évasion

Dans La Grande évasion : santé, richesse et origine des inégalités (2013), Angus Deaton aborde l’histoire de l’humanité à travers les prismes de la santé, de la richesse et des inégalités. C’est donc un ouvrage qui traite d’un thème assez général en abordant de multiples exemples précis, que tu pourras donc mobiliser parfaitement dans un grand nombre de sujets d’ESH.

Introduction

À propos de l’auteur

Angus Deaton est un économiste britannique, lauréat du prix Nobel d’économie en 2015. Il a consacré une grande partie de sa carrière à étudier les inégalités économiques mondiales et l’impact des politiques publiques sur la santé et le développement.

Son travail a influencé de nombreux débats sur l’aide internationale, la croissance économique et les mesures de bien-être.

À propos de l’ouvrage

Publié en 2013, La Grande évasion est l’ouvrage pilier d’Angus Deaton. Dans ce livre, ce dernier explore l’histoire des progrès mondiaux en matière de santé et de richesse, tout en mettant en lumière les inégalités qui en ont résulté. À travers des analyses détaillées et des données précises, il montre comment certaines sociétés ont réussi à s’échapper de la pauvreté et des maladies, tandis que d’autres sont restées en arrière. Deaton y examine également le rôle des politiques publiques, la mondialisation et l’efficacité de l’aide internationale dans la lutte contre ces inégalités.

Tu pourras mobiliser La Grande évasion sur un grand nombre de thèmes d’ESH comme « La croissance et le développement depuis le XIXe siècle », « Les transformations des structures économiques, sociales et démographiques depuis le XIXe siècle », « La dynamique de la mondialisation économique », ou encore « Les politiques sociales ».

Pour analyser son ouvrage, nous suivrons les différentes parties de son ouvrage, écrites en titres succincts. Nous analyserons d’abord ce que Deaton traite dans la première partie de son ouvrage, intitulée « La vie et la mort », puis dans sa deuxième partie intitulée « L’argent », et enfin ce qu’il analyse dans la dernière partie de son ouvrage, « L’aide ».

Ne t’inquiète pas, on est bien en ESH et pas en philo !

La vie et la mort

L’un des axes principaux du livre est l’extraordinaire progrès en matière de santé qui a eu lieu au cours des deux derniers siècles. Avant le XIXe siècle, les maladies infectieuses étaient la principale cause de mortalité.

Deaton fait référence à la pandémie de peste noire, qui a tué environ un tiers de la population européenne au XIVe siècle. Mais les gains réalisés dans la lutte contre ces maladies au cours du XXe siècle ont permis une « grande évasion » des populations hors de ce fléau.

La baisse de la mortalité infantile et une hausse de l’espérance de vie

Au début du XIXe siècle, dans des pays comme l’Angleterre, environ un enfant sur trois mourait avant l’âge de cinq ans (moins de 1 % aujourd’hui, selon Deaton). De plus, ces améliorations ne concernent pas seulement les pays riches. Par exemple, le Bangladesh a également réalisé d’énormes progrès : en 1975, plus de 200 enfants sur 1 000 mouraient avant d’atteindre cinq ans ; en 2010, ce chiffre était tombé à environ 50.

Ensuite, concernant la hausse de l’espérance de vie, Deaton utilise les exemples historiques pour montrer que, dans des sociétés préindustrielles, comme l’Angleterre du XVIIIe siècle, l’espérance de vie était d’environ 40 ans. Aujourd’hui, dans les pays les plus riches, comme le Japon ou la Suisse, elle dépasse 80 ans.

Ces progrès sont principalement dus à la diminution des décès liés aux maladies infectieuses, mais aussi à des progrès dans la lutte contre les maladies chroniques, comme les maladies cardiaques ou les cancers.

Mais des progrès loin d’être uniformes

D’abord, en matière de mortalité infantile. En Afrique subsaharienne, bien que des progrès aient été réalisés, la mortalité infantile reste élevée par rapport aux standards mondiaux. En 2010, par exemple, dans des pays comme le Niger, environ 85 enfants sur 1 000 mouraient avant leur cinquième anniversaire. Un chiffre bien supérieur à ceux des pays développés…

Cependant, les progrès sont disparates, même en étudiant l’espérance de vie à la naissance. Deaton rappelle que ces gains ont été inégaux à travers le monde. En Afrique, notamment en raison de la crise du VIH, les progrès ont été limités. En 2000, l’espérance de vie en Afrique subsaharienne avait chuté à 49 ans, contre 62 ans dans les années 1980, avant de remonter à 54 ans en 2010 grâce à des programmes internationaux de traitement et de prévention.

C’est donc tout naturellement que cette question des efforts des pays développés pour les pays en développement sera abordée dans la troisième partie de La Grande évasion.

L’argent

L’une des thèses centrales de Deaton est que les progrès économiques ont été extrêmement immenses mais inégaux, tant au niveau mondial qu’à l’intérieur des pays. À l’époque préindustrielle, le monde était relativement égalitaire en matière de revenus : presque tout le monde vivait dans une pauvreté absolue.

Cependant, depuis la révolution industrielle, certains pays ont réussi à s’échapper de cette condition, tandis que d’autres sont restés piégés.

La montée en puissance de l’Occident et de l’Asie

Deaton note que l’industrialisation, d’abord en Europe et ensuite en Amérique du Nord et en Asie, a permis une augmentation exponentielle des revenus. D’autres pays européens ont ensuite suivi ces progrès économiques puis, par la suite, des pays comme les États-Unis et le Japon. Au début du XXIe siècle, l’industrialisation a permis à des économies émergentes, comme la Chine et l’Inde de croître rapidement.

Deaton souligne le cas de la Chine, qui a vu son PIB par habitant augmenter de façon spectaculaire grâce aux réformes économiques introduites par Deng Xiaoping à partir de 1978. En 2010, le revenu par habitant en Chine avait été multiplié par 10 par rapport à 1978. Cependant, ce développement rapide a aussi creusé les inégalités à l’intérieur du pays. Dans les grandes villes côtières, comme Shanghai, les revenus sont bien plus élevés que dans les provinces rurales, où de nombreux habitants vivent encore dans la pauvreté.

Deaton analyse aussi le cas de l’Inde, qui a connu une croissance rapide depuis les réformes économiques des années 1990. En 1991, environ 45 % de la population indienne vivait sous le seuil de pauvreté international, mais en 2010, ce chiffre était tombé à 20 %. Cependant, là encore, les gains économiques ne sont pas répartis de manière égale. Les zones rurales et les castes les plus basses n’ont pas bénéficié autant de la croissance que les zones urbaines et les castes supérieures.

L’Afrique subsaharienne : la grande oubliée du développement

En revanche, Deaton met en lumière le fait que l’Afrique subsaharienne est restée en marge de ces processus de développement. Beaucoup de pays africains n’ont pas réussi à s’industrialiser et restent principalement des économies agricoles. En 2010, le PIB par habitant dans de nombreux pays subsahariens était encore inférieur à 1 000 $ par an, alors qu’il dépassait 30 000 $ dans les pays riches.

Deaton explique que des facteurs tels que les conflits, la corruption et le manque d’accès à l’éducation et aux infrastructures aggravent la pauvreté en Afrique. Les interventions internationales, telles que l’aide au développement, bien que souvent bien intentionnées, n’ont pas toujours conduit à un développement économique durable.

L’aide

Deaton consacre une partie de son livre à l’analyse des politiques publiques et de leur capacité à réduire les inégalités de santé et de richesse. Il soutient que des investissements dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures sont cruciaux pour améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables.

Les succès des politiques de santé publique

Un des exemples qu’il cite est la campagne de vaccination contre la variole, qui a permis d’éradiquer cette maladie en 1980. Il souligne également les programmes de vaccination massive contre la rougeole. En Afrique, la mortalité due à la rougeole a chuté de 90 % entre 2000 et 2010 grâce aux efforts internationaux de vaccination.

Deaton met aussi en avant l’importance de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, depuis 2010, des millions de vies ont été sauvées chaque année grâce à des mesures d’assainissement de base.

Les limites de l’aide internationale

Cependant, Deaton critique l’efficacité de l’aide internationale, affirmant qu’elle n’a pas toujours eu les résultats escomptés. Il cite des exemples comme le Rwanda, où l’aide internationale représente plus de 40 % du budget national en 2012. Bien que cet argent ait permis de financer des programmes de santé, il a aussi créé une dépendance à l’égard des donateurs étrangers. Deaton soutient que cette dépendance est souvent contre-productive, car elle freine les initiatives locales et la responsabilisation des gouvernements nationaux.

Deaton préconise une approche plus centrée sur la réforme interne, avec un accent sur la bonne gouvernance, la transparence et la création d’institutions solides. Il met en avant des pays comme le Botswana, qui a réussi à se développer de manière soutenue grâce à des politiques transparentes et à une gestion prudente de ses ressources naturelles, sans dépendre excessivement de l’aide extérieure.

BONUS : Le paradoxe d’Easterlin (vu par Deaton)

Un exemple de cette dissociation entre richesse et bien-être est le paradoxe d’Easterlin, qui montre que dans certains pays riches, au-delà d’un certain seuil de revenus (environ 15 000 dollars par personne et par an aux États-Unis, par exemple), une augmentation de la richesse ne mène pas à une augmentation du bonheur.

Deaton rappelle qu’au Japon, par exemple, le revenu par habitant a doublé entre 1960 et 1980, mais que le bonheur de ses habitants n’a presque pas changé pendant cette période. Il en conclut que le bien-être ne dépend pas seulement des revenus matériels, mais aussi d’autres facteurs, comme la qualité des relations sociales, le sentiment d’appartenance et la sécurité économique.

Conclusion

La Grande évasion est un ouvrage à la fois riche en données précises et en réflexions théoriques sur les inégalités mondiales. Angus Deaton montre que le monde a réalisé des progrès significatifs en matière de santé et de richesse, mais que ces progrès sont inégaux. Les gains réalisés dans les pays riches et émergents contrastent avec la stagnation des pays pauvres, en particulier en Afrique.

Il plaide ainsi des réformes internes basées sur la bonne gouvernance et la responsabilisation, plutôt que sur la dépendance à l’aide extérieure. Enfin, il invite également à repenser les indicateurs du bien-être et du développement pour créer une vision plus complète et équitable des progrès humains.

Voici quelques sujets où la mobilisation de La Grande évasion peut être pertinente :

Le sujet Ecricome 2022 : « Inégalités et croissance » est en soi une description parfaite du thème principal de l’ouvrage de Deaton. C’est donc un auteur ultra-pertinent pour ce genre de sujets qui retombent souvent (cf. ESSEC 2015 qui a proposé le même sujet).

HEC 2015 : « Institutions et développement depuis le début du XIXe siècle », qui te permet de développer le rôle des institutions en matière de santé et de bonne gouvernance, comme le souligne Deaton.

 

Tu maîtrises désormais l’ouvrage de Deaton, croisons les doigts pour qu’un tel thème tombe aux concours !

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