finance

Dans le contexte d’une série de quatre articles sur l’histoire de la mondialisation financière, voici la partie 3 qui traite de la période commençant à partir des années 1980 ! La première et la deuxième peuvent être lues respectivement ici et ici.

1) Les années 1980

Le triple mouvement de décloisonnement, déréglementation et désintermédiation (Henri Bourguinat, Les Vertiges de la finance internationale, 1987) donne naissance dans les années 1980 aux marchés de capitaux internationaux actuels.

Tout d’abord, c’est le financement externe direct (John Gurley et Edward Shaw, Money in a theory of finance, 1960) qui prend de l’ampleur et qui succède au financement externe indirect. Aux eurocrédits bancaires des années 1960-1970 se substitue un financement par émission de titres de dette sur le marché obligataire et sur le marché des titres de créances négociables (bons du Trésor, billets de trésorerie, certificats de dépôt décembre 1985), ainsi que par émission de titres de propriété (actions) sur le marché actions.

D’autre part, l’overdraft economy a laissé place à l’auto-economy (John Hicks, Money, Interest and liquidity, 1974). Le marché de la dette est stimulé par l’émission de titres de dette des administrations publiques sur le marché obligataire et sur le marché des titres de créances négociables, car le financement monétaire est interdit depuis la loi d’août 1993 qui dispose l’interdiction de la monétisation des déficits publics (article 3).

Également, le marché actions est stimulé par les vagues de privatisations. En janvier 1987, Paribas (1872) est privatisée pour 12,8 milliards de francs. En juin 1987, la Société Générale (1864) est privatisée pour 17,2 milliards de francs. Entre 1993 et 1995, les privatisations ont rapporté 114 milliards de francs (Total pour 20 milliards de francs). Entre 1997 et 2002, les privatisations ont rapporté 31 milliards d’euros. En mars 1999, le Crédit lyonnais (1863) est privatisé.

Création des marchés actions pour les entreprises de taille intermédiaire et les start-up

Avec, par exemple, le Nasdaq (février 1971) qui a élargi la possibilité pour les entreprises de recourir à des émissions de titres de propriété. De plus, la prise en charge du risque de crédit et du risque de liquidité par les marchés de capitaux a été permise par des marchés plus profonds et plus liquides grâce :

  • à une meilleure information fournie par les Bourses privées (Euronext) et les agences de notation (Moody’s 1909, Standard and Poor’s 1860, Fitch Ratings 1913, Dagong 1994), diffusée plus rapidement par les NTIC. C’est la mondialisation numérique ;
  • au développement des marchés de produits dérivés. Dans La Crise de la finance globalisée (2009), Anton Brender et Florence Pisani considèrent que les produits dérivés sont la grande innovation depuis 1990, car ils permettent de séparer le titre du risque qu’il porte (de marché, de taux, de change, de crédit, de liquidité).

Les flux de capitaux entre les pays

Les États-Unis remplacent les pays en développement comme récipiendaires des flux de capitaux. Le Japon et la République fédérale d’Allemagne remplacent l’OPEP (septembre 1960) comme pourvoyeurs de capitaux. Un déséquilibre vient de la divergence des politiques économiques.

C’est aussi la période pendant laquelle le Japon et la République fédérale d’Allemagne décident de faire disparaître leurs déficits jumeaux. Par conséquent, ils réduisent leur déficit primaire et stimulent l’excédent courant. Le sommet de Tokyo (juin 1979) donne la priorité à la lutte contre l’inflation (octobre 1979, Paul Volcker) et à la restauration des équilibres budgétaires.

Le problème est que la hausse des taux d’intérêt nominaux renchérit l’endettement souverain. La charge de la dette (donc, le service) augmente, et ce, d’autant plus que l’inflation est faible. De plus, les taux d’intérêt réels positifs désincitent l’endettement, car l’écart critique (taux d’intérêt-taux de croissance) devient positif.

Les États-Unis se lancent dans des réductions d’impôts massives et dans la mondialisation financière

En mai 1979, Margaret Thatcher et Ronald Reagan emboîtent le pas. Les États-Unis se lancent dans des réductions d’impôts massives et dans la mondialisation financière sous les présidences Reagan (janvier 1981-janvier 1989) inspirées des thèses des supply-siders et des monétaristes.

Les déficits jumeaux américains explosent. En 1987, le déficit courant atteint 3,5 % du PIB. Dans le contexte de la Star Wars (1983), Reagan augmente le budget de la défense de 35 %. L’Economic Recovery Tax Act (août 1981) fait passer le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu de 70 % à 50 %. Le Tax Reform Act (octobre 1986) fait passer le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu de 50 % à 28 %. Les recettes budgétaires s’effondrent et les dépenses budgétaires explosent.

En 1983, le déficit primaire fédéral atteint un sommet de 6 % du PIB. Ce sont les Reaganomics. Les États-Unis importent alors massivement l’épargne du reste du monde pour dépenser plus que leurs revenus ne leur permettent (X – M = S – I + T – G). C’est le décloisonnement des marchés de capitaux (unité de temps et unité de lieu) et la déréglementation financière qui permettent de financer le déficit courant américain.

En 1979, la Grande-Bretagne supprime les contrôles de changes (la France en 1989). En 1980, le Japon assouplit les contrôles de capitaux.

2) Les années 1990 : des flux vers les marchés émergents jusqu’en 1997, puis vers les États-Unis

2.1 Le consensus de Washington

Dans les années 1990, une nouvelle phase de libéralisation financière s’ouvre dans le cadre du consensus de Washington. Le consensus de Washington renvoie au consensus entre la partie politique de la ville (Congrès, gouvernement, département du Trésor) et la partie technocratique (institutions internationales financières, les think tanks, etc.).

Les politiques d’ajustement structurel sont des politiques imposées aux pays en développement en contrepartie des prêts consentis et des restructurations de leur dette.

2.2 Le financement du développement des PED

La mondialisation financière est censée apporter aux pays en développement les flux nécessaires pour pallier la pénurie d’épargne nationale (Ragnar Nurkse, Problems of capital formation in Underdeveloped Countries, 1953) dans la logique du modèle de Solow.

On rappelle que le modèle de Solow prévoit que les pays émergents présentent une productivité marginale du capital plus élevée, car le capital par tête est plus faible. Ceux-ci devraient alors s’endetter et faire financer leur croissance par les pays développés qui accusent une productivité marginale du capital plus faible, car le capital par tête est plus élevé.

On observe alors pendant cette période un flux d’épargne qui va du Nord vers le Sud dans les années 1990. Ce serait l’une des seules occurrences du modèle standard de rattrapage.

Le troisième opus de cette série de quatre articles sur la mondialisation financière s’achève ainsi ! Tu retrouveras très bientôt la suite et fin sur Major-Prépa.