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Au cours des deux derniers siècles, les administrations publiques ont joué un rôle crucial dans le développement économique et la compétitivité des nations à travers le monde. Depuis le début du XIXe siècle, ces institutions ont subi d’importantes transformations, influencées par les évolutions politiques, sociales et technologiques de leur époque respective. Ces changements ont profondément impacté la manière dont les gouvernements gèrent les ressources, établissent des politiques économiques et favorisent la compétitivité nationale. Il est crucial de maîtriser ce sujet qui peut aussi bien tomber à l’écrit qu’à l’oral.

Les administrations publiques (APU) désignent l’ensemble des unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles tirent la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires. Le secteur des administrations publiques comprend les administrations publiques centrales, les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale.

I) D’une manière générale, le premier choix des administrations publiques concernant la compétitivité est sans nul doute celui du libre-échange ou du protectionnisme

La compétitivité des entreprises dans les pays précoces ou leaders est le résultat de la concurrence

Les entreprises ont une compétitivité-prix en raison de la meilleure productivité et hors prix en raison des biens produits. L’avantage des entreprises britanniques s’est construit sur leur marché intérieur, comme le suggère Steffen Linder lorsqu’il écrit que « l’exportation est la fin et non le commencement d’un sentier d’expansion typique du marché. Le marché extérieur n’est rien d’autre qu’une extension au-delà des frontières nationales de la propre activité du pays ».

Le traité de libre-échange signé entre la France et la Grande-Bretagne en 1860 est ainsi dans un premier temps favorable aux produits britanniques parce que les prix français sont supérieurs aux prix anglais. Cependant, les entreprises françaises s’adaptent vite à la concurrence grâce à la baisse des coûts des intrants, à une productivité accrue et à l’exploitation plus intensive du réseau ferré. Les exportations de produits manufacturés passent de l’indice 100 en 1860 à 117 en 1864.

L’économiste Charles Rist considère que le rôle du traité a été décisif dans la modernisation de l’industrie française et qu’il a « permis de faire aboutir le plein développement de la révolution industrielle en France ». En France et en Angleterre, l’État n’est intervenu dans ces pays que pour mettre en place le marché grâce à la déréglementation. C’est dire le démantèlement des réglementations mercantilistes (lois sur les pauvres, monopole du pavillon, corn laws). C’est ainsi la concurrence qui s’établit en Grande-Bretagne qui permet aux entreprises de devenir compétitives.

Dans les pays en rattrapage, la compétitivité des entreprises doit être construite pour résister à celle des pays précoces

Le système national d’économie politique de Friedrich List développe l’idée du protectionnisme éducateur en faveur des « industries dans l’enfance ». Le protectionnisme a permis avec le Zollverein, à partir de 1834, de stimuler l’industrie. Une politique de substitution d’importations (protectionnisme sélectif) est ainsi menée.

Enfin, une politique de « remontée de filières » (de l’aval vers l’amont) à partir de la production de rails se traduit par le développement des relations interindustrielles. C’est plus généralement le cas dans tous les pays tardifs. Le point commun des pays d’Asie orientale est que les gouvernements sont massivement intervenus dans la plupart des économies.

Dans son célèbre rapport « East Asian Miracle », Joseph Stiglitz souligne que l’État dirige par ses interventions son économie pour encourager les exportations. C’est le développement en « vol d’oies sauvages » tel que théorisé par Akamatsu.

II) Ensuite, les administrations publiques doivent choisir entre politiques structurelles et politiques de concurrence

Le développement des politiques structurelles comme facteur de compétitivité des entreprises…

Le premier exportateur européen à la fin du XIXe siècle est aussi le premier à mettre en place une protection sociale (lois Bismarck en Allemagne à partir de 1883). On peut y voir une préfiguration de la prise en compte du rôle joué par la main-d’œuvre pour accroître la productivité et donc les performances des entreprises. Le compromis fordiste reposait sur un partage des gains de productivité – et donc de la compétitivité – dans lequel la montée en puissance de l’État-providence, et donc des administrations de sécurité sociale, fut décisive.

En même temps, le rôle des administrations centrales évolue par la mise en œuvre des politiques structurelles (planification, politique industrielle, nationalisation) dans le cadre du colbertisme industriel. Selon Michel Albert, « c’est l’état qui commande l’économie au nom d’une ambition politique et d’une volonté de progrès social ».

Ces politiques deviennent des politiques de compétitivité au fur et à mesure que les économies vont s’ouvrir à la concurrence (1958 pour les économies européennes). Par exemple, le Sixième Plan (1971) est celui de l’impératif industriel. Il s’agit de développer la compétitivité des entreprises industrielles françaises, en privilégiant notamment « les secteurs de pointe » et la réalisation de certains équipements collectifs (télécommunications, routes…), et d’assainir l’appareil productif en accélérant les restructurations dictées par l’accentuation de la division mondiale du travail.

Les politiques conjoncturelles sont aussi concernées dès lors qu’il s’agit de favoriser la compétitivité-prix, et ce, en fonction du système de change. L’acceptation – ou la tolérance – de l’inflation, qui conduit soit à une appréciation des taux de change (le DM en 1960 et 1968) ou à une dépréciation (le franc en 1969), favorise une compétitivité-prix (l’Allemagne) ou une compétitivité hors prix (la France et l’Italie).

… est remis en cause par la déréglementation des années 80

La politique industrielle fut efficace dans des économies en phase de rattrapage, mais elle devient inadaptée à l’approche de la frontière technologique. Augustin Landier et David Thesmar, dans Le Grand méchant marché, écrivent : « Aujourd’hui, de nouveau à la frontière technologique, l’innovation ne se décrète pas, fût-ce par des commissions d’industriels bien informés des réalités de l’entreprise. »

Ensuite, les niveaux atteints par l’inflation au cours des années 70 – inflation à deux chiffres – obligent à mener des politiques plus restrictives. Et en Europe, pour d’autres raisons, ils obligent à faire le choix d’un système de changes fixes qui suppose pour la recherche d’une compétitivité-prix une politique de franc fort au cours des années 80.

En conséquence, l’action des administrations s’est davantage orientée vers la création d’un environnement favorable à l’initiative des entreprises. Cette politique est en réalité celle des États-Unis depuis qu’ils ont édicté des lois antitrust : Sherman Act en 1890 et Clayton Act en 1914.

Les pays de l’Union européenne ont confié à une administration publique supranationale le soin de mener une surveillance des ententes, des abus de position dominante et des dettes publiques. En clair, c’est le marché qui fait la compétitivité grâce à l’incitation à innover. Les politiques structurelles n’ont pas disparu, mais sont davantage à envisager dans le sillage des théories de la croissance endogène.

III) Dans une économie mondialisée, la compétitivité des entreprises dépend de l’efficacité de l’État

Le rôle crucial du financement des administrations publiques

Le coût de la protection sociale et en particulier ses conséquences sur le coût du travail sont désormais essentiels à la compétitivité. La compétitivité-prix est fonction aussi de la compétitivité-coût. Indirectement, c’est aussi une contrainte sur l’attraction des entreprises. En étudiant la France dans la mondialisation, Anton Brender montrait qu’il y a une exigence accrue de contrepartie demandée en échange du coût de la protection sociale.

L’enjeu est alors de maîtriser la hausse des coûts de production et plus particulièrement du coût du travail plus rapidement que les gains de productivité. Ainsi, l’Allemagne a su être le pays où la progression du coût du travail a été la plus faible. Si, en 1996, l’Allemagne était en effet le pays européen où ce coût était le plus élevé d’Europe, il est aussi celui, 20 ans plus tard, où la progression de ce coût a été la plus faible (1,9 % par an dans l’industrie manufacturière). Dans le même temps, en France, la hausse en rythme annuel a été de 3,4 % entre 1996 et aujourd’hui.

Le poids des cotisations sociales varie

Dans les services marchands, le Danemark, la Belgique, la Suède et la France font partie en 2008 comme en 1996 des pays au coût de main-d’œuvre élevé. Il y a des différences de niveau et de mode de financement de la protection sociale, de la répartition du coût horaire entre salaires et traitements bruts, des cotisations sociales à la charge de l’employeur et autres dépenses.

Le choix de transférer une partie du financement apporté par les cotisations sociales sur le travail qui pèsent sur la compétitivité-prix sur l’impôt indirect par la mise en place d’une TVA sociale – ce que l’Allemagne a mis en place – qui, en plus d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises nationales, revient à taxer les produits importés.

Quel est le niveau pertinent d’intervention pour les administrations publiques ?

Selon Daniel Bell, « l’État est devenu trop petit pour les grandes choses, et trop grand pour les petites choses ». Kénichi Ohmae (De l’État-nation aux États-régions, 1996) souligne le déclin des États-nations. On ne peut plus, aujourd’hui, pénaliser les entreprises étrangères sans pénaliser les entreprises nationales. L’espace économique approprié est donc la région (souvent transfrontalière), et il faut aller vers des États-régions plus efficaces et plus significatifs.

Le rôle des collectivités locales devient dès lors plus important. Elles sont davantage proches des bassins d’emploi, des acteurs locaux (entreprises, universités, laboratoires) et ainsi susceptibles de mettre en place des clusters et des effets d’agglomération. La difficulté à mettre en place des politiques de compétitivité en 2005, et plus exactement à les rendre efficaces, renvoie à la contradiction entre les niveaux d’APU : 71 pôles contre 15 en Allemagne et 7 au Royaume-Uni dispersent les moyens, ce qui aboutit à seulement 1,5 % des brevets déposés par la France depuis 2005.

La difficulté à faire évoluer les modes d’intervention souligne alors l’une des fragilités des APU : leur exposition aux pressions du lobbying. La politique industrielle continue de coûter très cher : grand emprunt (18 milliards), 34 priorités (3,5 milliards), crédit d’impôt recherche (6 milliards), banque publique d’investissement (50 milliards). On connaît les effets pervers de ce type d’approche : les lobbies se mettent en action pour affecter l’ordre des priorités, les représentants des grandes entreprises demandent le financement sans contrepartie de projets déjà existants. Les APU ne parviennent pas à se cantonner aux cas où il est avéré que le marché ne fonctionne pas et elles ne parviennent pas non plus à fournir un cadre fiscal stable et simplifié.