Avec les récentes crises auxquelles le monde a fait face dernièrement, il semble essentiel de maîtriser les diverses politiques économiques possibles dans ce type de situation.
Définition des différentes politiques économiques
La politique budgétaire constitue avec la politique monétaire l’un des principaux leviers des politiques économiques de l’État. Avec l’indépendance des banques centrales, cela devient l’un des seuls leviers.
Elle consiste à utiliser les instruments budgétaires, c’est-à-dire les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, pour influer sur l’activité économique dans un sens jugé souhaitable.
Au sens strict, la politique budgétaire est focalisée sur les dépenses publiques. Mais, parfois, il peut être possible de mobiliser la politique fiscale, selon le type de sujet.
Principes et efficacité de la politique budgétaire discrétionnaire
Au début des années 1930, Gunnar Myrdal (précurseur de Keynes) s’oppose à l’idée dominante de l’époque, à savoir la recherche de l’équilibre budgétaire. Il explique ainsi qu’il ne faut pas rechercher à court terme cet équilibre, d’autant plus lorsque l’économie connaît une crise. Il différencie le secteur privé du secteur public. Seul le secteur privé est contraint de respecter cet équilibre, sinon l’entreprise risque une faillite. Alors que le secteur public peut connaître des phases de déficit lorsque l’économie est en récession.
En récession, l’État doit augmenter les dépenses publiques, il se retrouve donc en déficit budgétaire. Mais ce déficit sera résorbé par un futur excédent lors de la période d’expansion. En phase d’expansion, le budget de l’État doit se retrouver en situation d’excédents, ce qui permet de résorber le déficit intérieur.
Myrdal propose donc un équilibre budgétaire à long terme. Cela veut dire que lorsque l’on prend la tendance de l’équilibre sur du long terme, alors cette tendance doit être en équilibre. En gros, il est possible que cela fluctue avec une alternance de déficits et excédents à court terme, mais globalement, sur le long terme, cette tendance se lisse et forme un équilibre. C’est pour cette raison qu’Aglietta veut qu’on arrête aujourd’hui de vouloir réduire un déficit à court terme mais à long terme.
La perspective keynésienne modernise la pensée de Myrdal
La politique budgétaire discrétionnaire, dans une perspective keynésienne, est essentielle pour stabiliser l’économie en période de crise ou de ralentissement. Cette approche met en avant le concept d’équilibre budgétaire de plein emploi, où les déficits budgétaires sont justifiés lorsqu’une récession entraîne un écart entre la croissance réelle et la croissance potentielle. Ce qui se traduit par un taux de chômage élevé.
Dans de telles situations, une politique de relance budgétaire est nécessaire pour ramener l’économie au plein emploi. Toutefois, il est essentiel de noter que cette politique n’a pas vocation à être appliquée de manière permanente, mais plutôt de manière cyclique, afin de rétablir l’équilibre économique.
Le principe du multiplicateur, introduit par Kahn en 1931 et développé par Keynes dans Théorie générale en 1936, sous-tend l’efficacité des politiques de relance. En période de crise, l’insuffisance de la demande effective entraîne un chômage involontaire que les mécanismes du marché ne peuvent absorber. La relance budgétaire devient alors essentielle pour stimuler la demande et relancer l’économie. Cela peut se faire en versant des revenus de transfert ou des prestations sociales aux ménages à faibles revenus ayant une forte propension marginale à consommer.
La politique de relance ne se limite pas à la consommation, mais vise également à stimuler l’investissement. L’État peut subventionner des entreprises pour encourager l’investissement ou réaliser des projets d’investissement public. Cela repose sur le principe du multiplicateur keynésien des dépenses publiques, qui montre que l’augmentation des dépenses publiques compense la faiblesse des dépenses privées. L’augmentation des dépenses publiques génère une augmentation plus que proportionnelle des revenus, ce qui stimule la demande globale.
La nécessité des règles encadrant les politiques économiques
La justification de la mise en place de ces règles a été celle des nouveaux économistes classiques, qui posent comme hypothèse des comportements rationnels. Ces règles permettent la cohérence temporelle et la crédibilité de l’État. Cette crédibilité fait que sur les marchés financiers, on réclame de faibles primes de risques. Les obligations souveraines sont donc émises avec de faibles taux d’intérêt, car le risque de défaut de paiement sera considéré comme quasi nul selon Kydland et Prescott (Rules Rather than Discretion, 1977).
De plus l’imposition de règles de politique budgétaire protège le mandat des banquiers centraux indépendants. Même si le banquier central est indépendant, un gouvernement peut essayer de faire pression pour qu’il monétise la dette en invoquant un risque de défaut de paiement. Alors que si l’État respecte des règles budgétaires, pas de risque de défaut de paiement et pas de pression sur le banquier central.
Face à l’ampleur du choc économique du coronavirus, les gouvernements ont été très réactifs
Les pays ont mis en œuvre des mesures budgétaires d’ampleur. Les règles budgétaires ont été mises de côté. Les règles budgétaires européennes ont été suspendues temporairement par la Commission européenne. Même l’Allemagne a rompu avec son orthodoxie budgétaire et a adopté un plan d’aide économique d’une importance sans précédent pour le pays.
La priorité des États a été de contenir et d’atténuer la propagation du virus pour diminuer le nombre de nouveaux cas et limiter la pression exercée sur les systèmes de santé. D’où des mesures de confinement. Ces mesures de confinement ont conduit à une chute brutale de l’activité économique. En a résulté un choc inédit qui est à la fois un choc d’offre, mais aussi un choc de demande. La situation est aujourd’hui appelée « le grand confinement » (the Great Lockdown).
Selon les estimations de l’OCDE, les mesures de confinement pourraient entraîner une baisse de la production (un quart) et les dépenses de consommation pourraient diminuer de plus d’un tiers. Mais l’OCDE rappelle qu’il s’agit d’indications approximatives compte tenu de l’évolution de la situation. Les mesures budgétaires adoptées ont eu pour principal objectif d’amortir les conséquences immédiates de la crise liée au confinement pour les entreprises et les ménages et de préserver les capacités productives. Bien qu’étant parfois qualifiées de mesures de relance budgétaire, ces réponses budgétaires doivent être considérées comme des mesures d’urgence.
Le Président Biden a annoncé un vaste plan de relance, mais d’un montant inédit. En effet, ce montant est supérieur à celui de 2008. Ce plan de relance s’appelle le « Biden Green Deal ». Ce plan fait attention aux entreprises aidées, elles doivent avoir une faible empreinte carbone. De cette manière, ce plan aide aussi à la transition écologique.
Les États laissent filer le déficit public et la dette publique
Ils deviennent de plus en plus importants. Dans les prévisions pour la France, la dette publique atteindrait 117 %. Il faut noter que les taux d’intérêt obligataires ne montent pas, donc les marchés financiers ont confiance et se rendent compte que ces mesures de relance sont obligatoires. Même des institutions libérales comme l’OCDE et le FMI préconisent le soutien budgétaire des États. Il y a un renversement de perspectives des institutions internationales par rapport à ce qu’elles préconisaient en 2010. Notamment pour les pays européens où l’accent a été mis sur la réduction de la dette publique, alors même que ces pays étaient en récession (et c’est bien ça qui pose problème).
Pour les autres pays (pas les pays développés), la situation est critique dans un certain nombre de PED. D’une part, leur système de santé est bien moins développé. D’autre part, un grand nombre de ces pays ont une croissance tirée par la demande extérieure et connaissent une très forte baisse des recettes d’exploitation. Il est aussi beaucoup plus difficile pour eux d’accéder aux marchés financiers avec des taux d’intérêt faibles, leur prime de risque est plus élevée (notamment avec la pandémie). En plus, ils ont la quasi-obligation de s’endetter en monnaie étrangère (en particulier le dollar, ou éventuellement en euro pour les pays centraux européens). On craint pour ces pays une explosion de la pauvreté. Il est donc nécessaire d’avoir une aide internationale renforcée.
Les politiques économiques contemporaines
Les politiques économiques contemporaines, en particulier la politique liée aux dépenses publiques, sont façonnées par diverses théories et approches. Dans ces dernières, le financement fonctionnel et la monétisation de la dette jouent un rôle crucial.
Le financement fonctionnel
C’est une théorie économique qui suggère que le gouvernement devrait se concentrer sur la gestion de l’économie pour atteindre ses objectifs, plutôt que de se préoccuper d’équilibrer le budget à court terme. Selon ce point de vue, les dépenses publiques doivent être utilisées de manière proactive pour stimuler la croissance économique, créer des emplois et promouvoir le bien-être social.
Cela signifie que le gouvernement peut prendre des mesures de dépenses, même si cela implique de s’endetter davantage. Cette approche est particulièrement pertinente en période de ralentissement économique, lorsque l’État peut augmenter ses dépenses pour stimuler l’activité économique.
La monétisation de la dette
C’est une stratégie par laquelle la Banque centrale achète directement ou indirectement des obligations émises par le gouvernement pour financer ses dépenses. Cela crée de la monnaie nouvellement émise qui entre dans le système économique. Si cette approche peut aider à financer les politiques gouvernementales sans dépendre entièrement des marchés financiers, elle comporte des risques tels que l’inflation. L’augmentation de la masse monétaire sans croissance économique équivalente peut entraîner une dépréciation de la monnaie et une hausse des prix.
Ces approches font toutefois l’objet d’un débat permanent
Les partisans du financement fonctionnel soulignent la nécessité d’investissements publics pour stimuler l’activité économique et réduire les inégalités. Ils affirment que les avantages à long terme l’emportent sur les inconvénients potentiels de la dette. D’un autre côté, les critiques soulignent les risques d’une inflation incontrôlée et d’une perte de confiance dans la monnaie si la monétisation de la dette est poussée à l’excès.
En fin de compte, la politique économique contemporaine liée aux dépenses publiques doit jongler avec ces théories et ces considérations. Une approche équilibrée, tenant compte à la fois des besoins économiques à court terme et des implications à long terme de la dette et de la création monétaire, est essentielle pour garantir la stabilité et la prospérité à long terme.