Dans cet article, nous te proposons une analyse du sujet d’ESH HEC ESSEC 2024. Cette épreuve compte pour une part importante en termes de coefficients pour l’ESSEC et HEC. Les candidats ont quatre heures pour traiter le sujet en une dissertation de huit pages environ.
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L’analyse du sujet ESH HEC ESSEC 2024
C’est le sujet “Pourquoi et comment évaluer les politiques publiques” qui, cette année, sera décisif pour nombre d’élèves ayant choisi l’option ESH. Un sujet qui, s’il contient des termes économiques et renvoie directement à certaines parties du programme, reste très difficile à traiter en sortant de deux années de prépa ECG. Il n’est pas question ici de quelle orientation donner aux politiques publiques; ou d’évaluer les enjeux autour d’un outil précis de la politique publique, mais plutôt une réflexion sur l’évaluation (cette évaluation est faite, concrètement, avant, pendant et après chaque politique publique importante de nos jours) de ces dernières.
La première grande difficulté du sujet, une fois qu’on a survécu au piège de plutôt traiter un sujet comme “qu’est-ce qu’une bonne politique publique”, réside dans la vastité de l’énoncé. Les politiques publiques contiennent en effet, de manière non-exhaustive : la politique budgétaire (qui peut être conjoncturelle ou structurelle), la politique fiscale, la politique monétaire, la régulation de la concurrence, la régulation sur le marché du travail, l’ouverture à l’internationale, et l’entièreté de l’Etat-providence.
La deuxième grande difficulté du sujet émane de sa formulation : pas “pourquoi”, pas “comment” mais “pourquoi et comment”. Les règles non-écrites de la dissertation aux concours nous indiquent qu’il est obligatoire de faire apparaître ces deux mots du sujet tout au long de la réflexion, et de ne pas les diviser en axes. Commençons par comprendre le “pourquoi” : toute politique économique doit-elle être évaluée en fonction de sa capacité à rapprocher l’économie d’un certain optimum de production et d’utilité ?
Si l’on pense que “oui”, le pourquoi est tout trouvé. Le monde est néanmoins plus compliqué; et, même si un plan historique semble difficile ici, l’historicité du sujet est incontournable : le paradigme des politiques publiques, i.e. leur “pourquoi”, dans un monde néoclassique, est d’interférer le moins possible dans l’activité des agents économiques, et de leur donner des règles claires et simples afin d’ancrer leurs anticipations et leurs comportements, tout en maximisant leur productivité. Dans ce paradigme, les agents économiques privés sont toujours plus efficaces que l’Etat par euro dépensé; ce dernier est donc scruté au niveau de ses dépenses car elles sont perçues comme se substituant de force à des dépenses privées plus efficientes. C’est donc un paradigme croissanciste et fortement libéral, dans lequel les économistes et les Etats ont progressivement ajouté des éléments et renié d’autres.
La réponse n’est donc pas “oui”. Le paradigme keynésien de l’après-guerre prouve en effet que les politiques publiques peuvent aussi (lire: doivent aussi être évaluées par leur capacité à) avoir un rôle de stabilisateur; qui protège les agents économiques et le capital de la cyclicité de l’économie avec des mesures contracycliques. Leur rôle est aussi d’agir sur la demande afin qu’elle soutienne la croissance économique. Après le paradigme keynésien, le choc pétrolier induit un nouveau paradigme; où les politiques publiques sont évaluées à la lumière de leur capacité à réduire l’inflation. Les relances par la demande sont donc testées, échouées puis abandonnées dans certains pays Européens. Dans ce paradigme, le financement de l’économie devait se faire par les marchés financiers et en limitant la création de monnaie; la concurrence devait être intensifiée afin de baisser les prix et la lutte contre le chômage fût plus ou moins délaissée (car le chômage a tendance à être désinflationniste – il pousse les salaires et la demande à la baisse).
Mais l’agrégat de ces réponses, aujourd’hui, serait très insuffisant. En effet, les politiques publiques ont aujourd’hui un nouveau “pourquoi”, qui est la préservation de la planète. HEC, donc les concepteurs du sujet, affichent constamment un engagement écologique univoque. Beaucoup de préparationnaires hésitent toujours à consacrer une grande partie (voire un axe entier) de leur dissertation à l’écologie; c’est néanmoins quelque chose qui serait parfaitement recevable sur ce sujet et beaucoup d’autres.
Le “pourquoi” de l’évaluation des politiques publiques consiste donc d’une part à évaluer leur cohérence avec le paradigme économique dans lequel elles s’inscrivent. D’autre part, on a plein d’autres raisons de réfléchir à pourquoi évaluer une politique publique. Déjà car elle peut avoir des effets très différents de ceux escomptés ! Les politiques de relance de la demande interne peuvent finir par réduire la taille du secteur industriel (voir: http://cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=12746), les politiques de la concurrence peuvent modifier la répartition des richesses au détriment du consommateur (voir: http://cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=12729), et la politique monétaire peut alimenter, si elle est trop accommodante, l’instabilité financière (voir: http://www.blog-illusio.com/2023/02/la-politique-monetaire-accommodante-alimente-t-elle-l-instabilite-financiere.html) – ce qui a conduit à une remise en cause de la règle de Taylor, en faveur d’une “règle de Taylor augmentée” qui prend en compte le risque financier dans la détermination des taux d’intérêt. En économie, les outils ont tendance à très rarement être purement “ad-hoc”, et peuvent même changer de facto de role, ce qui complique la tâche de leur évaluation. Larry Summers déclare, pendant la décennie 2010 marquée par une croissance et une inflation atone, “let’s go fiscal” : des taux d’intérêt bas ne peuvent plus soutenir la croissance et réduire le chômage; ce sont donc des politiques budgétaires (traduction du mot anglais “fiscal”) qui devront soutenir la croissance dans l’OCDE. Enfin, l’évaluation ex-post des politiques publiques est ce qui a permis un effet d’apprentissage indéniable au niveau des Etats; ce que l’on remarque surtout en étudiant les relances respectives de 1929, 2008 et 2020. Les politiques publiques peuvent aussi créer, par accident parfois, des situations “toutes choses égales par ailleurs”, donc empiriquement très fécondes : l’exemple le plus connu est peut-être celui de l’industrie du fast-food entre le New Jersey et la Pennsylvanie, où l’effet d’une hausse du SMIC dans seulement l’un des deux Etats a pu être étudié en 1992, par David Card et Alan Krueger (qui seront récompensés à cette occasion du prix Nobel).
Pour ce qui est du “comment”, la réponse peut se diviser en plusieurs catégories : Avant la mise en place, elle peut déjà être testée dans une région particulière (E. Macron a procédé de cette manière pour sa réforme de l’éducation) afin de pouvoir comparer un groupe témoin et un groupe testé. Ether Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie en 2019, l’a reçu pour sa mise en place d’une méthode empirique de test des politiques de lutte contre la pauvreté : on parle d’économie expérimentale ou de “tests randomisés”. Des indicateurs quantitatifs précédant la prise de décision ont été récemment mis en place et de plus en plus utilisés : l’indice HH (Herfindal-Hirschmann) ou celui d’Abba Lerner permettent de mesurer la concurrence sur un marché donné; et c’est au-delà d’une certaine mesure que les opérations de fusion-acquisition d’une taille jugée comme trop grande sont évaluées au cas-par-cas. Enfin, des ébauches de scénario (qu’on trouve souvent dans les notes du CAE, par exemple), surtout pour les décisions macroéconomiques et/ou monétaires, sont tout le temps menées. Pendant la mise en place; par exemple d’une relance, ce sont surtout les indicateurs macroéconomiques qui sont suivis journellement par les autorités; par exemple, pendant la crise de 2008, le plan de relance étasunien (le TARP – troubled asset relief program) n’a pas été entièrement dépensé (seulement 475 des 700 milliards ont été utilisés). Après la mise en place, ce sont les erreurs qui sont comprises : dans le cas d’une relance, les liquidités ont peut-être été trop épargnées (un point d’inquiétude pendant la relance COVID), ou trop dépensées en importations.
Pour ce qui est d’un plan, une multitude de plans pourront avoir des bonnes notes (surtout que les correcteurs, s’ils ne veulent pas que la moyenne de l’épreuve soit de 6/20, se montreront sans doute très bienveillants). Le moins risqué est peut-être un plan thématique, où chaque axe correspond à un “pourquoi” et où le“comment” apparaît à l’intérieur des axes.
I – Les politiques publiques doivent être évaluées à l’aune de leur efficience, de leur résilience et de leurs effets structurels
II – Mais elles doivent aussi être évaluées en fonction de leurs effets sur la répartition des richesses et la précarité
III – Et chaque politique économique d’aujourd’hui s’inscrit dans un paradigme écologique et doit aussi être évaluée dans ce contexte.
Pour rappel, voici le sujet d’ESH HEC ESSEC tombé en 2024.
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