Voici les idées de Jacques Mistral dans son livre Guerre et Paix entre les monnaies (2021) concernant l’évolution de la monnaie internationale du XXIe siècle, qui conclut son ouvrage.
Retrouve ici, la première partie de notre article, et ici, la deuxième.
Quelle monnaie internationale pour le XXIe siècle ?
Vers une privatisation de la monnaie ?
Hayek avait avancé une proposition simple : la privatisation de la monnaie et l’autorisation de sa circulation parallèle. Selon lui, la concurrence entre les monnaies serait garante d’une bonne gestion et éviterait les pièges dans lesquels les monnaies souveraines peuvent tomber. Cependant, cette idée n’a pas suscité beaucoup d’intérêt jusqu’à peu.
Plus récemment, une autre idée est celle de la monnaie Libra, ou Diem, initiée par Facebook (idée qui a ensuite été abandonnée). Contrairement au Bitcoin, elle serait adossée à un panier de monnaies internationales reconnues telles que le dollar, l’euro, le yen, etc. De plus, elle serait gérée et réglementée par une fondation.
Cette proposition a été critiquée de manière significative, avec des débats au Sénat des États-Unis et une prise en main de la question par le G7.
Mais quelques observations méritent d’être soulignées
- Il est impératif que l’institution soit considérée comme une banque pour pouvoir créer la monnaie. Sinon, elle se limitera à être un produit liquide non rémunéré. Ce que l’on appelle le « narrow banking ».
- Les transactions en Diem, ou une autre monnaie similaire, présentent un risque de change pour toutes les opérations. Ce qui peut être un inconvénient majeur.
- Il existe une réticence à faire confiance à une entreprise qui a déjà été impliquée dans des scandales concernant la protection des données personnelles.
- L’introduction du Diem pourrait déstabiliser la sphère financière, avec une contraction des ressources des banques et moins de crédits disponibles.
- Les paiements transfrontaliers facilités par le Diem pourraient encourager la spéculation et favoriser le blanchiment d’argent.
- Le principal objectif semble être de réaliser un profit privé. Ce qui soulève des questions sur les motivations réelles derrière la création du Diem.
- Il est important de noter les coûts environnementaux associés à l’utilisation du Diem, similaires à ceux du Bitcoin.
Cependant, l’avancement des projets de monnaies privées pourrait avoir une conséquence inattendue en ravivant la question du système monétaire international. Les banques centrales pourraient également s’emparer de cette question en envisageant, par exemple, la transition des monnaies électroniques vers les cybermonnaies. Une autre possibilité serait de passer à un ordre monétaire international, ce qui prolongerait l’ordre multilatéral existant.
Un système monétaire centré sur le DTS ?
Keynes avait déjà proposé une telle idée en 1944 à Bretton Woods avec le bancor. Plus tard, dans les années 1960, le droit de tirage spécial (DTS) a été créé comme une forme de monnaie internationale. Avec l’abandon des taux de change fixes, le DTS est désormais défini non seulement par rapport au dollar, mais également par rapport à un panier de cinq monnaies.
Dans un système monétaire centré sur le DTS, le Fonds monétaire international (FMI) jouerait le rôle de gardien de la base monétaire mondiale, composée d’une certaine quantité d’or et d’une quantité ajustable de DTS.
Pour évaluer le potentiel d’une monnaie internationale dans les circuits commerciaux et financiers à l’avenir, il est essentiel d’examiner à la fois l’offre et la demande. D’une part, il est nécessaire d’émettre une quantité suffisante de cette monnaie internationale pour garantir une liquidité adéquate du DTS. D’autre part, il faut l’introduire dans le domaine privé, notamment en l’utilisant pour la facturation (en cotant le prix du pétrole en DTS) et pour le financement (en émettant des dettes en DTS, comme c’est déjà le cas avec les eurodollars).
Cependant, le simple volontarisme politique ne suffit pas, car la promotion d’un successeur potentiel au dollar nécessite une conception et une coordination adéquates. Si ces initiatives sont mal conçues ou mal coordonnées, elles pourraient être déstabilisantes et aboutir à des résultats opposés à l’objectif recherché.
L’extension de l’usage du DTS pourrait avoir des répercussions significatives grâce aux effets de réseaux
Par exemple, si un pays comme la Chine commence à utiliser le DTS pour ses bons du Trésor et ses transactions en pétrole ou en matières premières, cela pourrait entraîner des améliorations rapides dans les dispositifs techniques associés. En étendant l’utilisation du DTS, on pourrait créer un bien public mondial, ce qui pourrait contribuer à éviter les conflits monétaires.
Cependant, cela soulève la question de savoir si les États sont prêts à agir collectivement et à surmonter d’énormes difficultés pratiques pour en tirer des avantages significatifs.
En somme, la promotion du DTS présente de nombreuses caractéristiques souhaitables pour un système monétaire efficace. Si l’on souhaite promouvoir une monnaie internationale, il est crucial de comprendre que la décision en matière de politique monétaire est l’une des plus importantes et des plus conséquentes que l’on puisse envisager.