monnaie

Le système monétaire de Bretton Woods a été établi à la suite de la Conférence de Bretton Woods, qui s’est déroulée en juillet 1944. L’objectif principal était de parvenir à un consensus international visant à éviter un retour à la guerre des dévaluations, tout en promouvant le multilatéralisme et la coopération entre les nations.

Cet article est la suite de l’article portant sur le système monétaire international à partir du XIXe siècle qu’il faut avoir lu avant celui-ci, afin de bien comprendre pourquoi le SMI de Bretton Woods est arrivé. Connaître Bretton Woods et ses tenants et aboutissants est primordial pour répondre aux sujets portant sur la monnaie. Ici, on expliquera en détail ses origines et son âge d’or (années 40 et 50). Le prochain article traitera, lui, de son effondrement (années 60 et 70).

Les principes du système

Origines

La Conférence de Bretton Woods, un jalon historique dans les annales économiques, s’est tenue en juillet 1944, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Face à l’instabilité économique qui avait marqué l’entre-deux-guerres, les dirigeants mondiaux se sont réunis avec un objectif primordial : édifier un système monétaire international stable et prévenir les pratiques de dévaluations compétitives qui avaient exacerbé les tensions économiques et politiques précédant le conflit mondial.

Ce consensus a été marqué par un compromis évident qui accordait une prééminence aux États-Unis en raison de leur position économique dominante à l’époque. Avec environ 75 % des réserves mondiales d’or et représentant 55 % de la production industrielle mondiale, les États-Unis ont pu façonner les principaux aspects du système monétaire de Bretton Woods.

Le plan qui en résulte, appelé Plan White, reconnaissait les États-Unis comme la nouvelle puissance dominante, rejetait le système de compensation (jugé trop défavorable aux pays créanciers), ne prévoyait pas de création d’une Banque centrale mondiale et permettait des taux de change ajustables, tout en maintenant provisoirement le contrôle des changes.

Tableau récapitulatif

Voici ci-dessous un tableau résumant les deux plans majeurs lors de la conférence, à savoir celui de White et celui de Keynes :

Plan Keynes (Royaume-Uni) Plan White (États-Unis)
But Éviter la déflation et le chômage Éviter le retour au protectionnisme
Taux de change
  • Taux de changes fixes, mais ajustables
  • Contrôle partiel des changes
Taux de changes fixes
Système
  • Banque centrale internationale avec sa propre monnaie (le bancor) et non convertible, car elle n’est destinée qu’aux échanges internationaux
  • Réduction du rôle de l’or
  • Élimination des barrières à l’échange
  • Nouveau Gold Exchange Standard avec une seule devise clé (le dollar)
Institutions Mécanisme de compensation international pour assurer le financement des déséquilibres de la balance des paiements  Fonds de stabilisation qui doit négocier les changements de parité et octroyer des crédits aux pays en difficulté

Un système de changes fixes, ancré sur le dollar

Le système monétaire de Bretton Woods était caractérisé par des changes fixes, où les pays s’engageaient à maintenir une parité fixe de leur monnaie par rapport à l’or ou au dollar américain, fixé à 35 dollars l’once d’or. Les marges de fluctuations autorisées étaient limitées à +/– 1 % autour de cette parité.

Théoriquement, le système prévoyait une libre circulation et convertibilité des devises, condamnant ainsi les contrôles des changes et les tarifs douaniers. Cependant, en pratique, cela a été différent. Par exemple, la convertibilité externe effective n’a été mise en place qu’en 1958 en France.

Le dollar américain a joué un rôle central dans le système. Une lettre du Secrétaire au Trésor américain, J. Snyder, datant de 1947, a établi l’engagement des États-Unis à échanger de l’or contre des dollars à la parité officielle. Ce qui a permis ainsi aux banques centrales de ne plus avoir besoin d’intervenir sur les marchés des changes pour maintenir la valeur de leur devise. Cette centralité du dollar a été décrite par Bourguinat dans Les Vertiges de la finance internationale en 1987 : « Le dollar de 1944 est le soleil autour duquel s’organisent les autres monnaies satellites. »

Des possibilités de modification de parité

Le système monétaire de Bretton Woods permettait des ajustements de parité en cas de « déséquilibre fondamental ». Cependant, ces ajustements étaient strictement encadrés par le Fonds monétaire international (FMI) et limités à une dévaluation de 10 % maximum.

Le système prévoyait ainsi des changes fixes avec une certaine souplesse. Il était encadré par des institutions internationales pour assurer la stabilité du système monétaire.

Le rôle du FMI

Dans le but de favoriser la coopération internationale en matière monétaire, la Conférence de Bretton Woods a institué le Fonds monétaire international (FMI). Les pays membres devaient contribuer financièrement en fonction de leur quote-part, qui était déterminée en proportion de leur poids économique dans le système.

Initialement, les États-Unis représentaient 36 % des contributions et le Royaume-Uni 17 %. Ces quotes-parts étaient également liées aux droits de vote de chaque membre. Les pays devaient verser 25 % de leur quote-part en or, tandis que le reste était versé en monnaie nationale.

Le FMI jouait un rôle clé en fournissant des prêts, appelés « tirages », aux pays en difficulté. Lorsqu’un pays connaissait un déficit dans ses comptes extérieurs et ne disposait pas de suffisamment de réserves de devises pour défendre sa monnaie, le FMI intervenait en lui fournissant des fonds. Ces prêts fonctionnaient comme un échange de monnaies, mais s’apparentaient à des prêts, car le pays emprunteur était tenu de rembourser le FMI ultérieurement.

Chaque pays pouvait disposer d’un crédit équivalent à 125 % de sa quote-part. Au départ, les conditions d’octroi étaient mal définies, mais elles furent progressivement conditionnées à la mise en œuvre de politiques d’ajustement pour assurer la stabilité économique et monétaire du pays emprunteur.

Les années 1950 : un système régulé pour faire face au « dollar gap »

Les problèmes de la reconstruction

Un retour à la convertibilité souhaité, mais difficile

Le système monétaire de Bretton Woods visait à établir la convertibilité des devises, mais cette aspiration se heurta à des difficultés.

L’inconvertibilité des devises freinait les échanges commerciaux, car les pays européens se retrouvaient enfermés dans des accords bilatéraux de clearing, empêchant ainsi un commerce fluide.

Le principal problème résidait dans le manque d’or et de dollars nécessaires pour effectuer les échanges internationaux.

L’échec emblématique du retour à la convertibilité de la livre en or

La Grande-Bretagne exprima la volonté de rendre la livre sterling convertible pour relancer les échanges internationaux. La livre était considérée comme le seul candidat possible pour jouer un rôle de contrepoids au dollar américain. Le Royaume-Uni avait une expertise dans la gestion des flux monétaires et l’importance historique de la livre soutenait son éventuel rôle international.

Cependant, la livre sterling s’était accumulée entre les mains de non-résidents en paiement de l’effort de guerre britannique. Il existait donc un risque que ces balances soient converties en or en cas de retour à la convertibilité.

En 1947, une tentative de retour à la convertibilité de la livre fut entreprise avec l’aide d’un prêt des États-Unis de 3,75 milliards de dollars. Malheureusement, les demandes massives de conversion de toutes les nations détenant des réserves en livres sterling ont entraîné la suspension de la convertibilité de la livre.

Un problème structurel : le « dollar gap » (pénurie européenne de dollars)

Le dilemme de Triffin se manifestait dans le fait que les excédents courants des États-Unis ne permettaient pas à ce pays d’accumuler des dollars. Le système de Bretton Woods ne permettait pas de créer des réserves en dollars, contrairement à l’étalon-or.

Cela conduisait à une pénurie de dollars en Europe, le « dollar gap », qui était préoccupant pour le bon fonctionnement du système.

Résolution des problèmes : plan Marshall et Union européenne des paiements

La manne du plan Marshall (1947)

Pour faire face à ces problèmes, le plan Marshall a été mis en place en 1947. Entre 1948 et 1952, 13 milliards de dollars ont été accordés à 17 pays d’Europe de l’Ouest.

Cette injection massive de dollars dans l’économie mondiale visait à résoudre le « dollar gap » et faciliter les échanges internationaux.

L’Union européenne des paiements (1950) créée par les pays de l’OCDE (1958)

Pour promouvoir la coopération monétaire en Europe, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont créé l’Union européenne des paiements (UEP) en 1950, qui commença à fonctionner pleinement en 1958. L’UEP a appliqué le plan Keynes, en mettant en place un système de compensation entre les pays européens. L’UEP avait une unité de compte équivalente au dollar et les transactions étaient centralisées par la Banque des règlements internationaux (BRI) pour permettre une compensation multilatérale.

Les pays pouvaient avoir des soldes créditeurs et débiteurs, ce qui équivalait à une forme de prêt aux pays en déficit. Cependant, ils étaient tenus de régler leur solde débiteur au-delà d’un certain niveau, ce qui visait à contrôler à la fois les déficits et les excédents.

Globalement, l’UEP a été relativement réussie, même si certains déséquilibres persistaient. Il y avait une accumulation d’excédents dans certains pays comme l’Allemagne de l’Ouest, tandis que d’autres, tels que la France et le Royaume-Uni, enregistraient des déficits. Malgré cela, les échanges ont augmenté et les réserves en dollars aux États-Unis ont connu une croissance globale, mettant fin à la pénurie de dollars. En 1958, les monnaies européennes sont revenues à la convertibilité, marquant la fin de l’UEP.