cette question il faut s’interroger sur les objectifs à l’origine de la mise en place de ce système social français.
(1) La protection des plus fragiles. On peut ici interroger l’efficacité d’un système visant à réduire la pauvreté (minimas sociaux), la précarité (assurance chômage, retraite) et l’exclusion (accès aux services publics, soins, école, etc.)
(2) L’égalisation des chances et des conditions. L’accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine (Piketty, Paugam) peut ici être évoquée. On peut aussi interroger le degré de réalisation de l’idéal méritocratique (Bourdieu), ou le degré d’avancement de la moyennisation (Mendras, Chauvel).
(3) L’efficacité économique. Si dans une perspective keynésienne, le modèle social français peut permettre de soutenir la demande, on peut réfléchir – dans une perspective plus libérale – au potentiel déphasage entre le modèle social français et la structure d’une économie internationalisée qui suppose compétitivité (sociale et fiscale) et flexibilité.
Autres éléments de réflexion
D’autres pistes de réflexion, en dehors du relatif échec de ses missions premières, sont également possibles.
– On peut penser à la déliquescence de la structure centrale du système assurantiel : le salariat. La remise en cause du salariat n’implique-t-elle pas l’effondrement du modèle social français ? Cette idée est bien-sûr à nuancer.
– On aurait également pu s’interroger sur l’essoufflement de l’idéologie égalitaire à l’origine du modèle social français. Par idéologie, j’entends simplement un ensemble plus ou moins cohérent d’idées, de croyances et de doctrines qui orientent l’action. En effet, rien ne semble plus opposé au système social français que le néolibéralisme, ce « programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur » (Bourdieu). Cette réflexion aurait selon moi davantage sa place en ouverture qu’au cœur du développement.
– L’idée que le modèle social français serait en crise s’est imposée en même temps que l’expression de « modèle social français » elle-même, c’est-à-dire au milieu de la décennie 2000. Réfléchir aux raisons de l’émergence et la popularité d’une telle doxa peut également représenter un angle d’analyse pertinent. Je pense cependant qu’une telle réflexion n’a pas sa place dans le corps d’une dissertation d’ESH ; à réserver pour la conclusion donc.
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