sociologie

Cet article résume l’ensemble des théories sociologiques américaines depuis le début des années 1920. Du fait de leur rôle absolument crucial dans l’évolution de cette discipline, il est impératif de les maîtriser pour les oraux d’ESH. Cet article présente l’introduction de la sociologie américaine et les premiers auteurs majeurs. La seconde partie, elle, se concentrera sur les courants fondamentaux apparus à partir des années 1940-50, à savoir : le fonctionnalisme et l’interactionnisme.

La sociologie du début du XXe siècle : enquêtes qualitatives et analyses quantitatives

La sociologie du début du XXe siècle se caractérise par l’utilisation conjointe d’enquêtes qualitatives et d’analyses quantitatives. Cette approche sociologique s’inspire largement des idées de G. Simmel, qui, contrairement à Durkheim, ne fait pas de distinction stricte entre la sociologie, la philosophie et la psychologie.

La sociologie dite qualitative est la tradition

Au début du XXe siècle, l’école de Chicago a établi une solide tradition qualitative en sociologie. La ville de Chicago était considérée comme un véritable « laboratoire social » par Robert Park, en raison de sa croissance démographique rapide, passant de 1 à 3 millions d’habitants entre 1890 et 1925 en raison de l’immigration. Ce qui a créé une grande diversité sociale et culturelle ainsi qu’une criminalité importante. Les travaux de l’école de Chicago se sont concentrés sur la socialisation en milieu urbain et avaient pour ambition d’éclairer les problèmes sociaux en mettant en lumière et en expliquant les maux de la société.

Cette école a mené un programme de recherche varié, couvrant des sujets tels que la personnalité urbaine (comme dans l’ouvrage La Ville de Robert Park en 1915, inspiré par les enseignements de Simmel), la déviance, les sans-abri (comme dans The Hobo de Nels Anderson en 1923), la pauvreté, la prostitution, les maladies mentales, etc.

Un exemple notable est le travail de W. Thomas et F. Znaniecki sur Le Paysan polonais réalisé entre 1918 et 1920. Ce travail portait sur la situation des paysans polonais arrivés aux États-Unis, confrontés à des contradictions entre les normes de leur pays d’origine et celles du pays d’accueil, ce qui affaiblissait leurs valeurs et normes traditionnelles et favorisait la déviance. La méthodologie utilisée impliquait la mobilisation de diverses sources telles que des témoignages, des correspondances privées et des archives d’agences officielles, légitimant ainsi les méthodes qualitatives. Cette approche relevait du subjectivisme scientifique, où le sociologue devait se mettre à la place de l’individu étudié, en partant de son ressenti et de son vécu. L’école de Chicago a dominé le champ de la sociologie dans les années 1920.

Les années 1920 connaissent l’émergence de la sociologie empirique quantitative

Dans les années 1930, un débat sur les méthodes sociologiques a émergé aux États-Unis, initié par la thèse de Samuel Stouffer. Ses recherches ont révélé que les méthodes quantitatives donnaient des résultats différents et plus rapides que les méthodes qualitatives. Au cours de cette décennie, les quantitativistes ont progressivement pris le dessus, critiquant la sociologie qualitativiste pour son manque d’objectivité, de rigueur méthodologique (l’absence de méthodes standardisées) et pour la difficulté à généraliser et à vérifier les résultats. À cette époque, la sociologie dominante était représentée par les chercheurs de Harvard (comme Stouffer) et de Columbia (comme Merton).

Dans ce contexte, une figure majeure de la sociologie quantitative émerge : Paul Lazarsfeld (1901-1976). Il a mené des enquêtes approfondies, notamment sur les soldats américains entre 1941 et 1945, pour étudier leur moral et leur attitude envers leur promotion professionnelle en fonction de leur âge, de leur ethnie et de leur milieu d’origine. Ces études ont remis en question certaines idées préconçues, révélant par exemple que les ruraux n’avaient pas nécessairement un meilleur moral que les urbains et que le niveau d’instruction élevé n’était pas toujours corrélé à une meilleure santé mentale.

Lazarsfeld a également réalisé des travaux marquants, notamment sur le chômage avec l’étude Les Chômeurs de Marienthal en 1933, montrant comment le chômage avait profondément affecté la vie quotidienne des habitants d’une ville. Il a également mené des recherches novatrices sur l’élection présidentielle de 1940, adoptant une méthode inédite en interrogeant à plusieurs reprises un panel de 600 électeurs pour comprendre les facteurs qui influent sur le vote.

En plus de ses études empiriques, Lazarsfeld a contribué significativement à la méthodologie sociologique. Il a exploré l’utilisation des mathématiques en sociologie et a analysé les relations de causalité, comme dans son ouvrage L’Analyse empirique de la causalité publié en 1966, où il a examiné les liens entre le niveau d’instruction, l’âge et les préférences pour des émissions radiophoniques politiques ou religieuses. Ces travaux ont démontré qu’il existait une relation plus forte entre le niveau d’instruction et les choix d’émissions qu’entre l’âge et ces choix.