L’inflation est une situation de hausse généralisée et durable des prix des biens et des services. Cette situation correspond à une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie. En clair, avec la même somme d’argent, on peut acheter moins de choses qu’auparavant. En France, l’inflation est mesurée chaque mois par l’Insee à travers l’étude des prix de plus de 390 000 produits, afin de définir l’indice des prix à la consommation (IPC).
Un état des lieux…
Pour donner un ordre d’idée, entre 2000 et 2021, la hausse de l’IPC a été en moyenne de 1,4 % par an. Néanmoins, en juillet 2022, après une longue période d’absence d’inflation (les économistes préconisent 2 % de taux d’inflation), son taux dépasse les 6 %. Ce qui suscite de vives inquiétudes, tant en Europe qu’outre-Atlantique. Selon les prédictions de l’Insee, l’inflation devrait même atteindre les 7 % en septembre. En janvier dernier, les prix de l’énergie dans la zone euro ont connu une hausse record de 28,6 % par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, la croissance du coût des produits alimentaires non transformés s’est accélérée pour atteindre 5,2 %.
Que s’est-il passé ?
Suite aux premières vagues de la pandémie de Covid-19, les économies européennes se sont rouvertes. Les commerces ont été relancés, les activités touristiques ont également repris. Après des mois de confinement, les consommateurs européens achètent davantage et dépensent une partie de l’argent qu’ils n’ont pas pu utiliser au plus fort de la crise sanitaire.
Mais la logistique ne parvient pas à suivre ce rythme. Les entreprises peinent à répondre à la hausse rapide de la demande. Elles doivent aussi reconstruire des chaînes d’approvisionnement durement touchées par la pandémie. La pénurie de conteneurs rend ainsi plus difficile et plus coûteux le transport de marchandises. Tant que ces obstacles ne seront pas surmontés, les entreprises devraient répercuter les coûts sur leurs clients, d’où des prix plus élevés.
La crise du coronavirus fut presque unanimement perçue comme une crise « keynésienne », appelant donc des remèdes « keynésiens ». Mais la crise, loin d’être « keynésienne », en était l’exact opposé. Le monde ne souffrait pas d’une demande insuffisante par rapport aux capacités de production, mais d’une production insuffisante par rapport à une demande en hausse. C’est ainsi que les États-Unis de Biden, malgré les mises en garde de quelques économistes (dont Larry Summers), se sont lancés dans un colossal plan de relance keynésien qui fait aujourd’hui de ce pays un champion de l’inflation (plus de 8 %).
… est nécessaire pour comprendre les inquiétudes
L’inflation actuelle préoccupe, car elle induit une perte de pouvoir d’achat des consommateurs. L’Insee a d’ores et déjà prédit une baisse du pouvoir d’achat de 0,6 % sur 2022 par rapport à l’année précédente. De surcroît, une inflation trop importante et non maîtrisée perturbe la consommation. Les consommateurs, voyant les prix augmenter, vont épargner et faire peser un risque indéniable sur la croissance. D’autant plus que les politiques de durcissement des banques centrales (nous y reviendrons après) n’aident pas à redynamiser la consommation.
En théorie, si les rémunérations augmentaient de manière proportionnelle à l’inflation, il n’y aurait pas d’inquiétude à avoir. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Depuis 1982, en France, les salaires sont désindexés de l’inflation, et malgré les dispositifs mis en place par l’État (primes exceptionnelles, ajustements à la hausse du Smic, etc.), cela touche plus fortement les ménages les plus modestes. Ainsi, pour tous les consommateurs, l’inflation galopante crée des perturbations dans la consommation, les anticipations et le pouvoir d’achat.
Une inquiétude parfois excessive ?
Il est vrai que l’inflation possède de nombreux aspects négatifs, mais il faut surtout veiller à ce qu’elle ne devienne pas la norme. À ce titre, en janvier 2022, la Secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, et également le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, avaient déclaré que l’inflation qui touche les PDEM était simplement « transitoire ».
En effet, avec la dégradation des chaînes de valeur à l’international, la guerre en Ukraine (la Russie et l’Ukraine étant deux exportateurs de céréales essentiels à l’Europe), les plans de relance américains de plusieurs milliers de milliards de dollars suite à la crise de la Covid-19, les prix ont augmenté en flèche mais la situation ne s’est pas encore stabilisée. Elle est exogène aux rouages économiques et tout est amené à « revenir à la normale ».
Yellen est désormais revenue sur sa déclaration, en observant l’inflation qui continue d’augmenter. Elle a alors admis avoir commis une erreur, de même que Powell, qui avait maintenu les taux directeurs de la Fed à 0 %. Le 7 juin 2022, Yellen a évoqué qu’il fallait s’attendre à ce que l’inflation actuelle reste élevée.
Quelles sont les mesures prises face à l’inflation ?
Les banques centrales peuvent avoir un impact non négligeable sur l’inflation, notamment en jouant sur la quantité de monnaie en circulation. Si une banque centrale relève ses taux directeurs, soit le prix auquel empruntent les banques commerciales, cela se répercute sur les taux d’intérêt offerts par ces dernières. En réduisant le nombre d’acquéreurs de crédits, les banques commerciales vont réduire la monnaie en circulation. Et conformément à l’équation d’Irving Fisher, les prix des biens et services vont diminuer, donc l’inflation diminue.
Dans cette optique, la Banque centrale européenne a annoncé en juillet 2022 une série de mesures pour limiter l’inflation. Elle a mis fin à l’ère des taux négatifs, dans laquelle les taux directeurs se heurtaient aux taux planchers, par crainte d’une déflation depuis la crise de 2008 (sujet de concours « Un monde sans inflation » de 2021). Le principal taux d’intérêt passe ainsi de zéro, son niveau depuis 2016, à 0,50 %. Tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit remonte de −0,50 % à zéro. Ces mesures pourraient ne pas être suffisantes, Christine Lagarde estime que « d’autres hausses seront pertinentes pour contrer cette inflation galopante ».
De son côté, la Fed avait déjà commencé à prendre des mesures en juin 2022. L’inflation s’est vue être une « priorité » pour Biden et son gouvernement, si bien que la Fed a augmenté son taux directeur de 0,75 % en juin. Une hausse historique, la plus forte du XXIᵉ siècle.
Pour élargir nos horizons, la situation est également gage de la situation économique mondiale, marquée par une inflation internationale. Les banques centrales africaines multiplient les relèvements de leurs taux directeurs pour lutter contre l’inflation. Par exemple, l’Afrique du Sud a ainsi relevé fin mars ce taux de 50 pbs à 4,25 %.
Un remède à double tranchant
Certes, le fait de relever les taux directeurs peut avoir un effet bénéfique sur l’inflation, mais il ne faut pas normaliser ces remontées, car elles peuvent être un facteur de récession, voire de dépression économique.
En effet, en relevant les taux directeurs, on relève bien souvent les taux d’intérêt, donc le « prix de la monnaie ». Toutefois, si les banques ne distribuent plus assez de crédits, c’est la consommation qui s’en trouve touchée négativement. Ainsi, si un choc de demande négatif survient, l’offre, donc la production, baisse plus que proportionnellement. Conformément aux principes dictés par J. M. Keynes dans Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Par conséquent, des taux directeurs trop élevés provoqueraient une crise économique et une potentielle « stagflation », si l’inflation ne redescend pas.
Finalement, la BCE annonce encore des remontées des taux d’intérêt pour septembre 2022, sous réserve que son annonce soit crédible pour les consommateurs (voir la crédibilité des banques centrales et les annonces pour influencer la consommation de Kydland et Prescott).
La situation évoluera très sûrement dans les mois à venir… Reste informé.e !