Les marchés peuvent-ils fonctionner sans Etat ?

Dans le cadre des concours écrits et oraux de cette année, je te propose une analyse de sujet et proposition de plan pour le sujet suivant : “Les marchés peuvent-ils fonctionner sans État ?”.

Connaissances à mobiliser :

  • Le rôle de l’État et des marchés pour les néoclassiques et pour Keynes
  • Les politiques néolibérales

Introduction

L’État peut être considéré au sens large comme la puissance publique centrale d’un pays. Son rôle dans l’économie a toujours fait l’objet de débats entre économistes. Mais depuis les années 1980, les politiques néolibérales se sont imposées, affirmant la supériorité de la concurrence, donc des marchés, sur l’intervention de l’État. Dans cette approche, les marchés, lieux plus ou moins abstraits de la confrontation entre l’offre et la demande des biens et des services, des facteurs de production et des actifs monétaires et financiers, sont censés parvenir à un équilibre grâce à la flexibilité des prix.

La persistance d’un chômage de masse dans la plupart des pays, la crise du capitalisme financier – et la crise sanitaire actuelle ! – interrogent sur la capacité des marchés à s’auto-réguler.

Dans une première partie, nous exposerons les fondements des politiques néolibérales ainsi que leurs conséquences. Puis nous reviendrons sur la théorie keynésienne et sur sa pertinence aujourd’hui.

I. Le mythe du « marché autorégulateur » efficace

A. La théorie néoclassique standard et l’équilibre du marché

L’école néoclassique, issue du courant marginaliste dans les années 1870, est toujours prédominante aujourd’hui. Cette approche repose sur des concepts tels que l’utilité marginale, l’équilibre du marché et la vision de l’individu comme un Homo œconomicus. Elle adopte une perspective microéconomique en analysant les comportements individuels pour en déduire des phénomènes collectifs tels que l’offre, la demande et l’équilibre sur le marché. Cette approche est également visible dans la théorie des choix publics.

Les économistes néoclassiques sont libéraux et s’opposent à l’intervention de l’État dans l’économie, préférant faire confiance au marché pour une allocation efficace et juste des ressources. Cette vision est notamment critiquée par l’école de la régulation (Robert Boyer, Michel Aglietta).

Les économistes néoclassiques appliquent leur théorie de l’utilité et leur postulat de rationalité des individus pour analyser le comportement du consommateur (la demande) et du producteur (l’offre). Le consommateur cherche à maximiser sa satisfaction tout en minimisant ses dépenses, tandis que le producteur cherche à maximiser son profit ou à minimiser ses coûts. Le marché atteint un équilibre lorsque l’utilité marginale pour chaque bien est égale, en tenant compte des prix relatifs pour le consommateur et lorsque le coût de production égale le revenu pour le producteur.

En additionnant toutes les demandes individuelles, on obtient la demande globale qui est décroissante par rapport au prix. De même, en additionnant toutes les offres des producteurs, on obtient l’offre globale qui est croissante par rapport au prix. Le point d’équilibre sur le marché est atteint lorsque l’offre et la demande se rencontrent, déterminant ainsi le prix auquel le produit est échangé.

Lorsque les marchés sont interdépendants, on étudie l’équilibre général. Dans cette situation, tous les agents économiques sont simultanément dans la meilleure situation possible compte tenu de leurs ressources. Léon Walras a proposé un modèle d’équilibre général prenant en compte l’interdépendance des marchés.

B. Les politiques néolibérales

L’idée “rules rather than discretion” de Kydland et Prescott suggère que l’utilisation de règles claires et préétablies pour la politique économique est préférable à la discrétion laissée aux décideurs politiques. Selon cette théorie, la discrétion peut entraîner des décisions politiques imprévisibles et arbitraires, tandis que l’utilisation de règles claires peut contribuer à stabiliser l’économie et à maintenir la confiance des acteurs économiques. Les auteurs ont remporté le prix Nobel d’économie en 2004 pour leur travail sur cette idée.

A cela s’ajoute également la critique des politiques budgétaires de relance faite par Milton Friedman, qui estiment que celles-ci ont plus d’effets néfastes que positifs sur le long terme.

II. Repenser le rôle de l’État

A. Les conséquences négatives du recul de l’État depuis les années 1980 à cause des politiques néolibérales

Depuis les années 1980, les politiques néolibérales ont conduit à un recul de l’État et à une privatisation accrue des services publics. Cette tendance a eu des conséquences négatives pour de nombreuses personnes et communautés.

Tout d’abord, le recul de l’État a entraîné une réduction des services publics essentiels tels que la santé, l’éducation et les transports publics. Cela a eu un impact disproportionné sur les communautés les plus pauvres et marginalisées, qui dépendent souvent de ces services publics pour subvenir à leurs besoins. En outre, la privatisation de ces services a souvent conduit à une augmentation des coûts pour les utilisateurs, ce qui a aggravé les inégalités sociales et économiques.

De plus, le recul de l’État a souvent été accompagné d’une déréglementation économique et financière, ce qui a créé des déséquilibres dans les économies nationales et internationales. Les crises financières, telles que la crise de 2008, ont été aggravées par cette déréglementation, ce qui a eu des conséquences désastreuses pour les personnes les plus vulnérables.

Enfin, le recul de l’État a également eu un impact sur l’environnement. Les politiques néolibérales ont souvent favorisé la croissance économique et l’expansion des entreprises, au détriment de la durabilité environnementale. Les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter, ce qui a contribué au changement climatique et à d’autres problèmes environnementaux.

B. La théorie keynésienne et les propositions de nouvelles régulations

La théorie keynésienne soutient que les gouvernements peuvent influencer la demande globale en utilisant des politiques budgétaires pour stimuler l’économie. Selon cette théorie, en cas de récession économique, les gouvernements doivent accroître leurs dépenses publiques et/ou réduire les impôts pour augmenter la demande globale et relancer l’économie. L’augmentation des dépenses publiques peut être financée par l’emprunt, ce qui est considéré comme acceptable en temps de crise économique.

Selon Keynes, le recours à la politique budgétaire de relance doit être temporaire et être suivi d’une période de consolidation fiscale pour éviter les risques d’inflation et de déséquilibre budgétaire à long terme. En outre, Keynes a souligné l’importance d’un taux d’intérêt faible pour stimuler l’investissement privé et donc la demande globale.

La théorie keynésienne a été largement utilisée par les gouvernements occidentaux dans les années d’après-guerre pour stimuler l’économie et réduire le chômage. Cependant, la montée du néolibéralisme dans les années 1980 a conduit à une réduction de l’intervention de l’État dans l’économie, ce qui a eu des conséquences négatives sur la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des politiques budgétaires de relance en cas de crise économique.

Aujourd’hui, une volonté de politiques économiques à l’échelle internationale, est observée au travers des rapports du FMI, OCDE, etc…

Conclusion

Depuis les années 1980, avec les politiques néolibérales, l’État était considéré comme l’ennemi des marchés ; il apparaît aujourd’hui comme « le sauveur suprême » … La question du rôle de l’Etat dans l’activité économique n’est pas réglée : lutter contre les inégalités, prévenir les crises, un débat citoyen est nécessaire pour redéfinir l’articulation entre l’individuel et le collectif. À défaut, le cynisme de la recherche du profit à court terme risque fort de prendre le dessus sur la nécessité de mettre la production des biens communs – la santé, l’éducation, la culture… – hors de la « logique » du marché.