compétitivité

Cet article porte sur les indicateurs de compétitivité. Il est important de maîtriser le sujet, car il peut tomber régulièrement à l’oral d’ESH. Par exemple, en 2023, un des sujets de l’ESCP s’intitulait : « Qu’est-ce qu’une économie compétitive ? » Il est impératif de connaître les indicateurs principaux de la compétitivité, et comment définir le terme. Afin d’avoir un exemple de sujet corrigé sur la compétitivité, cet article est disponible. Avec ces différents outils, tu pourras répondre sous beaucoup d’angles différents aux sujets portant sur ce thème, mais également aux questions qui seront posées par le jury.

Qu’est-ce que la compétitivité ?

Quelle définition donner ?

Selon les économistes de l’OCDE, la compétitivité désigne « la capacité d’entreprises, d’industries, de régions, de nations, ou d’ensembles supranationaux de gérer de façon durable un revenu et un niveau d’emploi relativement élevés, tout en étant et restant exposés à la concurrence internationale ». Cette définition est cependant critiquée, car elle sous-entend une prospérité interne couplée à une intégration dans l’économie mondiale.

Définition alternative choisie : la compétitivité d’un pays est définie comme sa capacité à tirer avantage de son intégration internationale afin d’améliorer sur le long terme le niveau de vie de l’ensemble de ses citoyens.

Trois particularités de cette définition :

  • Elle réaffirme que l’objectif ultime de la politique économique d’une nation est le bien-être de ses citoyens.
  • Elle implique que le bénéfice net de l’ouverture internationale doit être évalué non seulement en matière de commerce de biens et services, mais également en tenant compte de toutes les dimensions de l’intégration économique.
  • Elle suggère l’existence de liens de causalité entre l’intégration internationale et la croissance économique, sans pour autant en présumer le caractère positif ou négatif.

La compétitivité de quoi ? 

La compétitivité peut être déclinée à différents niveaux, notamment au niveau des produits, des entreprises et des industries ou des territoires. 

Elle s’applique également à différentes échelles, que ce soit régionale, nationale ou supranationale. Cette multiplicité de niveaux et d’échelles reflète la complexité et la diversité des facteurs influençant la compétitivité économique.

La compétitivité d’une entreprise, d’un secteur et d’un pays présente des nuances importantes. Pour une entreprise, la compétitivité, telle que définie par Michael Porter dans son ouvrage Competitive Strategy (1980), se traduit par sa capacité à faire face à la concurrence et à gagner des parts de marché. Une entreprise peut atteindre cette compétitivité en pratiquant des prix inférieurs pour des produits similaires (compétitivité-prix) ou en se positionnant sur des niches grâce à la différenciation des produits et à l’innovation (compétitivité hors prix).

En revanche, lorsqu’on étend cette définition à une nation, elle perd de son sens

Le bien-être d’un pays ne se réduit pas au profit cumulé de ses entreprises. Il représente la somme du surplus de ses producteurs, de l’État et de ses consommateurs. Ainsi, une entreprise nationale peut être affectée par la concurrence étrangère sans que la nation en souffre nécessairement. En effet, si les ressources du secteur non compétitif se réallouent vers des secteurs plus productifs au sein du pays, l’économie nationale peut même en ressortir gagnante. Ici apparaît une contradiction qui se doit d’être soulignée dans de nombreux sujets portant sur ce thème, au moins en introduction.

La compétitivité d’un pays se distingue également de celle de ses régions en raison de l’hétérogénéité des performances économiques des territoires nationaux. Si la compétitivité pour un pays définit sa capacité à tirer avantage de l’ouverture internationale, alors les effets distributifs spatiaux de cette ouverture doivent légitimement entrer dans l’évaluation de ce gain net. L’ouverture internationale, tout comme l’innovation, peut être une source d’enrichissement et de croissance pour un pays. Cependant, elle peut également engendrer des inégalités régionales significatives. Les bénéfices et les coûts de l’intégration internationale ne sont pas uniformément répartis, ce qui peut entraîner des disparités économiques importantes entre différentes régions d’un même pays.

Les indicateurs traditionnels de performance commerciale

Les indicateurs de compétitivité commerciale calculent les parts de marché étrangères des produits , des entreprises et des industries nationales. Un pays est jugé compétitif si ses parts de marché augmentent par rapport à ses concurrents, transposant ainsi la notion de compétitivité d’une entreprise à un pays.

Les parts de marché à l’exportation

Les spécialisations sectorielles

L’avantage comparatif révélé (ACR), proposé initialement par Balassa, mesure le poids des exportations d’un secteur par rapport au poids du pays dans les exportations totales d’une zone de référence. Lorsqu’un pays présente un avantage comparatif révélé pour un produit spécifique (ACR > 1), cela sous-entend qu’il est probablement un producteur et un exportateur compétitif de ce produit par rapport à un pays qui produit et exporte ce produit à un niveau égal ou inférieur à la moyenne mondiale.

Un pays qui possède un avantage comparatif révélé pour le produit est donc considéré comme ayant une force d’exportation à l’égard de ce produit. Par exemple, selon les données de la CNUCED, en 2022, la France a un ACR dans les machines et matériels de transport de 8,9, particulièrement grâce à l’exportation d’aéronefs

Les spécialisations géographiques

Cela consiste à évaluer le poids de chaque zone de destination dans le total des exportations. Par exemple, la France exporte davantage vers l’Union européenne que l’Allemagne.

Angela Cheptea, dans European Export Performance (2012), note que les spécialisations sectorielles de la France, de l’Allemagne, du Japon et des États-Unis ont positivement influencé l’évolution de leurs parts de marché globales.

Les indicateurs de compétitivité-prix

Mesures fondées sur le taux de change

Le calcul du taux de change effectif réel (REER) permet d’évaluer l’évolution du taux de change d’un pays par rapport à ses partenaires commerciaux, en tenant compte du poids de chaque partenaire dans le total des exportations.

Cet indicateur fournit une mesure de la compétitivité-prix en ajustant les taux de change nominaux pour les différences de prix relatifs entre les pays. Selon cet indicateur, la compétitivité-prix des pays européens s’est globalement maintenue, indiquant une stabilité relative des prix de leurs biens et services exportés par rapport à ceux de leurs partenaires commerciaux.

Indicateurs et compétitivité-coût

Jan Fagerberg, dans son ouvrage International Competitiveness (1983), a été le premier à établir un lien négatif entre la performance commerciale d’un pays et le niveau relatif des coûts salariaux unitaires (CSU).

Les CSU sont calculés en divisant le coût salarial par la valeur ajoutée produite, fournissant une mesure de la compétitivité-coût.

Les indicateurs de compétitivité hors prix

Les mesures indirectes de la compétitivité hors prix

Nicholas Kaldor a souligné que, contrairement à la compétitivité-prix, les parts de marché à l’exportation des pays évoluent à long terme dans le même sens que les coûts salariaux. Cela s’explique par le fait qu’à long terme, l’augmentation des salaires reflète les gains de productivité liés au progrès technique ou à l’efficience.

Les mesures indirectes de la compétitivité hors prix incluent des indicateurs d’innovation. La mesure se fait en termes d’inputs (financement de la R&D, nombre de chercheurs) et d’outputs (publications, brevets). Ces indicateurs révèlent une tendance générale à l’augmentation des dépenses de R&D, bien que la France stagne au même niveau qu’en 1991, indiquant un manque de dynamisme comparé à d’autres pays.

L’évaluation empirique de la qualité des biens

La sensibilité des exportations au prix : la mesure de la qualité des produits, selon Amit Khandelwal (2010), estime la qualité d’un produit comme le résidu de la demande non expliqué par son prix relatif. En d’autres termes, un produit de haute qualité se distingue par une demande élevée même lorsque son prix est relativement élevé. L’évaluation de la qualité relative des produits par leur valeur unitaire montre que le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont des pays dont les exportations sont les moins sensibles aux prix. Cependant, il est important de noter que les différences de valeur unitaire peuvent également refléter des différences de pouvoir de marché, de coûts de production ou de comportements en matière de marges.

Des différentiels de compétitivité hors prix : les différentiels de compétitivité hors prix expliquent les différences de performances entre les industries. Par exemple, la compétitivité-coût est souvent mise en avant pour les pays en développement. 

Les nouveaux indicateurs de compétitivité

Mesure d’insertion dans les chaînes d’activité mondiale (CAM)

La mesure de l’insertion dans les chaînes d’activité mondiale (CAM) prend en compte les flux d’échanges en valeur ajoutée (VA). Cette approche modifie l’analyse des avantages comparatifs des pays en permettant une meilleure évaluation de leur rôle dans la production mondiale.

Avec cette nouvelle mesure, les pays industrialisés voient souvent leurs avantages comparatifs augmenter, car elle reflète plus précisément leur contribution aux chaînes de valeur globales. En intégrant la VA, cette mesure offre une vision plus nuancée et complète des échanges internationaux, soulignant l’importance des étapes intermédiaires de production réalisées dans les pays développés.

Les indices de sophistication et de complexité

Les avantages comparatifs dynamiques de Raphaël Chiappini

Ils correspondent à l’idée que plus un pays se développe et accumule du capital, plus il est capable de développer de nouveaux avantages comparatifs et de diversifier sa production. Ce processus permet aux pays de se spécialiser dans des secteurs de plus en plus sophistiqués et à forte valeur ajoutée.

Ainsi, à mesure qu’un pays se développe, il ne se contente pas de renforcer ses avantages comparatifs existants, mais il en crée de nouveaux, diversifiant et enrichissant ainsi son économie.

La diversité de Hidalgo et Hausmann

Ils définissent la notion de diversité comme le nombre de produits qu’un pays exporte avec un avantage comparatif. Un produit est considéré comme complexe si son ubiquité est faible, c’est-à-dire s’il est produit par peu de pays. Un pays est considéré comme complexe si sa diversité est forte, c’est-à-dire s’il exporte une grande variété de produits complexes.

Les produits les plus complexes sont majoritairement exportés par les pays riches, ce qui souligne l’importance de la capacité à produire et à exporter une gamme diversifiée de produits sophistiqués. La complexité économique d’un pays, mesurée par sa diversité et la sophistication de ses exportations, est un indicateur clé de sa compétitivité, car elle reflète sa capacité à innover et à s’adapter aux exigences changeantes du marché mondial.

Ces nouveaux indicateurs de compétitivité, en se concentrant sur la participation aux chaînes de valeur mondiales et sur la complexité économique, offrent une perspective plus complète et moderne de la compétitivité des nations. Ils mettent en évidence l’importance de l’innovation, de la diversification et de l’intégration dans les réseaux de production globaux pour maintenir une compétitivité durable à long terme.

Les indicateurs de la dynamique des firmes et du changement structurel

L’hétérogénéité au sein des entreprises rend impossible l’évaluation de la compétitivité d’un secteur uniquement sur la base de performances moyennes. La compétitivité dépend de la capacité de chaque entreprise à rivaliser avec ses concurrentes étrangères (compétitivité interne, ou within) et de la capacité du pays à orienter ses ressources vers les entreprises les plus compétitives dans le secteur (compétitivité entre entreprises, ou between).

Mesure des barrières à la croissance des entreprises

Contraintes d’accès aux ressources financières externes

Les imperfections du marché du crédit, dues à l’existence d’asymétries informationnelles entre les entreprises et les investisseurs (Stiglitz et Weiss, Credit Rationing in Markets with Imperfect Information), créent des barrières à la croissance. Ces contraintes varient selon la qualité de l’environnement institutionnel et peuvent compliquer l’accès aux capitaux et aux exportations.

Contraintes d’accès aux ressources humaines

Les contraintes liées aux ressources humaines découlent de la législation sur le marché du travail, de la mobilité géographique et des systèmes d’éducation. Pablo Fajgelbaum (2016) montre qu’il existe un lien entre la rigidité de la législation du travail et la capacité des entreprises à développer leurs exportations. Une législation trop rigide peut limiter la flexibilité des entreprises et leur capacité à s’adapter aux changements du marché.

Contraintes d’accès à la demande finale ou à l’offre d’inputs intermédiaires

Les défauts de concurrence sur le marché des biens et services peuvent également entraver la compétitivité des entreprises. Une faible concurrence sur le marché des services, par exemple, peut limiter l’accès à des inputs intermédiaires de qualité et à des prix compétitifs, ce qui est un problème discuté en France. Une concurrence limitée peut réduire l’efficacité et l’innovation dans les entreprises.

Frictions internes

Les pratiques managériales jouent un rôle crucial dans la performance des entreprises. Bloom et Sadun (2012) montrent que les multinationales américaines (FMN) surpassent souvent leurs homologues européennes grâce à de meilleures pratiques managériales. Ce qui leur permet de tirer le meilleur parti des nouvelles technologies. Ces pratiques incluent une meilleure organisation interne, une gestion plus efficace des ressources humaines et une adoption plus rapide des innovations technologiques.

Ces différents indicateurs soulignent l’importance de l’environnement institutionnel, des politiques du marché du travail, de la concurrence sur le marché des biens et des services, ainsi que des pratiques managériales dans la dynamique de croissance des entreprises et dans la compétitivité globale d’un pays.