Hartwick

L’article « Intergenerational Equity and the Investing of Rents from Exhaustible Resources » (1977), écrit par l’économiste canadien John M. Hartwick, est pionnier en matière de considération sur l’épuisement des ressources et l’impact de cet épuisement sur la croissance économique à venir. C’est donc un ouvrage à maîtriser pour un sujet sur le chapitre de première année : « La soutenabilité de la croissance et du développement ».

Contexte d’écriture de l’article

L’article de Hartwick voit le jour dans un contexte où les préoccupations liées à l’épuisement des ressources naturelles, telles que le pétrole, le gaz ou les minerais, commencent à dominer les débats économiques et environnementaux. Inspiré par les travaux de Robert Solow sur la croissance économique et l’utilisation optimale des ressources, Hartwick s’intéresse à la manière de concilier exploitation des ressources épuisables et équité intergénérationnelle.

Le choc pétrolier de 1973, qui marque une flambée des prix des hydrocarbures, incite les économistes à réfléchir aux implications à long terme de l’extraction des ressources naturelles. C’est dans ce cadre que Hartwick élabore sa fameuse règle, aujourd’hui connue comme la « règle de Hartwick », qui repose sur le principe de réinvestir les rentes issues des ressources naturelles dans des formes de capital reproductible pour garantir la durabilité économique.

Ainsi, nous étudierons d’abord la règle de Hartwick censée donner une solution à l’épuisement des ressources, avant d’étudier sa vision de « l’équité intergénérationnelle » et de la substituabilité des capitaux. Ces développements de l’auteur ayant des implications fortes sur les politiques publiques.

La règle de Hartwick : une réponse à l’épuisement des ressources

Une formulation claire et ambitieuse

La règle de Hartwick repose sur une idée simple : pour maintenir un niveau de bien-être constant, les revenus issus de l’exploitation des ressources épuisables doivent être intégralement réinvestis dans des formes de capital reproductible, comme les infrastructures, l’éducation ou les technologies.

En d’autres termes, Hartwick plaide pour le fait de maintenir un stock de capital environnemental stable, afin de lutter contre l’épuisement des ressources. On peut d’ores et déjà relever une hypothèse faite par Harwick, qui suppose que les ressources environnementales sont substituables. Cette assertion est discutable, nous le verrons dans la troisième partie.

Pour ce faire, Hartwick s’appuie sur les travaux de Robert Solow, notamment son article « The Economics of Resources or the Resources of Economics » (1974), où Solow introduit le concept de durabilité faible (également appelé « soutenabilité faible »). Dans ce cadre, le capital naturel peut être remplacé par du capital produit par l’homme, à condition que l’investissement compense la perte de ressources.

Maintenir le stock global de capital

Hartwick introduit l’idée de stock global de capital, qui inclut le capital naturel (ressources épuisables) et le capital reproductible. Pour lui, le défi consiste à gérer ces deux formes de capital de manière complémentaire.

Capital reproductible : actifs économiques qui peuvent être produits, accumulés et utilisés pour générer de la richesse ou des biens/services à travers le temps. Contrairement au capital naturel (comme les ressources épuisables ou les écosystèmes), le capital reproductible peut être remplacé ou renouvelé par des investissements humains.

Cette approche cherche à offrir une vision équilibrée de la gestion des ressources entre capital naturel et capital reproductible, en permettant leur exploitation tout en garantissant une capacité productive équivalente pour les générations futures car, comme le rappelle le rapport Brundtland de 1984, on peut définir le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Une réflexion sur l’équité intergénérationnelle et la substituabilité des capitaux

La justice intergénérationnelle comme impératif moral

Hartwick s’inscrit dans la tradition des économistes comme John Rawls, qui défend l’idée de justice intergénérationnelle dans son ouvrage A Theory of Justice (1971). Selon Rawls, chaque génération doit léguer aux suivantes des conditions équitables pour maintenir leur bien-être.

Tu peux noter, à ce titre, que le rapport Brundtland s’inscrit également dans ces considérations, puisque chercher le développement durable plus que la croissance revient à chercher à donner aux générations futures la même capacité à répondre à leurs besoins que les générations présentes. En bref, c’est le cœur même de concept de justice intergénérationnelle que Hartwick traduit en termes économiques !

Les limites de la substituabilité

On l’a déjà mentionné précédemment, l’hypothèse principale qui soutient toute la fameuse règle de Hartwick est que les capitaux sont parfaitement substituables. C’est une vision dite de « soutenabilité faible », qui s’oppose à la soutenabilité forte qui affirme que les capitaux ne sont pas substituables, c’est-à-dire que le capital reproductible ne peut pas remplacer le capital naturel.

Un point central de l’approche de Hartwick est la substituabilité entre le capital naturel et le capital reproductible. Il s’oppose à des économistes comme Herman Daly (Beyond Growth, 1996), qui soutiennent que certaines ressources, notamment la biodiversité ou le climat, sont non substituables. Il convient toutefois de noter que Hartwick admet cette limite concernant l’efficacité de sa règle.

Les critiques et les adaptations nécessaires

Certains économistes, comme Herman Daly, prônent une vision de soutenabilité forte qui implique que le capital naturel doit être préservé dans son intégralité. Hartwick, lui, propose un cadre plus flexible, tout en reconnaissant l’importance de mécanismes complémentaires pour gérer les externalités environnementales.

Aujourd’hui, le débat entre soutenabilité faible et forte n’a pas cessé entre économistes, même s’il est globalement reconnu qu’une totale soutenabilité forte n’est plus vraiment envisageable au regard de la situation environnementale actuelle.

Les implications pour les politiques publiques

Hartwick offre un guide précieux pour les pays riches en ressources naturelles, souvent confrontés à des problèmes de malédiction des ressources.

Voici un exemple d’application de la règle de Hartwick :

Le Government Pension Fund-Global (GPFG) de la Norvège est un modèle emblématique de mise en œuvre de la règle de Hartwick dans la gestion des ressources naturelles épuisables. Créé en 1990, ce fonds souverain gère les revenus issus des vastes ressources pétrolières et gazières du pays. La Norvège a choisi d’adopter une approche proactive pour assurer l’équité intergénérationnelle et éviter les pièges de la « malédiction des ressources ».

Grâce au fonds, les revenus pétroliers profitent non seulement à la génération actuelle, mais aussi aux générations futures. En ne dépensant qu’une petite fraction des rendements du fonds chaque année (environ 3 %), la Norvège assure une gestion durable de ses ressources.

Conclusion

L’ouvrage de John M. Hartwick est donc une référence incontournable pour penser la gestion des ressources naturelles dans une perspective de durabilité et d’équité intergénérationnelle. Il offre ainsi, dès les années 1970, une boussole pour guider les politiques publiques vers une exploitation responsable des ressources.

Si les critiques sur la substituabilité des capitaux et les défis environnementaux contemporains appellent des ajustements, la règle de Hartwick demeure un pilier du droit économique et environnemental.

 

Voilà, tu peux désormais parfaitement mobiliser Hartwick, espérons que le thème retombe aux prochains concours écrits ! Clique ici pour plus d’articles d’ESH.