faillite

La Silicon Valley Bank (SVB), une banque spécialisée dans les entreprises de la tech, a été victime d’une faillite extrêmement violente le 10 mars 2023 après un « bank run ». Cet incident est la conséquence d’un environnement économique inédit et a fait souffler un vent de panique sur les marchés financiers, laissant planer l’ombre d’une crise bancaire mondiale. L’objectif de cet article est de trouver des faits marquants que tu pourras mobiliser facilement en copie, afin de démontrer tes connaissances des enjeux économiques d’actualité.

Résumé de la faillite

Rappels

Une crise de liquidité ou « bank run » désigne une situation dans laquelle tous les clients d’une banque réclament leurs dépôts au même moment. La banque ne peut alors pas suivre. Faute de liquidités suffisantes, elle ne peut pas rembourser : c’est la faillite.

Un bon du Trésor est un titre de créance obligataire que l’État émet afin de financer sa dette. L’acheteur d’un bon du Trésor se retrouve donc créancier. L’État s’engage alors à rembourser l’acheteur à une échéance déterminée et à lui verser régulièrement des intérêts avant cette échéance.

Aux origines du naufrage : la Covid-19

La débâcle de la SVB prend racine lors de la crise de la Covid entre 2020 et 2021. Les confinements successifs ont fait évoluer les besoins des ménages et des entreprises, entraînant une numérisation rapide de la société. Par conséquent, les entreprises de la Silicon Valley ont augmenté leurs chiffres d’affaires et reçu une quantité inhabituelle de fonds de la part d’investisseurs avides de retours sur investissements colossaux : le secteur de la tech est en pleine explosion en 2021.

Beaucoup d’entreprises de la tech décident alors de placer cet argent à la SVB. En 2021, les dépôts de la SVB ont bondi de 85 % et sont passés de 102 à 189 milliards de dollars. La SVB investit cet argent dans des bons du Trésor américain, des actifs financiers normalement sûrs, rémunérés à 1 %. Jusqu’ici tout va bien…

L’élément perturbateur (des marchés) : l’inflation

La reprise mondiale et la hausse des prix de l’énergie due à la guerre en Ukraine font remonter l’inflation et mécaniquement les taux d’intérêt. La Fed augmente ses taux directeurs, par conséquent les taux d’intérêt des marchés financiers augmentent. La rémunération des bons du Trésor américain nouvellement émis est de 4,8 %. En conséquence, les bons du Trésor de 1 % que possède la SVB ne valent plus rien à côté des nouveaux bons (qui, eux, s’échangent facilement sur les marchés, car plus rémunérateurs).

Le principal risque de la SVB était sa base de clients concentrée dans un seul secteur d’activité : les start-up de la tech. En effet, la concentration de la clientèle d’une banque la rend vulnérable face au risque de crise de liquidité, du fait que les clients sont plus susceptibles de réclamer leur argent au même moment.

La chute de la SVB

Début 2023, beaucoup d’entreprises de la tech ont besoin de l’argent placé à la SVB (le secteur est moins attractif qu’au cours de la période Covid). Le problème est que la SVB n’arrive pas à vendre ses actifs à un prix intéressant (ses bons du Trésor ne valent rien). Pour rembourser ses clients, la SVB se retrouve à vendre ses bons en dessous du prix auquel elle les avait achetés. En vendant les bons, elle perd donc de l’argent.

Elle ne peut alors pas satisfaire toutes les entreprises qui lui demandent de l’argent. Les milieux financiers commencent à savoir que la SVB est en difficulté. La panique est totale, les agents tentent de récupérer leur argent avant les autres, tous les clients réclament leur dû au même moment. La crise de liquidité est inévitable.

Comment utiliser la faillite de la SVB en copie

Faillite de la SVB : inflation et politiques monétaires accommodantes

La chute de la SVB est un exemple qui appuie l’hypothèse de A. Schwartz (collègue monétariste de Milton Friedman) selon laquelle la stabilité des prix assure la stabilité financière. En effet, la faillite de la SVB a été causée par la perturbation des taux d’intérêt due à l’inflation galopante. Ainsi, l’incident de la SVB peut s’inscrire dans un argumentaire qui défend de garder l’inflation faible ou nulle, car celle-ci brouille les anticipations, fait augmenter les taux d’intérêt et déstabilise l’activité bancaire. Ce qui peut conduire à des faillites en chaîne, voire à une crise bancaire.

De plus, pour F. von Hayek, l’unique cause de l’inflation et de l’instabilité des marchés est la politique monétaire accommodante. L’incident de la SVB appuie ce constat. L’inflation post-Covid a été la conséquence des politiques monétaires accommodantes des banques centrales (quantitative easing, taux directeur nul ou négatif…) pendant la crise.

Or, comme le suggère l’article “Loose Monetary Policy and Financial Instability” (2023) du National Bureau of Economic Research (NBER), les assouplissements monétaires tendent à alimenter l’instabilité financière en plaçant la moyenne des taux d’intérêt en dessous du taux d’intérêt d’équilibre. En provoquant de l’inflation et en baissant les taux d’intérêt, l’assouplissement monétaire est donc une cause de la faillite de la SVB.

Un exemple de prophétie autoréalisatrice moderne

L’épisode de la SVB est un exemple de prophétie autoréalisatrice moderne : rapide, imprévisible et par conséquent plus dangereuse. Les nouveaux outils numériques nommés nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont drastiquement changé l’approche de la finance mondialisée et les faillites sont de plus en plus rapides et imprévisibles.

En effet, le bank run de la SVB a notamment été causé par des tweets et des messages de panique sur les réseaux sociaux. La rumeur courait que la banque allait faire naufrage. La peur a alors gagné tous les agents (start-up et entreprises) qui ont donc voulu récupérer leur argent urgemment, ce qui a provoqué la crise de liquidité de la banque.

Comme souvent sur les marchés financiers, tout est une question de confiance. Dès lors que la SVB a montré des signes de fragilité, de plus en plus de clients ont pris peur et ont voulu récupérer leur argent. C’est là que le bank run a débuté. Par mimétisme, ceux qui avaient un compte bancaire à la SVB ont voulu le vider.

Le dogmatisme de la Fed : une cause de la faillite

L’intervention de la Fed (et son obsession pour la stabilité des prix) est en cause dans l’écroulement de la SVB. En effet, le dogmatisme qui a poussé la Fed à juguler l’inflation a eu des effets pervers. En passant ses taux directeurs de 0,25 % à 4,375 % durant 2022, la réserve fédérale a provoqué la dévalorisation des portefeuilles obligataires des banques de second rang, ce qui a précipité la chute de la SVB.

Ainsi, l’exemple de la SVB permet de questionner le rôle des banques centrales et leur obsession pour la stabilité des prix, alors que l’environnement financier est de plus en plus instable (ces réflexions étaient au cœur des sujets Ecricome et ESCP/SKEMA de 2023). La stabilité financière devrait être un objectif prioritaire des banques centrales : la chute de la SVB met en avant leurs limites.

Le rôle des lobbies dans la faillite de la SVB

Cette faillite met en exergue le phénomène de capture réglementaire, une théorie développée par Stigler, prix Nobel d’économie en 1982. La capture réglementaire fait référence à la situation où les réglementations gouvernementales, censées servir l’intérêt public, sont en réalité influencées, voire contrôlées, par les intérêts des groupes ou des entreprises qu’elles sont censées réguler.

Cela signifie que les régulateurs peuvent être cooptés ou manipulés par les entreprises ou les groupes qu’ils sont censés superviser, de sorte que les réglementations peuvent être détournées pour favoriser les intérêts particuliers de ces entités plutôt que de protéger l’intérêt général.

En effet, la SVB est passée sous les radars de la surveillance bancaire, qui oblige les établissements à disposer d’un matelas de liquidités suffisant pour affronter les difficultés. Estimant que cette réglementation freinait l’efficacité du secteur bancaire américain, Donald Trump avait décidé en 2018 de relever de 50 milliards à 250 milliards le seuil à partir duquel ces règles de solvabilité s’appliquent. Les lobbyistes de la SVB avaient largement participé au débat.

Une conclusion sans contagion

À la suite de la faillite, la peur d’une contagion de l’ensemble du système financier s’est fait sentir (tant par les gouvernements que par le secteur bancaire). Cela aurait provoqué une avalanche de faillites et une crise financière mondiale. La contagion n’a pas eu lieu, car le secteur d’activité des clients de la SVB était restreint, mais surtout parce que l’État américain a décidé d’assurer l’ensemble des dépôts à la SVB. Le but était de rassurer les marchés, alors que la garantie ne s’appliquait qu’aux dépôts inférieurs à 250 000 $.

Cependant, le gouvernement américain n’a pas renfloué la SVB, notamment pour éviter l’aléa moral que cela aurait provoqué. Trop protéger les banques augmente leur prise de risque et met en danger le système financier, comme l’expliquait déjà H. Thornton en 1802.

La faillite de la SVB rappelle que même les banques apparemment prospères ne sont pas à l’abri des difficultés. De nombreux enseignements sont à tirer de cet échec, comme l’importance d’une diversification appropriée des investissements et des clients, la vigilance face aux signes avant-coureurs de problèmes financiers et une meilleure anticipation de la conjoncture économique. Cette expérience devrait servir de catalyseur pour une meilleure réglementation bancaire afin d’éviter des situations similaires à l’avenir.