revenu

Le revenu universel, encore appelé revenu de base, est une somme d’argent versée régulièrement aux membres d’une société, sans aucune condition sur l’âge, l’emploi, ou la situation financière. Théorisée pour la première fois par Thomas More dans son ouvrage Utopia en 1516, l’idée redevient d’actualité aujourd’hui. Les débats autour de cette notion sont alors lancés de nouveau.

Ce qu’en pense la théorie

André Gorz, Misères du présent, richesse du possible (1997)

Gorz voit le revenu universel comme un outil d’émancipation, permettant aux individus de s’affranchir du travail aliénant et de choisir librement leurs activités. Ainsi, le revenu universel pourrait soutenir une transition vers une société où le travail n’est plus au centre de la vie sociale, favorisant l’autonomie et la créativité, tout en redistribuant les richesses de manière plus juste dans une société post-capitaliste.

John Rawls, Justice as Fairness: A Restatement (2001)

L’auteur critique l’idée d’une subvention via un revenu universel des modes de vie délibérément non productifs, qu’il considère comme étant ceux des « surfeurs de Malibu ». Il soutient que les citoyens doivent tous contribuer à la société, et que rémunérer tous les individus de la même manière, quelle que soit leur implication, pourrait développer des injustices. Ces surfeurs de Malibu ne seraient donc pas assez méritants et sont alors pointés du doigt par un nouveau phénomène de stigmatisation des personnes sans activité sociale légitime.

Robert Castel, Salariat ou revenu d’existence ? (2013)

Dans un article en réponse directe à André Gorz, cet auteur affirme que le revenu de base est une « mauvaise utopie ». En effet, il devrait être de l’ordre d’un SMIC pour être suffisant, ce qui lui paraît complètement infaisable. Il souligne les difficultés de l’État à recueillir l’argent suffisant pour les aides déjà existantes aujourd’hui (RSA), bien qu’elles soient très loin du SMIC. L’économiste souligne alors un dilemme : faire le choix d’un revenu universel insuffisant, mais probablement finançable (ce qui n’est même pas sûr !) ou le choix d’un revenu universel digne, mais qui renverserait la stabilité économique du pays.

Anthony Atkinson, Inequality: What can be done? (2015)

D’après lui, le revenu universel semble impossible. En effet, il alourdirait la pression fiscale et les dépenses publiques. Il propose alors une solution intermédiaire, soit une allocation qui serait un complément utile aux investissements publics dans la santé et l’éducation, et qui permettrait de lutter contre la pauvreté infantile. Ce serait en quelque sorte des allocations familiales sans condition de ressources. 

Des applications successives

Mongolie : 2010-2012

Un revenu universel dans le cadre d’un programme nommé Human Development Fund (HDF) avait été mis en place dès 2010 en Mongolie. Ceci s’inscrit à la suite de la décision du gouvernement mongol d’utiliser les revenus issus de ses ressources minières (cuivre et charbon) au vu du boom que le pays connaissait. 

Au début, en 2010, chacun des 2,7 millions de citoyens du pays a reçu l’équivalent d’un paiement unique de 85 dollars par personne. En 2012, les versements ont atteint l’équivalent de 700 dollars par personne en plusieurs tranches. 

Toutefois, les paiements ont progressivement diminué à partir de 2012 en raison de la baisse des revenus miniers et de la crise économique qui a frappé le pays. Ce qui a mené le projet à sa fin. D’autres critiquent également le HDF pour avoir été un outil populiste bien plus qu’une solution économique solide.

Finlande : 2017-2018

Ce projet a attiré l’attention internationale en raison de son ambition de tester l’impact d’un revenu universel sur la société, notamment en simplifiant le système de protection sociale. L’idée était de remplacer une partie des allocations chômage par un revenu universel inconditionnel, afin de voir si cela inciterait les chômeurs à accepter des emplois temporaires ou à faible revenu, sans craindre de perdre leurs allocations.

Le projet a concerné 2 000 chômeurs âgés de 25 à 58 ans, choisis de manière aléatoire à travers la Finlande. Pendant les deux ans du programme, chaque participant a reçu un montant mensuel de 560 euros, sans condition de ressources ni obligation de rechercher activement un emploi. Ce montant, non imposable, était versé même si les participants trouvaient un emploi, leur garantissant ainsi une sécurité financière de base.

Les résultats finaux, publiés en 2019, ont révélé que le revenu universel n’avait pas significativement augmenté l’emploi parmi les participants. Les études soulignent toutefois des effets positifs sur le bien-être mental et la satisfaction de vie des bénéficiaires.

Alaska : 1982-aujourd’hui

Le revenu universel en Alaska, connu sous le nom de Permanent Fund Dividend (PFD), est l’un des exemples les plus anciens et les plus célèbres de redistribution universelle. Ce programme établi en 1982 continue de fonctionner aujourd’hui, offrant à chaque résident de l’Alaska une part des revenus générés par les ressources pétrolières de l’État.

Chaque année, le montant du PFD varie en fonction des performances des investissements du fonds. Depuis sa création en 1982, les paiements annuels ont fluctué, allant de 331 dollars en 1984 à un pic de 2 072 dollars en 2015. En 2023, par exemple, le montant distribué était de 3 284 dollars par résident, en raison des revenus exceptionnellement élevés du fonds et d’une augmentation liée à la COVID-19

Toutefois, le PFD reste un projet controversé, avec de nombreuses critiques sur le montant des paiements. En effet, certains estiment que les dividendes réduisent l’incitation au travail et que le fonds pourrait être mieux utilisé pour financer des services publics comme l’éducation, la santé ou les infrastructures. Enfin, les fluctuations des montants versés ont conduit à des discussions sur la stabilité et la durabilité du programme à long terme.

En France

Application à petite échelle

La France n’est pas étrangère au concept de revenu universel, qui existe souvent sous forme de dispositifs locaux. Ces projets visent à offrir un soutien financier aux personnes les plus vulnérables pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. L’exemple le plus récent est celui de la ville de Petit-Quevilly en Normandie, qui a instauré un revenu minimum étudiant en septembre 2024. À hauteur de 100 € par mois, cette aide pourrait alors permettre de lutter contre la précarité étudiante à petite échelle.

Michelin

En avril 2024, le groupe a déclaré souhaiter déployer un salaire décent à l’échelle mondiale. Il a ainsi créé un revenu universel suivant les recommandations de l’organisation ONG Fair Wage Network, qui permettra donc de subvenir aux besoins d’une famille de quatre personnes. Ainsi, alors que le SMIC français est de 21 000 euros bruts par an, l’entreprise prévoit d’octroyer 39 639 euros à ses employés parisiens et 25 365 à ceux de Clermont-Ferrand. Michelin est de ce fait sensible aux différences territoriales de prix. 

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