classes moyennes

Les Nouvelles classes moyennes est un ouvrage d’E. Maurin dans lequel il s’intéresse à un phénomène majeur de la société contemporaine : la transformation des classes moyennes. C’est un thème qui tombe de manière récurrente aux oraux d’ESH et qui a le bénéfice de distinguer les étudiants pour se rendre compte si ces derniers connaissent le programme d’ESH dans sa totalité (y compris la sociologie). Il peut donc être pertinent d’être à l’aise avec ces ouvrages clés qui traitent de la question, et celui-ci en fait partie !

Introduction

Historiquement perçues comme la colonne vertébrale de la société, les classes moyennes sont aujourd’hui en pleine mutation. Doit-on parler de cette notion au singulier ou au pluriel ? Cette ou ces dernières existent-elles encore ? Quelles sont les conséquences de leur mutation ? Voilà des questions que nous devrons légitimement poser au cours de l’analyse de cet ouvrage.

Maurin analyse donc en profondeur les facteurs économiques, sociaux et politiques qui ont conduit à cette redéfinition et montre comment, loin d’être un groupe homogène, les nouvelles classes moyennes sont marquées par une diversité grandissante et des fragilisations multiples.

De plus, cet article s’inscrit dans un cadre plus large de réflexion sur les classes sociales, où les perspectives développées par les sociologues divergent. Pensons par exemple à Alain Lipietz, dans son ouvrage La Société en sablier (1996), qui annonce la fin des classes moyennes (tu comprends ici l’image du sablier qui représente la structure de la société). À l’inverse, Mendras parlait, dans son ouvrage La Seconde Révolution française 1965-1984 (1988), d’une « toupie » pour représenter la société française (c’est-à-dire qu’il défendait la thèse opposée).

Redéfinir la « classe moyenne »

Les nouvelles classes moyennes

Dans Les Nouvelles classes moyennes, Maurin propose une redéfinition de la classe moyenne qui dépasse l’idée simpliste d’un groupe homogène. Selon lui, il faut s’éloigner de la vision traditionnelle où les classes moyennes sont définies par un revenu ou un statut professionnel stables.

Il écrit : « Ce qui caractérise les classes moyennes aujourd’hui, c’est leur hétérogénéité. Elles ne sont plus seulement définies par une position intermédiaire dans l’échelle des revenus, mais par une diversité de situations sociales, professionnelles et économiques. » (p. 22)

On répond donc à notre première question fondamentale : il semble que l’on doive bien parler « des classes moyennes » du fait de leur hétérogénéité.

L’ancienne classe moyenne

L’ancienne classe moyenne était principalement constituée de professions intermédiaires, telles que les enseignants, les fonctionnaires ou les cadres moyens (voir les CSP de l’Insee). Toutefois, ce groupe a subi de profondes mutations sous l’effet des changements économiques mondiaux, du néolibéralisme et de l’évolution des modes de travail.

Maurin fait le constat suivant : « La classe moyenne traditionnelle s’est dissoute au profit de nouvelles formes de classes moyennes, où les statuts, les revenus, mais aussi les trajectoires sociales, sont plus variés. » (p. 41)

Ainsi, Maurin est bien plus proche des thèses de Mendras que de Lipietz.

La mobilité sociale

Cette nouvelle division au sein des classes moyennes s’accompagne d’une redéfinition des aspirations. Au lieu d’une stabilité professionnelle, la mobilité sociale devient une quête centrale. Le modèle d’une ascension continue et linéaire vers un mieux-être social cède la place à une quête plus individuelle et moins collective.

Selon Maurin, « l’ascenseur social, qui fonctionnait encore pour les générations précédentes, est en panne pour les jeunes générations des classes moyennes. La peur de la dégradation sociale est désormais aussi présente chez ceux qui étaient autrefois la classe dominante intermédiaire » (p. 75).

Si tu veux en savoir plus sur la notion de mobilité sociale, voici un super rapport de l’OCDE qui traite de la question de l’ascenseur social.

Les causes de la fragilisation des classes moyennes

Dans son ouvrage, Maurin montre qu’il existe une triple pression économique, sociale et politique qui a pesé sur les classes moyennes et qui est à l’origine de leur fragilisation.

Le rôle de la mondialisation

Tout d’abord, l’une des thèses principales de Maurin est que la fragilisation des classes moyennes résulte de la convergence de plusieurs facteurs. L’un des plus importants est le processus de mondialisation et de néolibéralisme, qui a eu des effets délétères sur la stabilité économique des classes moyennes.

Il observe que « la mondialisation a conduit à une désindustrialisation progressive et à un effritement des emplois stables dans les pays occidentaux. Ceux qui faisaient partie de la classe moyenne traditionnelle se sont vus déclassés ou précarisés » (p. 87). Tu pourras ici convoquer tes connaissances sur d’autres auteurs : pensons par exemple à la courbe de l’éléphant de Branko Milanovic.

Le phénomène de la précarisation de l’emploi est particulièrement marqué. Les emplois temporaires, les contrats à durée déterminée (CDD) et le travail indépendant se sont multipliés, créant une instabilité qui touche principalement les jeunes générations.

La montée des inégalités

Un autre facteur majeur est la montée des inégalités économiques, que Maurin associe à l’émergence d’une société de plus en plus polarisée socialement. En effet, l’écart de richesse entre les différentes strates sociales s’est creusé au cours des dernières décennies.

Les classes moyennes supérieures ont continué à bénéficier de la croissance économique, mais une large partie des classes moyennes fragiles a été laissée pour compte. D’après Maurin, « la fracture sociale se creuse à l’intérieur même des classes moyennes, entre ceux qui profitent de l’essor des nouveaux secteurs économiques […] et ceux qui restent enfermés dans des métiers peu valorisés » (p. 115). Cette fracture contribue à une perte de confiance dans les institutions et à un désenchantement général vis-à-vis du modèle social.

Tu pourras ici convoquer en appui tout ce que tu connais sur les Gilets jaunes, par exemple, pour parler de la perte de confiance envers les institutions.

La mutation des valeurs

Enfin, la mutation des valeurs sociales et culturelles a joué un rôle dans cette transformation. Maurin met en lumière les formes d’individualisme et de consumérisme vers lesquelles se tournent les nouvelles classes moyennes. « Ce qui est frappant, c’est la recherche incessante de statut, de prestige social, et une forme de satisfaction immédiate par la consommation. Le modèle des classes moyennes a été complètement transformé par ces nouveaux idéaux. » (p. 127)

Ici, Maurin reprend en partie les thèses de Veblen (Théorie de la classe de loisir, 1899) qui montre la place de la consommation dans la création d’un statut social (notion de « consommation ostentatoire »).

Les conséquences sociales et politiques

L’individualisme

Tout d’abord, cette fragilisation a des répercussions sur le plan social et politique, notamment en matière de cohésion sociale et de soutien aux politiques publiques. Maurin montre que la montée des inégalités et la perte de statut des classes moyennes ont favorisé la montée de l’individualisme et des revendications populistes. Il affirme que « le déclin des classes moyennes va de pair avec un recul de la solidarité sociale et un repli sur soi » (p. 134).

Tu pourras ici faire un lien entre l’argument de Maurin et les thèses du lien social, selon Serge Paugam (Le Lien social, 2018).

Le populisme

De plus, cette fragilisation se traduit par un tournant populiste dans les sociétés occidentales. Maurin souligne que « la montée des partis populistes, à droite comme à gauche, trouve une partie de sa source dans le mal-être des classes moyennes, qui se sentent abandonnées par le système politique traditionnel » (p. 145). Les classes moyennes fragilisées sont ainsi plus susceptibles de se tourner vers des discours anti-establishment, nourrissant des mouvements politiques qui remettent en cause les principes de solidarité et d’égalité.

Maurin note également que la disparition de ces classes « rend plus difficile le maintien d’un modèle démocratique cohérent. Si les classes moyennes se fragmentent et disparaissent, le lien social se distend, et avec lui, les bases de la démocratie participative » (p. 156). Ce processus menace la stabilité politique et sociale des démocraties contemporaines, dans un contexte où les inégalités économiques sont perçues comme de plus en plus injustes.

Conclusion

En définitive, l’ouvrage de Maurin permet de faire le tour d’horizon de tous les principaux enjeux autour des classes moyennes, des causes de leur recomposition aux conséquences de celle-ci. Il est donc super à maîtriser pour briller en sociologie aux oraux (et peut-être aux écrits, même si la sociologie tombe très rarement). Comme c’est un ouvrage assez général, essaye de le mêler à des connaissances externes plus précises de sociologie (nous avons par exemple cité la courbe de l’éléphant ou encore l’épisode des Gilets jaunes).

Il n’y a désormais plus qu’à croiser les doigts pour qu’un sujet sur la finance tombe aux prochains écrits !

 

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