crise

Cet article permet d’étudier les crises sous un angle différent. Cette analyse permet de répondre à des sujets d’oraux qui pourraient porter sur la comparaison de ces crises, mais aussi sur des sujets pointus demandant d’analyser l’histoire des crises économiques et financières tels que : « Les crises économiques ne sont-elles qu’un recommencement ? » (Oral ESCP 2015). Plus précisément, la question posée ici est : En quoi peut-on établir des distinctions et des rapprochements entre les analyses de la Grande Dépression de 1873, de la crise de 1929 et de la récession contemporaine de 2008 ?

Les points communs

L’analyse théorique insiste sur la répétition des crises

Différents économistes ont élaboré plusieurs thèses expliquant l’origine des crises au travers d’une analyse en termes de cycles (Kondratiev, Juglar, Jevons…). Cela implique que toutes les crises ne seraient en réalité que des étapes, des phases de chaque cycle, mettant un terme à une période d’expansion et marquant le début d’une période de dépression. Par conséquent, toute crise résulterait du caractère cyclique des économies. 

En outre, certains économistes considèrent que les crises présentent des manifestations identiques. Juglar (Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États-Unis, 1862) utilise des référents monétaires, tandis que Kondratiev (Les Grands cycles de la conjoncture, 1926) s’intéresse aux mouvements pluridécennaux des prix. Pour sa part, Kitchin (1923) considère que l’évolution des stocks des entreprises indique si une crise est proche ou non. 

L’ensemble de ces analyses sous-entend que toutes les crises présentent de nombreux points communs qui devraient par conséquent être caractéristiques des trois grandes crises.

Manifestations historiques et empiriques

Ralentissement de l’activité économique

Les trois grandes crises économiques du XIXᵉ siècle et du XXᵉ siècle ont présenté des manifestations empiriques et historiques similaires. Tout d’abord, ces crises se sont caractérisées par un ralentissement significatif de l’activité économique

Pendant la Grande Dépression, la croissance industrielle a été brusquement interrompue et le secteur agricole durement touché par une véritable dépression. L’effondrement de la production agricole a entraîné une augmentation considérable des importations de produits agricoles. 10 % en 1875 et 20 % en 1890 pour les importations de blé, qui étaient auparavant seulement à 0,3 % de la production en 1860.

De même, lors des années 1930, l’entrée dans la crise a été marquée par une chute brutale de la production industrielle, qui a enregistré une baisse de 17 % entre septembre 1931 et avril 1932.

Malgré les mesures gouvernementales très importantes mises en place au moment de la crise de 2008, les principales économies mondiales ont connu une baisse significative de leur activité économique. La zone euro a vu son PIB réel baisser de 4,5 % en 2009 (dont 5,7 % pour l’Allemagne).

D’une manière générale, le ralentissement de l’activité économique est accentué par le recul de l’investissement, qui aggrave et prolonge la crise.

Augmentation du chômage

Un autre aspect majeur des trois grandes crises économiques a été l’augmentation du chômage, étroitement liée à la dépression et en étant une conséquence directe.

De 1873 à 1896, la volonté de maîtriser les coûts de production pour les entreprises afin de rester compétitives dans le cadre d’une période de déflation pouvait parfois les conduire à licencier, même si le chômage demeure limité à la fin XIX siècle, car l’industrialisation est en cours, créant au même moment de nombreux emplois.

Au cours des années 1930, le chômage a fortement augmenté et on recense plus de 500 000 chômeurs « complets » en France. D’autant plus que le nombre d’emplois a reculé de 1 800 000 au total. À cela s’ajoutait le développement du chômage partiel, devenant de plus en plus important à cette période. Aux États-Unis, le chômage est passé de 8 millions en 1931 à 12 millions en 1933, représentant le quart de la population active.

Au moment de la crise des subprimes, le chômage est devenu l’un des principaux indicateurs de la crise. Il a augmenté rapidement et durablement. Le taux de chômage moyen de la zone euro est ainsi passé de 7,3 % fin 2007 à 12,3 % en 2013. Aux États-Unis, l’augmentation a aussi été brutale (évolution de 4,7 % en 2007 à 10 % en octobre 2009).

Facteurs annexes

Dominique Plihon, dans son article intitulé « Peut-on comparer les grandes crises de 1873, 1929 et 2008 ? » (2013), identifie plusieurs « marqueurs » qui caractérisent ces trois crises systémiques :

  • la prégnance du libéralisme économique : cela se traduit notamment par la libéralisation croissante des échanges commerciaux et des flux de capitaux. Cette ouverture économique peut avoir pour effet d’accentuer les déséquilibres extérieurs, rendant les économies plus vulnérables aux chocs externes ;
  • l’irruption de « pays neufs », à savoir des concurrents. Par exemple, pour la crise de 1873, l’Amérique du Nord et l’Australie ont été l’un des facteurs de la dépression prolongée, du fait de leur développement dans le secteur agricole, alors stratégique ;
  • l’excès d’investissements et de productions.

Les différences

Les trois grandes crises présentent des origines multiples et en partie différentes

Plusieurs causes spécifiques sont à l’origine de la Grande Dépression

La guerre franco-prussienne a contribué à la crise, en amputant le territoire français de départements fortement industrialisés et riches en ressources minières. La dépression agricole (crise viticole à la suite des ravages causés par le phylloxéra, crise céréalière liée à la baisse des prix, manque de compétitivité en raison d’une productivité et d’une modernisation insuffisantes…) a été un facteur décisif dans le déclenchement de la crise. S’ajoute à cela le déclin démographique, accentuant le vieillissement démographique, et qui a accru la rigidité des structures de l’économie.

La crise de 1929 a débuté en raison de déséquilibres liés à l’investissement

Après la fin de la période de reconstruction, les investissements se sont principalement orientés vers des projets capitalistiques, entraînant une baisse des embauches et aggravant ainsi le problème d’insuffisance de la demande lié au vieillissement de la population, au faible pouvoir d’achat de la paysannerie, à la faiblesse de la protection sociale et des salaires. Un autre facteur spécifique ayant contribué à cette crise a été l’excès de spéculation associé à un accès facile au crédit.

La crise des subprimes trouve ses racines dans une combinaison complexe de facteurs

Tout a commencé avec la montée en puissance du marché des prêts hypothécaires à risque, également appelés « subprimes », aux États-Unis. Les institutions financières, encouragées par la forte demande de ces titres hypothécaires, ont créé des produits financiers complexes et opaques tels que les CDO (Collateralized Debt Obligations) et les CDS (Credit Default Swaps), qui étaient liés à ces prêts risqués.

La spéculation s’est intensifiée lorsque ces produits ont été négociés et revendus à grande échelle sur les marchés financiers mondiaux. Cependant, lorsque la bulle immobilière a éclaté et que de nombreux emprunteurs ont été incapables de rembourser leurs prêts, les produits financiers liés à ces prêts se sont effondrés, entraînant une crise financière globale d’une ampleur sans précédent. La spéculation excessive et le manque de réglementation adéquate ont été des facteurs déterminants dans la propagation rapide de la crise des subprimes à l’échelle internationale.

Les trois grandes crises ont eu des manifestations et des conséquences différentes

Les trois crises, en 1873, 1929 et 2008, ont eu des conséquences économiques durables mais différentes. La crise de 1873 a été suivie d’une dépression prolongée, avec des périodes de reprise économique inégales entre les pays touchés, étendant ainsi ses effets sur plusieurs années.

La crise de 1929 a été l’une des pires crises économiques du XXᵉ siècle, caractérisée par une chute dramatique de la production économique, une augmentation du chômage et des faillites bancaires. Cette dépression a duré environ une décennie.

En revanche, la crise de 2008 a donné lieu à une récession mondiale profonde, mais grâce aux mesures de relance économique, la reprise a été plus rapide qu’après la crise de 1929. 

En somme, bien que ces trois grandes crises partagent certaines similitudes, leurs particularités et leurs effets distincts en font des périodes économiques uniques et dignes d’études approfondies pour mieux comprendre les mécanismes et les réponses à ces crises.