La concurrence est une partie phare du programme de microéconomie en classe prépa ECG. À ce titre, le livre d’Emmanuel Combe retrace la concurrence, ses avantages et ses inconvénients. Une analyse complète qui convient au programme de l’année.
« Détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence », disait déjà Frédéric Bastiat (Harmonies économiques, 1850). Pour autant, est-ce vrai ?
Tantôt perçue comme un facteur d’émulation sur les marchés, tantôt dénoncée pour son âpreté, la concurrence suscite des jugements contrastés dans l’opinion publique. Très souvent, nous la plébiscitons comme consommateurs et nous la craignons comme salariés.
Fidèle à la tradition universitaire, l’ouvrage d’Emmanuel Combe se veut plus démonstratif qu’affirmatif. L’auteur n’assène pas de vérités, il entend expliquer et décortiquer les mécanismes économiques propres à la concurrence, qui sont multiples. Il montrera que la concurrence est bénéfique, uniquement si elle se trouve encadrée par une série de mesures pour limiter au maximum les inconvénients.
Introduction sur la concurrence
La concurrence semble justifiée, elle incarne la « loi démocratique par essence », elle met fin aux rentes injustifiées, au privilège. Elle est souvent perçue comme une source de progrès économique et social, de gain de productivité et de prix bas. Pour les autres, la concurrence est un processus impitoyable de sélection dans lequel tout le monde ne joue pas avec les mêmes armes.
À vrai dire, chacune des deux visions contient une part de vérité, mais le contexte économique et les réactions des acteurs économiques comme les entreprises sont très importants pour en comprendre les effets.
Chapitre I. La concurrence ou le primat du grand nombre
La conception la plus intuitive de la concurrence consiste à assimiler concurrence et nombre d’entreprises. Plus les entreprises sont nombreuses sur un marché, plus la concurrence y est intense. Tel est le modèle de la « concurrence pure et parfaite ».
Plus il y a d’entreprises, moins les entreprises ont de pouvoir de marché. Et à l’inverse, en cas de monopole, la seule entreprise présente détient tout le pouvoir de marché possible et peut modifier les prix à sa guise. Entre les deux extrêmes se trouve un marché contenant peu d’entreprises, un oligopole.
1 – Le modèle canonique de la concurrence pure et parfaite
Né à la fin du XIXᵉ siècle au sein de l’école néoclassique, le modèle de la CPP constitue le point de départ de toute réflexion sur ce qu’est la concurrence. Il suppose que plusieurs conditions soient réunies :
- libre entrée et libre sortie sur le marché pour une entreprise ;
- les produits doivent être homogènes, identiques aux yeux des consommateurs, seul le prix permet de les distinguer ;
- atomicité (nombre d’offreurs et consommateurs élevé) ;
- transparence de l’information.
Si on reprend la condition d’atomicité, cela implique que chaque offreur n’a aucun pouvoir de marché, soit aucun impact sur son marché, il est « price taker ». Ainsi, si une entreprise augmente son prix de vente au-dessus du prix du marché, elle perd tous ses clients, qui achètent à une autre entreprise.
On arrive à la première conclusion : une entreprise en CPP, à terme, ne fait aucun profit. Si le prix est supérieur au coût marginal de l’entreprise, d’autres entreprises vont intégrer le marché en quête de profit (différence entre le coût marginal en l’absence de coûts fixes et le prix). Sous réserve d’une libre entrée sur le marché et de pratiquer un prix inférieur au prix de marché. Ce processus se réitère jusqu’à ce qu’une entreprise pratique son coût marginal en guise de prix, sur lequel vont se rejoindre les autres entreprises du marché.
En guise de deuxième conclusion, nous pouvons dire que la CPP aboutit à une situation de bien-être optimal. En effet, le surplus du consommateur, qui se définit comme la différence entre sa disposition maximale à payer et le prix payé, est maximal, sans léser les entreprises qui, certes, ne réalisent pas de profits, mais n’ont pas un coût supérieur au prix.
2 – Seul sur le marché : le monopole
À l’opposé de la CPP se trouve le monopole : structure de marché caractérisée par la présence d’une unique entreprise non menacée par les autres. Elle dispose ainsi d’un pouvoir de marché, elle est « price maker ».
a/ Le monopole est malthusien
Le monopole n’a pas tellement de contrainte de prix. La seule véritable est celle des clients, car il ne risque pas de se faire voler les clients par les concurrents qui, par essence, n’existent pas.
Il faut d’abord comprendre comment un monopole fixe son prix. Si une entreprise est sur le marché, elle possède un coût marginal de production. En fixant un prix trop élevé, elle aura peu de clients, mais une marge importante sur chaque client. Si elle diminue son prix, elle gagnera de nouveaux clients, mais perdra de la marge par client.
Le monopole va ainsi arrêter de baisser son prix lorsque la recette marginale est au coût marginal. Soit quand le coût de servir un nouveau client est plus élevé que ce que cela lui rapporte. Ainsi, le pouvoir de marché du monopoleur lui permet d’augmenter au-dessus du coût marginal sans risquer de perdre ses clients.
Tout cela rentre en résonance avec l’élasticité-prix des produits que l’entreprise vend. Si un consommateur n’a pas essentiellement besoin de ce produit, le monopoleur ne pourra pas augmenter de beaucoup son prix. À l’inverse, si on prend l’exemple d’une pharmacie qui vend des médicaments de première nécessité, elle pourra augmenter les prix, car les clients lui resteront fidèles (le produit est essentiel).
b/ Le procès du monopoleur
Quand on regarde la situation en équilibre du monopoleur, on s’aperçoit de deux effets.
Le premier est que le monopole s’accapare une partie du bien-être des consommateurs (une partie du surplus du consommateur), car certains clients, en dépit de l’augmentation du prix du produit, continuent d’acheter.
Le deuxième est qu’il diminue le bien-être total. Le profit du monopole est inférieur à la diminution du surplus des consommateurs. On observe une perte sèche. En 1954, Harberger a mesuré la valeur de cette perte sèche dans l’économie américaine et parvient à un faible résultat, moins de 0,1 % du PNB des États-Unis. Le monopole apparaît donc indésirable, on parle « d’inefficience allocative ».
Au-delà de cette inefficience allocative, l’avènement d’un monopole amène à trois distorsions.
L’entreprise est amenée à moins maîtriser ses coûts de production, car elle pourra les compenser en augmentant les prix. Soit « l’inefficience X » que l’on peut résumer avec la célèbre phrase de Hicks (The Theory of Monopoly, 1935) : « Le meilleur de tous les profits d’un monopole, c’est la tranquillité. »
En deuxième lieu, le monopole, non menacé par les concurrents, est moins incité à innover. Ce qu’Arrow dénomme « l’effet de laurier » (Economic Welfare and the Allocation of Resources for Invention, 1962).
Enfin, lorsque le monopole provient d’une restriction légale, les entreprises vont tenter d’obtenir cette rente de monopole en dépensant de l’argent. Ces dépenses peuvent prendre de multiples formes, illégales ou légales.
Néanmoins, les constats doivent être relativisés, en pratique, les situations de monopole sont assez rares. Même quand il y a monopole (SNCF, par exemple), il y a tout de même une concurrence intermodale entre l’avion et le train par exemple.
3 – Les marchés de petit nombre : du duopole à l’oligopole
Entre ces deux structures opposées existent des structures imparfaites : le duopole, quand il y a deux entreprises, et l’oligopole, au-delà.
L’analyse d’un marché oligopolistique est complexe, dans le sens où chaque entreprise exerce une influence sur les autres. Influence qui n’existe pas en CPP. Parmi les nombreuses modélisations, le duopole de Cournot est sûrement le plus intéressant. Dans ce dernier, la quantité offerte sur le marché est supérieure à la quantité du monopole, mais inférieure à celle de CPP. Un duopole est donc une structure intermédiaire.
On en déduit que le prix en duopole de Cournot est supérieur au prix en CPP, mais inférieur qu’en monopole. De même, le profit réalisé par les entreprises en duopole est moindre que celui en monopole et supérieur que celui en CPP.
En généralisant ce modèle, on s’aperçoit que plus les entreprises rentrent sur le marché, plus le marché s’approche d’un marché en CPP. La quantité offerte s’accroît et le prix diminue.
L’oligopole de Cournot est utile pour comprendre empiriquement l’évolution d’un marché lorsque le nombre d’entreprises varie. Ainsi, en 2013, la Commission européenne s’est opposée au rachat de la compagnie aérienne irlandaise Aer Lingus par Ryanair. Au motif que la fusion aurait conduit à une situation de monopole ou de position dominante sur 46 liaisons aériennes sur lesquelles les deux compagnies étaient en concurrence. Après la fusion, la nouvelle entité aurait eu une incitation à augmenter les prix des billets d’avion.
Symétriquement, l’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché va se traduire par une baisse des prix et une augmentation du bien-être total. Ce cas peut être illustré par l’entrée sur le marché de la téléphonie de Free en 2012. Une étude a montré que cette entrée a contribué à faire baisser les prix de 7 % sur le marché. Dans la même logique, quand un pays s’ouvre au commerce international, les prix baissent également.
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