monnaie

Dans cet article, je vais te résumer les travaux de Jacques Mistral, dans son livre Guerre et Paix entre les monnaies (2021) concernant les enjeux de la monnaie au XXIe siècle. Cela peut grandement te servir pour les sujets portant sur la politique monétaire ou les banques, sur les conflits liés à la monnaie ou encore sur les sujets portant sur les échanges internationaux ou les cryptomonnaies.

Introduction

La circulation monétaire représente l’un des liens sociaux les plus étroits entre les individus, alimentant les débats politiques depuis des siècles, depuis l’époque de Jean Bodin au XVIe siècle.

Cependant, depuis la crise financière de 2008, les certitudes historiques en matière économique sont remises en question, soulevant des interrogations sur l’avenir des déséquilibres monétaires. Malgré l’explosion des bilans des banques centrales, l’inflation demeure faible. Les taux d’intérêt à long terme stagnent autour de zéro, tandis que les niveaux d’épargne atteignent des sommets sans précédent.

Parallèlement, l’émergence des cybermonnaies, entre les mains des géants de la technologie comme les GAFA, pourrait les faire rivaliser avec les monnaies nationales, remettant ainsi en question le lien traditionnel entre la monnaie et l’État.

Les politiques publiques ont réussi à éviter une répétition de la Grande Dépression après la crise de 2009 et ont également été utilisées de manière substantielle pour faire face à la pandémie. Cependant, ces mesures budgétaires et monétaires n’ont pas encore apporté de solution définitive aux difficultés économiques, entraînant une augmentation significative des bilans des banques centrales et de la dette publique.

La monnaie aujourd’hui

Quelle valeur a la monnaie ?

La valeur de la monnaie dans les économies contemporaines ne découle pas d’une valeur intrinsèque comme c’est le cas pour les monnaies-marchandises, mais plutôt de son intégration dans un système monétaire qui garantit sécurité et stabilité. La monnaie présente trois caractéristiques majeures :

  • Unité de compte : elle simplifie la comparaison des prix relatifs.
  • Moyen de paiement : largement acceptée, elle élimine les questions sur les contreparties grâce à son cours forcé.
  • Réserve de valeur : elle est un actif liquide qui permet l’extinction définitive des dettes.

Cependant, la monnaie ne se limite pas à une simple convention : elle interagit avec l’économie réelle. Initialement liée au pouvoir du souverain, elle a évolué avec le développement des opérations bancaires. La monnaie de banque a ensuite été intégrée progressivement dans un cadre légal et institutionnel fondé sur la confiance du public.

Aujourd’hui, la monnaie est devenue l’un des piliers de la société démocratique, représentant un pouvoir d’achat indéterminé sur la richesse nationale. Elle incarne le contrat économique qui lie l’individu à la société. Ce qui explique le lien étroit entre la monnaie et l’État.

Quid du Bitcoin et des autres cryptomonnaies ?

La particularité du Bitcoin et d’autres cybermonnaies, telles que l’Etherum, réside dans l’utilisation de la technologie complexe de la blockchain.

Le Bitcoin, créé en 2009, a suscité un intérêt croissant à partir de 2017, entraînant une bulle spéculative avec des prix unitaires atteignant 20 000 dollars, avant de chuter brusquement à 3 500 dollars, puis de remonter à 25 000 dollars en 2020. Ce qui illustre une forte instabilité et un enthousiasme spéculatif irrationnel.

Néanmoins, le Bitcoin ne remplit pas toutes les caractéristiques d’une monnaie

  • Il n’est pas devenu une unité de compte largement utilisée.
  • Son utilisation comme moyen de paiement reste limitée.
  • Le manque de confiance dans cette monnaie, notamment en l’absence de supervision pour réguler son émission, réduit ses chances de concurrencer les monnaies souveraines qui offrent une sécurité en cas de problèmes.

Cependant, quelques avantages expliquent son succès, en dehors de la spéculation :

  • L’attrait de l’anonymat qu’il offre.
  • La facilité des paiements transfrontières, attirant ainsi des fonds illicites.
  • La perception de certaines personnes du Bitcoin comme un refuge, similaire à l’or, en raison de son offre limitée.
  • Il est difficile de déterminer quel marché le Bitcoin satisfait, car il ne possède ni valeur libératoire ni valeur intrinsèque. Il n’est associé à aucun flux de revenus, ce qui rend impossible l’estimation de sa valeur future. L’achat de Bitcoin repose souvent sur l’espoir d’une plus-value, dépendant de l’entrée de nouveaux acheteurs. Ce qui rappelle le fonctionnement d’une pyramide de Ponzi.

De plus, les cryptomonnaies ont un impact environnemental majeur, comme en témoigne la consommation d’électricité associée. Selon le Cambridge Center for Alternative Finance, la consommation mondiale agrégée des principales cryptomonnaies en 2018 équivalait à environ un huitième de la consommation d’électricité de la France.

Le système monétaire aujourd’hui

Le système monétaire international actuel se compose de deux niveaux principaux :

  • Les agents non bancaires, qui détiennent de la monnaie sous forme de pièces, de billets ou via des comptes courants gérés par les banques.
  • Les transactions interbancaires, qui reposent sur la monnaie émise par la Banque centrale.

Avant la crise financière de 2008, on considérait que la Banque centrale pilotait la quantité de monnaie en contrôlant la « base monétaire », créée par la Banque centrale et utilisée par les banques commerciales. Ces dernières offraient alors des crédits à partir de cette base monétaire. Ensuite, la monnaie circulait entre les agents économiques et via le marché monétaire, ainsi que d’une banque à l’autre. La monnaie nouvellement créée restait dans le bilan de la banque jusqu’à ce que le crédit soit remboursé. Et c’est ce mécanisme qui faisait que « les crédits font les dépôts ».

De cette dynamique découle l’interprétation de la création monétaire reposant sur le multiplicateur de crédit. Les banques étant tenues de maintenir un niveau de réserves non rémunérées sur leur compte à la Banque centrale (les réserves obligatoires), on pensait alors pouvoir montrer que la quantité de monnaie en circulation était un multiple de la base monétaire. On supposait ainsi que le contrôle de cette dernière donnait aux banques centrales le pouvoir de fournir à l’économie un niveau adéquat de liquidités, tout en maîtrisant l’inflation. Cependant, cette croyance s’est révélée fausse.

Les explications monétaires des crises financières

L’un des aspects majeurs d’une crise financière d’ampleur est la méfiance généralisée envers toute contrepartie, entraînant le blocage des transactions bancaires, l’asphyxie du système bancaire et le retrait précipité des dépôts. Pour contrer cela, les banques centrales ont joué le rôle de prêteur en dernier ressort. En conjonction avec d’importants déficits budgétaires, ces politiques ont évité la panique des déposants et l’effondrement du système financier, mais n’ont pas réussi à restaurer le niveau de confiance d’avant 2008. D’où la nécessité de mesures plus puissantes.

Les banques centrales ont abaissé les taux d’intérêt à 0 et mis en œuvre des programmes d’achat de titres publics (quantitative easing), ce qui a accru la base monétaire. Cependant, ces mesures sont devenues ordinaires à partir de 2019, puis avec la pandémie. En conséquence, les bilans des banques centrales ont été multipliés par trois ou quatre en peu d’années.

Parallèlement à l’expansion de la base monétaire, le crédit n’a pas augmenté, car les banques détiennent ces liquidités sous forme de réserves excédentaires, supérieures aux montants obligatoires.

L’injection massive de liquidités a conduit à une accumulation de réserves excédentaires détenues par les banques dans les livres de la Banque centrale. Les banques centrales inondent les banques de liquidités, mais celles-ci les conservent sous forme de réserves excédentaires, faute de trouver des contreparties fiables sur le marché interbancaire.