La loi de l’offre et de la demande est énormément utilisée en économie ; dans cet article nous allons l’analyser afin de savoir s’il est encore pertinent aujourd’hui de raisonner en se basant sur cette loi.
La définition de la loi de l’offre et de la demande
La loi de l’offre et de la demande remonte à la période des classiques. Elle a ensuite était reprise par les néoclassiques afin d’expliquer pourquoi le marché est autorégulateur.
Dans la théorie néoclassique, le marché est le lieu, parfois physique (par exemple le marché aux poissons dans un port de pêche), souvent abstrait, où se confrontent une offre (de la part des vendeurs) et une demande (de la part des acheteurs) pour aboutir à des échanges qui se font « au prix du marché ».
On suppose qu’il existe un marché pour chaque bien ou service (dont le travail) et chaque marché donne lieu à la formation d’un prix par la rencontre entre l’offre et la demande. Les offreurs (vendeurs) et les demandeurs (acheteurs) viennent sur le marché avec des quantités de biens, respectivement à vendre ou à acheter.
Selon la théorie néoclassique, un « mécanisme de marché » fondé sur la variation des prix va permettre l’équilibre entre l’offre et la demande : c’est la « loi de l’offre et de la demande » dont on peut trouver de nombreuses représentations.
Si la demande est supérieure à l’offre, les prix auront tendance à augmenter et du coup les quantités demandées diminueront ; si l’offre est supérieure à la demande, les prix auront tendance à diminuer et les quantités offertes aussi. Les néoclassiques sont convaincus de l’efficacité « spontanée » de cette « loi ». Pourtant, rien ne dit que la formation des prix suit cette loi dans la réalité.
Conditions d’application de ce modèle
Dans cette approche, le « comportement humain » consiste alors en une recherche perpétuelle du « plus » ou du « mieux » :
- la rationalité économique conduit à un calcul en termes de coûts / avantages qui a pour objectif de maximiser ses avantages et/ou minimiser ses coûts ;
- un critère essentiel de la décision est donc le prix d’un bien, d’un service ou d’une ressource ;
- l’ « homo oeconomicus » : l’homme économique si l’on traduit mot à mot, ou plutôt l’être humain dans son comportement « économique » – est égoïste et rationnel (au sens calculateur et maximisateur) ; nous retrouverons ce « personnage » abstrait et peu sympathique plus loin, lors de l’étude de la théorie néoclassique.
Le caractère autorégulateur du marché suppose pour les néoclassiques eux-mêmes des hypothèses très restrictives, celles dites de la « concurrence pure et parfaite », dont tu peux te rappeler par le biais du moyen mnémotechnique “HAMLET” :
- Homogénéité du bien : si l’on admet qu’il y a un prix sur chaque marché, il faut qu’on parle du même bien : « le » marché de l’automobile par exemple…
- Atomicité de l’offre et de la demande : les offreurs et les demandeurs doivent être nombreux et de petite taille (comme des atomes), afin qu’aucun ne puisse influencer la formation du prix
- Mobilité parfaite des facteurs de production : capital et travail doivent pouvoir circuler librement entre les marchés
- Libre-échange : tout offreur et tout demandeur doit pouvoir librement entrer sur le marché et en sortir
- Transparence : l’information doit être parfaitement accessible dans les mêmes conditions pour tous les acteurs
Les limites de la loi de l’offre et de la demande
De prime abord, on voit bien que réunir l’ensemble des conditions du modèle de la CPP est irréaliste, il s’agit pour les néoclassiques d’un idéal à atteindre : si ces conditions sont réunies, alors le marché sera équilibré… il faut donc tendre le plus possible vers leur réalisation. D’où le rôle dévolu à l’Etat : être le garant de la réalisation de ces conditions, être le « gendarme » de la concurrence ; et veiller à ce que le marché ne soit pas « entravé » par des « rigidités ». Les néoclassiques sont donc pour la plupart des libéraux sur le plan des idées. On retrouve aujourd’hui cette philosophie dans le néo-libéralisme (voir Chapitre 2). Dans les années 1930, un économiste britannique va s’opposer à ce « laisser-faire », il s’agit de Keynes.
Ainsi, la limite principale de cette loi est que celle-ci reste un modèle idéaliste, et donc irréaliste.
Pourquoi la croyance en cette loi persiste malgré son irréalisme ?
Il faut bien comprendre que derrière les prix, il y a les revenus. Le coeur des problèmes que l’on connaît actuellement, c’est celui du pouvoir d’achat et des inégalités considérables que l’on observe entre les professions. Entre l’intérimaire et le footballeur du PSG, il y a des rapports salariaux de 1 à 2000. Comment justifie-t-on ces écarts effarants de revenus ? Avec la loi du marché. Telle profession, tel footballeur est très demandé ; tel autre l’est moins. Soit « ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien » pour emprunter une formule du Président Emmanuel Macron.
Les bas salaires sont le produit d’un marché du travail qui organise la concurrence et hiérarchise la valeur des uns et des autres. De même, la faillite d’un petit entrepreneur sera justifiée par son incapacité à vendre ses produits au « bon » prix. La « loi de l’offre et de la demande » permet de fixer un prix, que l’on désigne comme le prix « normal », le prix du marché. Cette normalité qui émane d’un marché impersonnel et immanent sert surtout à justifier les écarts de revenus entre les personnes. Car tous les prix sont à la fois des coûts et des revenus. Il en va de même pour le salaire qui n’est que le prix du travail. Dans cette représentation, nous sommes tous acheteurs et vendeurs. Aussi, la « loi de l’offre et de la demande » ne sert pas tant à expliquer quoi que ce soit, qu’à justifier les équilibres du système économique. C’est le marché et non l’État qui décide de la distribution des revenus. Pour les néolibéraux, laisser au marché le soin de déterminer la hiérarchie économique et sociale c’est rassurant.