Les rapports de jury sur les oraux d’ESH pointent du doigt chaque année que les étudiants ne sont pas suffisamment préparés pour des sujets portant sur la fiscalité et que les fondements ne sont pas maîtrisés. Voici dans cet article l’introduction à la politique fiscale et l’essentiel à maîtriser (théories, données) avant d’aller davantage dans les détails.
Les fonctions de l’État et la politique fiscale
Les impôts ont historiquement été utilisés comme un moyen de financer les dépenses publiques. En particulier dans une perspective keynésienne de gestion contracyclique des fluctuations économiques. De plus, l’échec des politiques de stabilisation et l’émergence de l’économie de l’offre dans les années 1970 ont conduit à un intérêt renouvelé pour la politique fiscale.
Dans les années 1990, le transfert des politiques monétaires à une instance commune indépendante, comme la Banque centrale européenne, a conduit à une réévaluation des instruments fiscaux restants, sous le contrôle des gouvernements nationaux en Europe.
Les dimensions de l’impôt
Richard Musgrave, dans son ouvrage The Theory of Public Finance: a Study in Public Economy (1959), identifie trois fonctions principales pour l’intervention publique par le biais de la fiscalité.
Dimension de financement
La fiscalité sert à financer des services publics qui sont essentiels pour la société tels que l’eau ou l’éducation. Ces services sont souvent non rivaux et non excluables. Ce qui signifie que leur consommation par un individu n’empêche pas leur consommation par un autre et qu’il est difficile d’exclure quiconque de leur utilisation.
Parfois, ces services peuvent être pris en charge par le secteur privé, mais leur financement reste souvent une responsabilité publique en raison de leur nature indispensable.
Dimension normative
La fiscalité est utilisée comme un instrument de justice redistributive pour corriger les inégalités engendrées par la répartition primaire des revenus.
Cela vise à redistribuer les richesses de manière plus équitable et conforme aux principes de justice sociale.
Dimension opérationnelle
La fiscalité joue un rôle dans la stabilisation économique en agissant comme un outil de stabilisation contracyclique. Cela implique l’utilisation d’un multiplicateur fiscal pour atténuer les fluctuations économiques, similaire au multiplicateur des dépenses publiques.
Les décisions des agents économiques dépendent des revenus disponibles, qui sont influencés par les prélèvements obligatoires.
Ces trois dimensions sont interdépendantes et s’articulent autour de deux aspects de l’analyse économique :
- macroéconomique : la fiscalité est un outil de politique conjoncturelle susceptible d’affecter les grands agrégats économiques tels que la consommation, l’investissement et l’épargne ;
- microéconomique : la fiscalité peut être incitative ou désincitative et orienter les comportements individuels et des entreprises.
Le poids des prélèvements obligatoires
Les prélèvements obligatoires (PO) se composent principalement de deux parties : les impôts destinés aux administrations publiques (APU) centrales et locales, et les cotisations sociales destinées aux APU de sécurité sociale.
Impôts destinés aux APU centrales et aux collectivités locales
Peacock et Wiseman ont étudié en 1961 l’effet des guerres sur le déplacement des impôts. Ils ont constaté que les taux d’imposition augmentaient pendant les guerres. Notamment lorsque les gouvernements n’avaient pas recours à l’endettement. Par exemple, les États-Unis ont augmenté l’impôt sur le revenu et son assiette pour financer leur entrée dans la Seconde Guerre mondiale, avec un taux marginal atteignant 94 % en 1945.
Progressivement, même en période de paix, ces impôts sont devenus essentiels pour financer des services publics que les citoyens souhaitent transférer aux pouvoirs publics, comme les autoroutes, l’éducation et la recherche. Ainsi, les guerres ont créé un palier dans l’acceptation des impôts par la population. Une fois la paix revenue, les citoyens s’habituent à un niveau d’impôt plus élevé.
Cotisations sociales
Les cotisations sociales, en revanche, sont destinées aux APU de sécurité sociale et ouvrent des droits spécifiques à ceux qui les paient. Comme des prestations partiellement proportionnelles au montant des cotisations précédentes. Contrairement aux impôts, les cotisants sont des ayants droit qui s’assurent contre la réalisation d’un risque mutualisé par une institution publique.
Par exemple, les travailleurs perçoivent des revenus de remplacement proportionnels à leur salaire antérieur et modulés par la durée de leurs cotisations. Dans le système de protection sociale bismarckien, une partie importante des dépenses sociales est financée par les cotisations sociales, contrairement aux systèmes beveridgiens où les impôts jouent un rôle plus central.
Quelques données récentes françaises
- En 2022, le taux des PO en France (48 % du PIB selon Eurostat) était supérieur de 6,1 points au taux moyen de la zone euro, le plus élevé de la zone et de l’Union européenne.
- Impôts sur la production : principale source d’écart entre les taux de PO en France et dans la zone euro, contribuant à hauteur de 2,4 points.
- Cotisations sociales : bien que leur poids ait diminué ces dernières années, elles restent supérieures de 2 points à la moyenne de la zone euro en 2022. Les cotisations patronales en particulier étaient supérieures de 2,4 points.
- TVA et autres impôts sur la consommation : le poids de la TVA en France était légèrement plus élevé que la moyenne de la zone euro en 2022 (+0,3 point), tandis que celui des autres impôts sur la consommation (carburants, tabacs, alcools) était supérieur de 1,1 point.
- Impôts sur les revenus des ménages : en 2022, ils représentaient 9,9 % du PIB, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne européenne de 9,7 % du PIB. Cependant, l’impôt sur le revenu au sens strict restait faible en France (3,5 % du PIB).
- Impôt sur les bénéfices des sociétés : en 2022, il était égal à la moyenne de la zone euro, représentant 3,3 % du PIB.
Typologie des impôts
Typologie juridique
Juridiquement, les impôts sont classés en deux grandes catégories, en fonction de leur mode de collecte.
Impôts directs
Prélèvements obligatoires portant directement sur le revenu, le bien, ou l’actif possédé par une personne physique ou morale.
- L’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui en France est prélevé à la source depuis 2019.
- L’impôt sur les sociétés, qui est dû par les entreprises en proportion de leur bénéfice imposable de l’année précédente. Les pertes éventuelles peuvent être reportées sur les bénéfices ultérieurs sous certaines conditions.
- La taxe sur le patrimoine (impôt sur la fortune immobilière) et la taxation de l’héritage.
Impôts indirects
Impôts supportés par le contribuable, mais versés par une tierce personne. Le contribuable et le redevable de l’impôt sont deux entités distinctes.
- La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), où le montant est répercuté sur le prix d’achat du bien ou du service. C’est l’entreprise qui vend le bien ou le service qui est redevable de l’impôt, mais c’est le consommateur qui en supporte le coût.
- Les droits de douane.
- Les droits d’accise, comme les taxes sur le tabac, l’alcool, les jeux d’argent (sin taxes) et l’énergie (TICPE).
Typologie économique
Selon Atkinson (1977), dans son étude « Optimal taxation and the direct versus indirect tax controversy », une distinction pertinente pour l’analyse économique des impôts est de se concentrer sur l’assiette fiscale. Voici un résumé de cette typologie économique.
Impôts indirects
- Assiette anonyme : les impôts indirects tels que la TVA sont perçus de manière anonyme, car ils sont collectés par un intermédiaire (comme les commerçants). L’administration fiscale ne connaît pas directement les contribuables.
- Exemples : la TVA est un exemple typique d’impôt indirect où le consommateur final supporte le coût, mais l’entreprise collectrice verse l’impôt à l’État.
- Taux d’imposition : généralement proportionnel, appliqué uniformément sur une assiette indifférenciée.
- Fonction d’allocation : les impôts indirects sont principalement utilisés pour financer la production de services publics et corriger les distorsions du marché.
- Optimum fiscal : ils offrent une base fiscale stable, car ils sont moins sensibles aux fluctuations économiques, assurant ainsi des ressources de financement stables pour l’État.
Impôts directs
- Assiette personnalisable : les impôts directs, comme l’impôt sur le revenu, sont personnalisables et peuvent être adaptés aux caractéristiques individuelles des contribuables.
- Exemples : l’impôt sur le revenu tient compte de la taille du foyer fiscal et de la nature des revenus. L’impôt sur les sociétés prend en compte les investissements et les dépenses de R&D.
- Taux d’imposition : souvent progressif, avec des taux augmentant en fonction de l’assiette identifiable (revenus, bénéfices).
- Fonction de redistribution : les impôts directs jouent un rôle crucial dans la redistribution des revenus pour corriger les inégalités générées par la répartition primaire des revenus.
- Optimum fiscal : sensibles aux taux d’imposition, ces impôts peuvent être utilisés pour réduire les inégalités économiques.