L’Union européenne des paiements (UEP), active de 1950 à 1958, était un mécanisme de compensation multilatérale entre les pays européens, créé sous l’égide de l’OCDE. Elle visait à pallier la rareté des devises fortes, comme le dollar, à faciliter les échanges commerciaux intraeuropéens et à encourager la reconstruction économique après la Seconde Guerre mondiale. En permettant de régler les soldes commerciaux grâce à un système de crédits et de compensations, elle a jeté les bases de la future intégration économique européenne et favorisé la transition vers la convertibilité des monnaies.
Les premiers pas d’une coopération monétaire européenne
La coopération monétaire entre les pays européens depuis 1945 est un signe très important de la volonté d’une meilleure intégration économique. Mais il nous faut noter que la marche vers l’union monétaire a été lente et non linéaire. Plusieurs étapes marquent le passage de la coopération à l’intégration monétaire.
On distingue quatre étapes dans la coopération monétaire. Nous détaillerons ici la première étape de ce processus qui est l’Union européenne des paiements (1950-1958). L’UEP facilite le développement des échanges commerciaux entre les pays européens dont les monnaies ne sont pas convertibles entre elles, premier pas vers la situation que nous connaissons de nos jours.
La situation avant 1950
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les monnaies sont non convertibles entre elles et les échanges limités. De plus, les échanges commerciaux entre pays européens sont enfermés dans le cadre rigide des accords bilatéraux avant 1950. Ainsi, les pays européens s’organisent pour avoir des échanges équilibrés et pas de déficit commercial.
De fait, en 1948, un accord de compensation est signé par les pays de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique) nouvellement créée. Cet accord vise la répartition de l’aide Marshall (1947) et stimule fortement les échanges intraeuropéens, car il est possible pour les pays signataires d’avoir des déficits/excédents entre eux, qui seront comblés en puisant dans l’aide Marshall en dollars pour restaurer les soldes des balances des transactions courantes. Les dettes nettes sont réglées avec les dollars de l’aide.
Notons que, dès la fin 1949, les échanges commerciaux intraeuropéens dépassent leur niveau d’avant-guerre, contre 70 % de ce niveau à peine début 1948.
La création de l’UEP le 7 juillet 1950
Cette date marque un renforcement de la coopération, ou une nouvelle étape vers le multilatéralisme en Europe.
L’UEP est un organisme de compensation multilatéral des dettes et des créances entre les pays européens. En effet, chaque mois, la Banque des règlements internationaux (BRI) consolide les soldes débiteurs et créditeurs des pays de l’Union européenne des paiements. Les déficits commerciaux sont mutualisés et seul le solde net après consolidation fait l’objet d’un paiement. De facto, cet organisme permet de faire face à la pénurie de dollars.
De plus, ce paiement n’est que partiel. Au sein de l’UEP, chaque pays dispose d’un quota de crédits équivalent au maximum à 15 % du volume du commerce effectué avec les pays membres. Exemple : une transaction de 1 000 et un quota de crédit de 150. Ce quota est divisé en cinq tranches de 20 %, et plus le solde est élevé et atteint les différentes tranches (voire plus si le solde net dépasse les 15 %), plus le pays doit payer.
Par exemple :
Tranches | Quota de crédit = 150 | Crédit | Paiement en dollars ou en or |
1 | 30 | 30 | 0 |
2 | 30 | 80 % : 24 (80 % de 30) | 20 % : 6 |
3 | 30 | 60 % : 18 | 40 % : 12 |
4 | 30 | 40 % : 12 | 60 % : 18 |
5 | 30 | 20 % : 6 | 80 % : 24 |
Le but est d’équilibrer les échanges pour économiser les dollars (rares à cette époque du dollar gap). Cela suppose que les pays avec un solde de la balance des transactions courantes excédentaires acceptent de faire crédit aux autres.
L’évolution de l’UEP jusqu’en 1958
Pour qu’un tel système fonctionne, la confiance entre les pays membres est impérative. Ils doivent avoir confiance en la capacité des autres pays à les rembourser en cas de déficit. L’UEP se dote donc d’un capital de 300 M$ qui fait office de garantie pour assurer cette confiance. Cet accord va ainsi stimuler les échanges. Mais, dans les 1950, les déséquilibres commerciaux s’amplifient : l’Allemagne est, par exemple, en excédent alors que l’Italie est en déficit. Malgré cela, les pays restent solidaires et le système tient.
En 1954, le mécanisme de règlement des soldes devient plus rigoureux : la part des paiements en or ou en dollars augmente. En juillet 1955, l’AME (Accord monétaire européen) est signé : il prévoit l’après UEP et l’entrée pleine et entière des pays européens dans le système de Bretton Woods et le retour des convertibilités européennes. Il vise à faciliter l’application des principes de Bretton Woods et à anticiper les éventuels problèmes à venir concernant la défense de la parité. Les pays doivent défendre la valeur de leur monnaie par rapport à la parité officielle du dollar décidée à Bretton Woods. Ils créent un fonds européen qui accorde des crédits à court terme (< 2 ans) aux pays gravement déficitaires, qui ne peuvent donc pas défendre leur parité officielle.
Avant de demander de l’aide au FMI, les pays européens peuvent demander de l’aide à l’échelle régionale. Ce fonds est un mini FMI européen. Pour obtenir ces crédits, il faut en faire la demande et c’est le comité de direction de l’AME qui prend la décision et, en dernier recours, c’est le conseil de l’OECE (qui devient OCDE en 1961). L’UEP prend fin en 1958, lorsque la convertibilité des monnaies des États membres avec le dollar fut rétablie.
En bref…
L’Union européenne des paiements a joué un rôle crucial dans la reconstruction économique et la coopération monétaire en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce mécanisme novateur a non seulement permis de contourner la pénurie de dollars grâce à un système de compensation multilatérale, mais il a également posé les bases d’une intégration économique plus profonde.
En instaurant des principes de solidarité et de confiance entre les États membres, l’UEP a favorisé la transition vers la convertibilité des monnaies européennes et préparé le terrain pour les futures initiatives d’intégration monétaire, comme le système monétaire européen. La fin de l’UEP en 1958 marque ainsi une étape décisive dans l’évolution vers une Europe plus intégrée économiquement.