Les Hauts revenus en France au XXe siècle (2001) est un ouvrage de Thomas Piketty qui s’intéresse à la structure et à l’évolution des hauts revenus en France lors du siècle précédent ainsi qu’aux politiques fiscales menées. C’est donc un ouvrage ultra-classique écrit par un auteur incontournable du programme d’ESH. Tu pourras ainsi parfaire tes connaissances sur un certain nombre de chapitres du programme avec cet ouvrage, tels que « Les grands courants de la pensée sociologique depuis le XVIe siècle », « Mobilité sociale et transformations des structures sociales », « Justice sociale et légitimation de l’intervention publique », ou encore « État-providence et protection sociale ».
Introduction
À propos de l’auteur
Plus vraiment besoin de le présenter, Piketty est un auteur essentiel du programme que tu connais sûrement déjà. Son ouvrage le plus célèbre est sûrement Le Capital au XXIe siècle (2013).
Si tu souhaites en connaître plus sur cet auteur, tu peux aller voir cet article.
À propos de l’ouvrage
Les Hauts revenus en France au XXe siècle est un ouvrage qui entre plus dans la précision que Le Capital au XXIe siècle, en se focalisant bien plus sur les hauts revenus et non plus largement sur le capital. Plus intéressant encore, Piketty se fonde sur des statistiques précises et des petites formules que tu pourras ressortir aisément en dissertation.
Ainsi, Piketty y développe l’histoire des hauts revenus en France au XXe siècle en y décrivant un panorama large au cours du siècle, tout en développant également l’impact des politiques fiscales. Une critique de ces politiques qui fonde ses propositions pour une meilleure redistribution. Nous étudierons ensuite deux formules utiles en copie que Piketty mobilise dans son ouvrage.
L’histoire des hauts revenus en France au XXe siècle
Pour étudier l’histoire des hauts revenus au XXe siècle, Piketty réalise un large panorama historique de l’évolution des hauts revenus, avant d’étudier la structure et la composition des hauts revenus.
Un large panorama
Piketty note que la période avant 1914 se caractérisait par des niveaux extrêmement élevés d’inégalités de revenus, notamment en raison de la concentration de la richesse et des hauts revenus dans une petite fraction de la population.
Puis il met en évidence une baisse significative des inégalités après la Seconde Guerre mondiale, principalement attribuée aux événements économiques et sociaux liés aux deux guerres mondiales et à la montée de l’État-providence.
Piketty souligne aussi l’impact des crises économiques et financières sur les inégalités
Les crises, notamment la Grande Dépression des années 1930 et les deux guerres mondiales, ont joué un rôle central dans la réduction des écarts de revenus. Piketty montre que ces événements ont réduit les fortunes des classes les plus aisées par la destruction de capital et les forts impôts sur le revenu et la fortune. Les réformes économiques et fiscales des Trente Glorieuses, avec la création d’un impôt progressif sur le revenu, ont également contribué à réduire ces inégalités.
Avant la Première Guerre mondiale, les 10 % les plus riches détenaient environ 50 % des revenus totaux en France, alors qu’après la Seconde Guerre mondiale, ce pourcentage est tombé à environ 35 % dans les années 1950-1960. Depuis les années 1980, Piketty montre que la part des revenus captée par les 10 % les plus riches est remontée progressivement pour atteindre environ 40 % dans les années 1990.
Ces données mettent en lumière un schéma en « U » des inégalités de revenus. Elles étaient très élevées avant la Première Guerre mondiale, ont chuté pendant la période des Trente Glorieuses et ont recommencé à augmenter avec la montée du néolibéralisme et la mondialisation à partir des années 1980.
La concentration des hauts revenus : structure et composition
Mais, en fait, ça désigne quoi un « haut revenu » ? Piketty distingue les hauts revenus (le top 10 % des revenus) et les très hauts revenus (le top 1 %, voire le top 0,1 %).
L’une des contributions majeures de Piketty dans cet ouvrage est l’analyse des écarts salariaux. Il souligne l’importance croissante des hauts salaires dans la composition des hauts revenus, en particulier à partir des années 1980. L’essor des « super-salaires » est lié à la mondialisation (les entreprises innovantes cherchant à attirer les « stars », c’est-à-dire les travailleurs les plus formés), à la financiarisation de l’économie et aux nouvelles politiques de rémunération dans les grandes entreprises (rémunération en action, stock-options et explosion du revenu des PDG).
En termes de données, voici l’évolution des très hauts revenus (0,1 %) calculée par Piketty : cette catégorie captait environ 10 % du revenu national à la veille de la Première Guerre mondiale. Après la Seconde Guerre mondiale, cette part est tombée à environ 3 %, mais elle est remontée à 6 % à la fin du siècle.
Enfin, il s’intéresse à la place du capital dans les revenus des hauts revenus. Avant 1914, une grande partie des hauts revenus provenait des rentes et du capital (héritages, investissements immobiliers, financiers, etc.). Après la Seconde Guerre mondiale, cette source de revenus a diminué en importance relative, mais elle reste un facteur déterminant dans la concentration des richesses dans les mains d’une petite élite. Piketty montre que la part des revenus du capital dans les hauts revenus a tendance à augmenter à nouveau depuis les années 1980.
Statistiquement, plus de 60 % des revenus du top 1 % provenaient du capital alors que, dans les années 1950-1970, la part des revenus du capital dans les hauts revenus a fortement chuté en raison des destructions liées aux guerres, des politiques fiscales redistributives et du développement des salaires. En 1998, environ 50 % des revenus du top 0,1 % provenaient du capital, montrant un retour à une société davantage dominée par les détenteurs de capitaux.
L’impact des politiques fiscales
Piketty analyse différents types d’impôts et, pour résumer sa pensée dans ce livre, il convient d’analyser le rôle des impôts progressifs et de ceux sur les successions. Enfin, il mène une réflexion plus large sur l’évolution des politiques fiscales des années 1980-1990.
Piketty analyse tout d’abord le rôle des impôts progressifs. Il montre que les impôts progressifs sur le revenu, introduits au début du XXe siècle, ont joué un rôle central dans la réduction des inégalités. Piketty considère que ces politiques fiscales ont fortement contribué à la compression des écarts de revenus observée pendant les Trente Glorieuses (1945-1975).
Ensuite, il étudie les impôts sur les successions en insistant sur le fait que les impôts sur les successions, introduits en même temps que les impôts sur le revenu, ont été un moyen de freiner la concentration excessive de richesses d’une génération à l’autre. Cela a permis de limiter la transmission de capital entre générations.
Enfin, l’économiste étudie et critique les politiques fiscales des années 1990 et 2000, qu’il juge trop favorables aux plus riches, notamment en ce qui concerne la baisse de l’impôt sur le revenu et les réductions d’impôts sur le capital. Il préconise une réforme fiscale plus progressive pour rétablir une forme de justice sociale et économique.
Les propositions de Piketty pour une meilleure redistribution
Comme nous l’avons déjà souligné, l’évolution en « U » des inégalités au cours du XXe siècle souligne des interrogations sur l’efficacité des mécanismes de redistribution en France. Dans Les Hauts revenus en France au XXe siècle, Piketty propose ainsi plusieurs mesures pour améliorer l’efficacité redistributive du système français.
Renforcement de l’impôt sur les revenus et le capital
Piketty appelle à un retour à des taux d’imposition plus progressifs pour les hauts revenus, avec des taux marginaux plus élevés pour les très riches. Il suggère également une augmentation des impôts sur les revenus du capital, y compris les dividendes, les intérêts et les plus-values, afin de limiter l’accumulation excessive de capital.
Ainsi, ce n’est donc pas tant une hausse des taux d’imposition qu’une hausse de la progressivité de l’impôt sur le revenu et le capital qu’il convient de mettre en place, selon l’auteur. Il faut ici bien comprendre la nuance : les taux ne doivent pas augmenter arithmétiquement pour tous, mais géométriquement, la hausse des taux affectant proportionnellement les ménages en fonction de leur fortune.
Introduction d’un impôt mondial sur le capital
L’une des propositions les plus audacieuses de Piketty est l’introduction d’un impôt progressif mondial sur le capital, qui viserait à limiter la concentration des richesses à l’échelle globale.
Cet impôt permettrait de redistribuer les richesses et de freiner la dynamique où r (taux de rendement du capital) > g (croissance économique), un des phénomènes qui, selon Piketty, favorise la montée des inégalités.
Deux formules développées dans son ouvrage
Formule pour déterminer la part du capital dans les revenus
Le ratio capital/revenu, symbolisé par β, mesure l’importance du capital dans l’économie.
Il est calculé par la formule suivante :
- K représente la valeur totale du capital (immobilier, financier, etc.).
- Y est le revenu national annuel.
Au début du XXe siècle, en France, β était autour de 6-7. Cela signifie que la valeur du capital était six à sept fois supérieure au revenu national. Après les deux guerres mondiales, ce ratio a chuté à environ 2-3, mais il est remonté à 6 dans les années 1990, illustrant le retour du capital en tant que source majeure de revenu pour les plus riches.
Formule autour des inégalités de capital
Piketty introduit l’une de ses formules les plus célèbres dans cet ouvrage, qui préfigure ses travaux ultérieurs dans Le Capital au XXIe siècle :
- r est le taux de rendement moyen du capital (dividendes, intérêts, loyers).
- g est le taux de croissance de l’économie (PIB ou croissance des salaires).
Cette formule montre que lorsque r (le taux de rendement du capital) est supérieur à g (la croissance économique), les détenteurs de capital voient leurs richesses augmenter plus rapidement que la croissance des revenus des travailleurs. Cette dynamique accentue les inégalités de patrimoine. Piketty montre que, dans la plupart des périodes historiques, r dépasse g, renforçant ainsi la concentration des richesses.
Conclusion
L’ouvrage de Piketty est une démonstration rigoureuse de l’évolution des inégalités en France basée sur des statistiques précises et des formules économiques (coefficient bêta). Bien plus qu’une simple constatation, Piketty propose des solutions telles que la fiscalité progressive et une meilleure taxation des héritages pour freiner la concentration des richesses et promouvoir une société plus équitable au cœur de la mondialisation.
Tu trouveras un grand nombre de sujets où tu peux mobiliser cet ouvrage de Piketty, puisque ce dernier est au cœur du cours sur les inégalités. Tu peux penser à ESSEC 2020 : « Le modèle social français est-il à bout de souffle ? », ou encore Ecricome 2022 : « Inégalités et croissance ».
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