retraites

Depuis les années 1950, les pouvoirs publics se sont efforcés d’améliorer le niveau de vie des personnes âgées. Cependant, avec le vieillissement de la population, ils ont ensuite dû adopter des mesures pour assurer le financement des pensions. Cela a pu soulever nombre de réactions et de conflits, jusqu’à aujourd’hui. On l’a vu par exemple très récemment avec la réforme des retraites en 2023, qui comprend un ensemble de mesures, dont le report de l’âge légal de la retraite à 64 ans. Voici un article qui traite du défi que représente le financement des retraites et des différentes solutions qui ont été mises en place ou qui peuvent l’être afin d’améliorer la situation. Ce genre de sujet peut tomber à l’oral des concours, il faut donc y être préparé.

Le vieillissement démographique met en péril l’équilibre des régimes de retraite dans les pays développés

Des régimes de retraite face à un choc démographique

Définitions

Le système français repose sur la répartition. Les cotisations des actifs financent directement les pensions des retraités de la même année, selon un principe de solidarité intergénérationnelle. 

À l’inverse, un système de capitalisation implique que chacun épargne pour sa propre retraite. Les cotisations des actifs sont investies sur les marchés financiers, soit individuellement, soit collectivement, via des fonds de pension. Ces actifs financiers sont ensuite destinés à couvrir le versement des pensions.

Dans certains pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, les régimes de retraite par capitalisation occupent une place significative. En France, la capitalisation reste très marginale. La réforme de 2003 a créé un régime facultatif de retraites par capitalisation pour les salariés du privé, mais son impact est limité.

Vulnérabilités

Les deux systèmes sont vulnérables à un choc démographique, c’est-à-dire à une réduction marquée du ratio actifs/retraités. Ainsi, en France, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), il y avait quatre cotisants pour un retraité en 1960. Ce chiffre est tombé à deux au début des années 2000 et à 1,7 en 2018. Il est estimé qu’il passera à 1,4 en 2050 et à 1,3 en 2070 (rapport annuel du COR, 2020).

On peut également analyser la situation à travers le ratio de dépendance démographique (nombre de personnes en âge de retraite/nombre de personnes en âge de travailler). De 1950 à 2006, ce ratio (60 ans ou plus/20-59 ans) a varié entre 0,3 et 0,39. L’augmentation du nombre de personnes âgées (due à l’allongement de l’espérance de vie) était alors compensée par une augmentation équivalente du nombre d’adultes en âge de travailler (grâce à l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à partir de la fin des années 1960). Depuis 2006, avec l’entrée à la retraite des baby-boomers, ce ratio a fortement augmenté. 

Cependant, les systèmes de retraite par capitalisation ne seront pas épargnés, comme l’explique P.-N. Giraud. Selon lui, tous les systèmes de retraite transfèrent des revenus des actifs vers les retraités. La différence principale est que les systèmes de répartition sont nationaux, tandis que les systèmes de capitalisation sont globaux. Le choc démographique à venir affectera les pays riches dans les premières décennies du XXIe siècle et les pays émergents plus tard.

Si les systèmes de capitalisation sont confinés à un seul territoire, ils subiront également ce choc, mais la globalisation financière peut les protéger en permettant la vente d’actifs financiers à des acheteurs dans les pays émergents. Dans les systèmes de capitalisation, le choc démographique est donc différé, tandis que les systèmes de répartition, comme celui de la France, connaissent déjà des problèmes de financement.

En effet, les dépenses de retraite représentent un poids financier considérable en France. Selon l’OCDE, la France consacre 32 % de son PIB aux dépenses sociales publiques, contre une moyenne de 20 % pour l’OCDE. Les pensions de retraite représentent près de 45 % de ces dépenses.

Deux types de réformes : paramétriques et symétriques

Des réformes « paramétriques » : exemple de la France de 1993 à 2013

Pour ajuster l’équilibre du système de retraite, les réformes paramétriques modifient les paramètres fondamentaux afin d’augmenter les ressources ou de réduire les dépenses. Le système de répartition français dépend de trois variables principales : le taux de cotisations des actifs, l’âge de départ à la retraite (son augmentation réduit les charges et accroît les recettes) et le montant des pensions (qui varie selon leur mode de calcul et de revalorisation). Durant les années 1970 et 1980, des ajustements mineurs ont été effectués sans constituer de véritables réformes. L’accent était mis sur l’augmentation des cotisations sociales.

Ensuite, plusieurs réformes ont été mises en œuvre, notamment en 1993 pour les salariés du privé, en 2003 pour les salariés du privé et les fonctionnaires (après l’échec de la tentative de 1995), en 2007-2008 pour les régimes spéciaux (SNCF, RATP, etc.), et enfin en 2010 et 2013.

Objectifs de ces réformes

Réduire les pensions versées
  • En modifiant leur mode de revalorisation. Par exemple, en 1993, les pensions ont été indexées sur les prix plutôt que sur les salaires bruts.
  • En utilisant un calcul moins avantageux pour le salaire de référence. Depuis 1993, le montant de la pension des salariés du privé est calculé sur les 25 meilleures années, contre 10 auparavant.
Reculer l’âge de la retraite
  • En 1982, l’âge de la retraite avait été abaissé de 65 à 60 ans pour des raisons de progrès social et de lutte contre le chômage.
  • En 2010, l’âge officiel de la retraite a été progressivement reculé à 62 ans à l’horizon 2017.
Allonger la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein
  • En 1993, la durée de cotisation est passée de 37,5 à 40 ans dans le privé.
  • En 2003, cette durée a été prolongée à 41 ans.
  • En 2014, la réforme Touraine a porté la durée à 43 ans pour ceux nés à partir de 1973.

Ceux qui n’ont pas cotisé suffisamment voient leur pension réduite, les incitant à prolonger leur durée de cotisation. En outre, un système de décote/surcote incitatif a été introduit. Si le salarié part à l’âge légal sans avoir cotisé le temps requis, sa pension est significativement réduite. À l’inverse, une bonification est accordée en cas de départ au-delà de l’âge légal.

Ces réformes successives illustrent la persistance du problème de financement du système de retraite en France. Elles ont principalement cherché à contenir l’augmentation du poids des pensions dans le revenu national, mais souvent au prix de conditions moins avantageuses pour les futurs retraités. 

De nombreux économistes critiquent ces réformes, les jugeant trop partielles pour résoudre durablement le problème, car elles ne touchent pas à l’architecture fondamentale du système de retraite.

Des réformes systémiques dans certains pays

Le développement de la capitalisation en Allemagne (réforme de 2001)

En Allemagne, en plus des mesures paramétriques, les retraites publiques par répartition ont été réduites et un système de retraites privées facultatif, appelé pensions « Riester » (du nom du ministre du Travail en charge de la réforme), a été instauré.

Ce système est financé par capitalisation et fortement encouragé par l’État. Les contribuables les plus aisés peuvent déduire cette épargne de leur revenu imposable, tandis que les plus modestes reçoivent une aide de l’État pouvant représenter 90 % des cotisations versées.

La réforme en Suède (2001)

En Suède, après 15 ans de négociations entre partenaires sociaux, un système à cotisations définies (« retraite par points ») a été mis en place en 2001.

Chaque travailleur accumule un capital de points qui confère des droits à pension sans fixer le niveau des pensions. La pension dépend du nombre de points accumulés, de la valeur des points et de l’espérance de vie de la classe d’âge.

La réforme systémique en France (2019)

En 2019, la France travaillait sur une réforme systémique visant à unifier et à rendre transparent le système de retraite, en restant basé sur le principe de répartition, mais en passant à un régime à cotisations définies. Cette réforme, qui aurait entraîné des gagnants et des perdants, a suscité des craintes et des oppositions.

La pandémie a mis cette réforme en suspens. Alors que le système de retraite était à l’équilibre en 2019, la récession de 2020 a conduit à une forte contraction des ressources, non compensée par la faible diminution des dépenses due à la surmortalité des retraités. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) estime que dans le meilleur des cas, un retour à l’équilibre ne se produirait qu’au milieu des années 2030. Il y a ensuite eu la réforme effective en 2023, qui a connu de nombreux changements par rapport à ce qui était prévu.

Dans la plupart des pays en développement, l’enjeu est de mettre en place des régimes de protection sociale

Le cas des pays émergents

De nombreux pays émergents, notamment en Asie du Sud-Est, risquent de connaître un vieillissement accéléré avant d’atteindre un niveau de richesse élevé. Selon les démographes et les économistes du développement, cette transition rapide pose des défis majeurs. Par exemple, alors qu’il a fallu plus d’un siècle à la France pour passer d’une société vieillissante (les plus de 65 ans représentant entre 7 et 14 % de la population) à une société âgée (plus de 14 %), il ne faudra que 20 ans en Thaïlande ou au Vietnam.

Ces pays, avant même de rejoindre le groupe des pays à hauts revenus, perdront les avantages d’une main-d’œuvre jeune et abondante, et devront financer des systèmes de protection sociale robustes. En Chine, le vieillissement accéléré de la population remet en question la capacité du pays à éviter le « piège du revenu intermédiaire » avant d’atteindre le statut de pays à revenu élevé.

Pour les pays les moins avancés (PMA), encore en pleine transition démographique, la priorité reste la lutte contre la pauvreté et les investissements dans l’éducation et la santé des enfants, plutôt que la prise en charge des populations âgées. Les régimes de retraite existants y couvrent une minorité privilégiée, principalement les salariés du secteur public et ceux du secteur privé formel. En Afrique subsaharienne, par exemple, moins de 17 % des personnes âgées perçoivent une retraite, selon la Banque mondiale.

Faire face à l’isolement et à l’appauvrissement des personnes âgées

La transition vers des « familles nucléaires » conduit à un affaiblissement de la solidarité familiale. En Inde, où plusieurs générations vivent traditionnellement sous le même toit, de plus en plus de personnes âgées se retrouvent isolées. La moitié des personnes âgées de 65 ans et plus vivent dans la pauvreté.

L’Inde a instauré un système de retraite par capitalisation en 1952, mais il ne couvre qu’une petite fraction des actifs (les salariés du secteur formel), malgré des efforts récents pour établir un système plus universel. Seuls 12 % des salariés bénéficient d’un système de retraite. Les plus pauvres sont souvent pris en charge par des hospices publics ou des institutions privées qui reçoivent des subventions dérisoires de l’État (100 à 150 roupies mensuelles, soit au mieux 2 €), offrant des soins et des conditions de vie très précaires.