croissance

Voici la partie 2 de la fiche de lecture sur l’ouvrage Le Bel avenir de la croissance. La première partie peut être lue ici.

10/ Croissance économique : du décollage à la grande vague du XXᵉ siècle, puis au ralentissement

Les travaux d’A. Maddison ont permis de retracer l’évolution PIB/habitant depuis l’an 1. Ces estimations révèlent une longue période de croissance très lente avant la première Révolution industrielle. Puis une accélération s’amorçant au XIXᵉ siècle, se poursuivant au début du XXᵉ siècle, avant de décoller complètement après la Seconde Guerre mondiale.

La France a connu une croissance annuelle moyenne qui est passée de 0,04 % de l’an 1 à 1820, à 1,2 % de 1820 jusqu’en 1900. Et enfin, à 2 % au XXᵉ siècle.

Le XXᵉ siècle voit un véritable décollage du PIB

La croissance atteint près de 2 % en moyenne dans les pays aujourd’hui avancés. Le PIB/habitant a été multiplié par 7,7 en France, 18,5 au Japon, 8,4 aux États-Unis et 5,3 au Royaume-Uni. Au sein de ces pays aujourd’hui avancés, la croissance est d’autant plus rapide que le niveau de départ est faible. Le Japon partant d’un niveau quatre fois inférieur à celui du Royaume-Uni.

La convergence n’est ni totale ni automatique. La France ou le Japon sont encore aujourd’hui à 70 % du niveau des États-Unis. Et la croissance en Argentine n’a été que de 1 % par an au XXᵉ siècle. Cette croissance n’a été ni régulière ni synchrone. Chaque pays a connu une grande vague de croissance au XXᵉ siècle et ces vagues ont été décalées dans le temps.

Les années 1930 correspondent à une « grappe » d’innovations liée à l’accélération de la diffusion de l’électricité

Ces innovations, portées par la disponibilité d’une énergie fossile très efficace – le pétrole –, ont touché de très nombreux domaines : motorisation, chimie, télécommunications. Elles se sont traduites dans les années 1930 et 1940 par le dépôt de nombreux brevets. Mais aussi par la diffusion accélérée de ces nouvelles technologies, le développement de l’enseignement et l’éducation, et donc du capital humain.

Le choc technologique de la vague d’innovations a touché les États-Unis une ou deux décennies avant les autres pays. La France a également connu sa grande vague de croissance, mais dans les années 1950. Pour la zone euro et le Japon, ce fut dans les années 1960. Cette vague de croissance est d’autant plus élevée que le niveau de départ était faible. Par exemple, le Japon atteint une croissance dont la tendance haute atteint plus de 8 %. Tandis qu’elle est d’un peu plus de 5 % pour la France.

La période de reconstruction

Cette vague de croissance dans les pays européens et au Japon après la Deuxième Guerre mondiale correspond à la période de reconstruction. Elle bénéficie de nombreux facteurs favorables. Tout d’abord, la Deuxième Guerre mondiale a entraîné l’effondrement du PIB/habitant pour les pays qui ont connu la guerre sur leur sol. Et donc à la fois des destructions de capital (habitations, bâtiments industriels, machines) et surtout une profonde désorganisation de leur production et des pertes dramatiques de leur capital humain.

La reconstruction, soutenue par les apports en capitaux américains (plan Marshall pour l’Europe), permet par la suite une forte croissance. Une sorte de retour à la normale par rapport à la période de guerre. Néanmoins, elle a permis une intégration accélérée des nouvelles technologies. Ces dernières nécessitaient la création de nouvelles entreprises, la construction d’usines, ou encore la mise en place de nouvelles techniques de management. La phase de reconstruction après la guerre a permis d’intégrer plus facilement ces nouvelles technologies de production. Le transfert de ces technologies a été facilité par la libéralisation du commerce international et les importations de matériel américain incorporant ces nouvelles technologies.

En Europe, la période de reconstruction a permis une paix et une forte croissance économique

En effet, les différentes vagues de libéralisation du commerce européen ont créé un vaste marché. Ce qui a stimulé la productivité en favorisant la diffusion des innovations, les économies d’échelle et la modernisation de notre agriculture.

Ce fut aussi une période d’augmentation des qualifications de la population et de développement de l’enseignement (secondaire). Après cette grande vague, l’amélioration du niveau de vie ralentit par paliers sous l’effet de l’épuisement du choc technologique lié à la deuxième Révolution industrielle. Aux États-Unis, la croissance se maintient autour de 2 % entre les années 1950 et le début des années 2000. Depuis, elle est plutôt de l’ordre de 1 %. Cependant, cette stabilité autour de 2 % pendant une cinquantaine d’années reflète en réalité des changements importants dans les moteurs de cette croissance.

11/ Comment expliquer que la convergence du PIB/habitant en Europe et au Japon vers celui des États-Unis se soit achevée dans les années 1980 ?

Le XXᵉ siècle a en effet donné lieu à des phases de convergence et de divergence. Il a aussi donné lieu à un changement de leader, avec le rattrapage du Royaume-Uni, pays plus avancé au début du siècle, par les États-Unis. Les deux Guerres mondiales ont entraîné un recul majeur du niveau de vie européen relativement au niveau américain. Il s’agit surtout de pays qui ont connu la guerre sur leur sol et ont subi des pertes humaines, de la destruction de capital et une désorganisation majeure de leurs économies. Tandis qu’aux États-Unis, l’économie de guerre a permis de stimuler la demande et la recherche.

Après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu une longue phase de convergence du niveau de vie des pays européens et du Japon vers le niveau américain. Elle s’est achevée dans les années 1980. Cette convergence a été le fruit de la reconstruction, ainsi qu’un rattrapage des technologies et des méthodes de production américaines. Elle passe par l’augmentation de l’intensité capitalistique de la production. C’est-à-dire du capital disponible pour chaque travailleur et de la PGF, qui intègre à la fois la diffusion des nouvelles technologies, les progrès de l’éducation et l’amélioration générale des méthodes de production.

La convergence, même au sein des pays aujourd’hui avancés, n’a été ni automatique ni permanente au cours du XXᵉ siècle

Elle n’a par exemple pas eu lieu pour les pays aujourd’hui dits en développement pendant une grande partie du siècle. La possibilité d’intégrer de nouvelles technologies, de nouvelles techniques de production par l’apparition de nouveaux acteurs ou le renouvellement des industries en place est essentielle en tant que moteur de cette dynamique de convergence.

Cela passe par la liberté d’entrée sur le marché pour de nouvelles entreprises, une population suffisamment éduquée pour utiliser les nouvelles technologies et, de manière générale, des structures économiques s’adaptant au fil du temps aux besoins de développement. La demande de compétences d’une économie en rattrapage, qui se développe par l’imitation, n’est pas la même que celle d’une économie proche de la frontière technologique, qui doit innover.

Le retard européen sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) peut dès lors s’expliquer par une moindre flexibilité des marchés du travail et un environnement moins concurrentiel, ainsi que par un niveau d’éducation plus faible.

La phase de rattrapage s’est achevée dans les années 1980 ou 1990 pour les pays européens et le Japon, à environ 80 % du niveau de vie américain

L’arrêt de ce rattrapage peut être relié au fait que le niveau de PGF des Européens avait atteint un niveau proche de celui des États-Unis. Le développement par imitation du modèle américain s’essoufflait ainsi. Et ce, même si les États-Unis restaient le pays leader dans de nombreux domaines technologiques et possédaient toujours une avance sur l’adoption d’innovations.

Ensuite, les États-Unis connaissaient un double choc technologique et de politique économique. Le double choc a conduit à un sursaut de leur PGF, à une révolution des technologies des TIC et à une plus forte contribution du facteur travail à la croissance. Pour le Japon, l’arrêt du rattrapage peut être également relié à la crise financière et à la déflation subies par le pays à partir de la fin des années 1980.

12/ Qu’est-ce que la trappe à revenu intermédiaire connue par l’Argentine ?

Alors que l’Argentine connaissait un fort niveau de développement avant la Première Guerre mondiale et était tournée vers le commerce extérieur… elle connut un déclin considérable. L’Argentine avait un niveau de développement comparable à celui des économies avancées avant la Première Guerre mondiale. Mais après la Deuxième Guerre mondiale, elle n’a pas connu les taux de croissance dont ont bénéficié les autres économies avancées dans la période des Trente Glorieuses, ni même après.

Les capitaux proviennent d’investissements étrangers

Toutefois, vu que la croissance de l’Argentine repose sur la demande extérieure et donc sur le commerce extérieur, s’il y a un choc de demande négatif mondial, alors l’Argentine est vulnérable et son économie décline. C’est arrivé dans un premier temps en 1914 et aussi pendant la crise de 1929. Ce qui mènera le pays à une économie déclinante et à un mécontentement social généralisé.

De plus, un putsch eut lieu jusqu’en 1943 et instaura une dictature militaire. Cette période est nommée la « décennie infâme ». D’autres régimes autoritaires se succédèrent par la suite, instaurant une économie dirigiste et protectionniste. Ce qui a favorisé les grandes entreprises d’État et découragé le commerce international.

L’Argentine fit le choix de se tourner sur elle-même avec une politique économique catastrophique amenant à un niveau moyen d’éducation très faible, un taux d’épargne presque nul et une stabilité financière très fragile. L’incapacité à adapter ses institutions pour en faire une économie innovante et de parvenir à un pays à haut revenu, donc de rester à un certain niveau de revenu, explique le déclin de l’Argentine. C’est caractéristique du phénomène de « middle income trap ».

La « trappe au revenu intermédiaire » est un phénomène touchant des économies qui connaissaient jusque-là une croissance rapide, mais qui stagnent ensuite au niveau des revenus intermédiaires et échouent à parvenir au rang des pays à haut revenu.

L’exemple argentin illustre l’importance pour la croissance économique d’adapter ses institutions aux changements de l’économie mondiale. Il illustre surtout l’importance pour un pays de générer de la croissance en innovant et en garantissant une concurrence juste. Cela montre que même un pays riche peut décliner en quelques décennies à cause de mauvais choix politico-économiques.

La suite et fin de l’ouvrage ici !