rente

C’est un sujet d’oral classique, qui peut tomber en khôlle ou aux oraux de concours. Cela est d’autant plus vrai que ces questions ont pris une place centrale dans les débats publics ces dernières années (réforme des retraites, baisse de la démographique en France, « réarmement démographique »). Cet article te donnera des éléments de réponse concrets, permettant de t’en sortir confortablement sur ce sujet.

Les effets du vieillissement de la population sont contradictoires

A) Cela ne semble pas mettre en péril la productivité 

Les effets du vieillissement de la population active sur la productivité présentent une certaine ambivalence. D’une part, il semble que le vieillissement n’ait pas un effet pénalisant sur la productivité. La question de savoir si la productivité diminue avec l’âge, et donc si le vieillissement de la population active entraîne une diminution significative de la productivité moyenne, dépend largement de plusieurs facteurs. Concernant la productivité individuelle, il apparaît que celle-ci ne diminue que légèrement avec l’âge. Cependant, il est important de noter que la mesure de la productivité par classes d’âge est complexe, principalement en raison des différences liées au niveau de formation. En effet, les travailleurs plus jeunes ont généralement bénéficié d’une formation plus poussée. Ce qui peut biaiser l’analyse du lien entre l’âge et la productivité.

Des travaux économiques, notamment ceux de Jacques Pelletan et Alain Villemeur (Productivité dans une économie vieillissante, quels enseignements tirer de la littérature ?, 2012), révèlent que la productivité continue de croître jusqu’à environ 50 ans, puis peut diminuer selon le métier exercé. Malgré cela, la productivité des travailleurs plus âgés reste souvent supérieure à celle des plus jeunes de moins de 30 ans. De plus, les compétences variées des travailleurs seniors, telles que la stratégie et le management, ne peuvent être pleinement mesurées par la productivité seule. Bien qu’elles soient très utiles dans le milieu professionnel.

Il est intéressant de noter que le pic de productivité se déplace vers des âges plus avancés à mesure que l’espérance de vie augmente. Alors qu’il se situait autour de 30 ans lorsque l’espérance de vie était d’environ 50 ans, il se trouve désormais entre 40 et 50 ans.

Bien que la capacité de travail physique diminue avec l’âge, l’expérience professionnelle et personnelle augmente. Même si les réflexes, l’apprentissage rapide et la résolution rapide des problèmes peuvent connaître un déclin avec l’âge (notamment atténué par un niveau initial de formation élevé), la capacité à élaborer des stratégies tend à augmenter.

B) Toutefois, il est clair que le vieillissement démographique a un impact sur le coût du travail et la main-d’œuvre disponible

Pénurie de population active

Dans les économies proches du plein emploi, ce phénomène peut conduire à une pénurie de main-d’œuvre, comme observé au Japon. La contraction de la population active a un impact négatif sur la croissance potentielle, avec une offre d’emploi excédant largement le nombre de chômeurs (1,57 offre d’emploi par chômeur à la fin de 2019). L’effet négatif du vieillissement sur la croissance est estimé à –0,8 % par an.

Toutefois, des mesures correctives sont envisageables, notamment en augmentant le taux d’emploi des femmes. Dans les années 2010, le gouvernement de Shinzo Abe a lancé des politiques connues sous le nom de « womenomics », visant à promouvoir l’égalité professionnelle entre les sexes et à encourager la natalité en augmentant le nombre de crèches. Parallèlement, il a encouragé l’emploi des personnes âgées après la retraite, souvent à des salaires réduits, compte tenu du taux de pauvreté élevé dans cette tranche d’âge.

Malgré ces efforts, le Japon a traditionnellement évité de recourir à l’immigration en raison de considérations culturelles et politiques. Bien que le gouvernement ait légèrement assoupli cette position en 2019 en permettant l’immigration limitée (jusqu’à 400 000 personnes maximum) pour des activités spécifiques telles que la construction, la restauration et les soins aux personnes âgées, ces initiatives ont été jugées insignifiantes par les économistes en termes d’impact réel.

En réponse à ceux qui considèrent le vieillissement de la population comme une menace pour la croissance, de nombreux économistes soulignent que la croissance est principalement tirée par le progrès technologique plutôt que par la démographie. Ainsi, pour accroître la productivité et compenser la baisse de la population active, le Japon mise fortement sur la robotique pour automatiser un large éventail d’activités.

Concernant l’Allemagne, d’ici à 2040, plus de 20 millions d’Allemands prendront leur retraite, tandis que seuls 14 millions de jeunes entreront sur le marché du travail en Allemagne. Cependant, grâce à une politique familiale proactive instaurée pendant le premier mandat de Merkel, comprenant le salaire parental et l’expansion des places en crèche, ainsi que la forte augmentation de l’immigration depuis 2009, l’indice de fécondité (ICF) est passé de 1,36 en 2009 à 1,57 en 2017.

Une étude de la Fondation Bertelsmann indique que pour maintenir son économie, l’Allemagne devra attirer au moins 260 000 immigrants par an jusqu’en 2060, dont 150 000 en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne. Malgré l’opposition de plusieurs partis, dont l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), une loi facilitant l’immigration de travailleurs qualifiés en provenance de pays tiers est entrée en vigueur au début de l’année 2020.

Augmentation du coût salarial unitaire

Pour rappel, le coût salarial unitaire est le rapport entre le salaire horaire, divisé par la productivité horaire.

Le vieillissement de la population active soulève des préoccupations quant à son impact sur le coût salarial unitaire. En effet, les salaires augmentent significativement avec l’âge. Ce qui peut être particulièrement préjudiciable pour les seniors sur le marché du travail, notamment pour ceux âgés de 55 ans et plus (où l’on est considéré senior en entreprise dès l’âge de 45 ans).

Cette tendance est particulièrement marquée en France, comme en témoigne le taux d’emploi des 55-64 ans, qui s’élevait à seulement 52,3 % en 2018, contre 58,7 % en moyenne dans l’Union européenne et 71,4 % en Allemagne. Bien que le taux de chômage des seniors soit inférieur à la moyenne, la durée du chômage est généralement beaucoup plus longue et les perspectives de retrouver un emploi sont minces. Au cours de la vie active, les salaires ont tendance à augmenter plus rapidement que la productivité en raison de l’effet de l’ancienneté. Ce qui se traduit par une hausse du coût unitaire du travail pour les entreprises.

Les effets du vieillissement impactent-ils la capacité d’innovation ?

Des recherches indiquent qu’au-delà d’un certain âge, la capacité d’innovation tend à diminuer et suit une courbe en cloche tout au long du cycle de vie. Cependant, au cours du dernier siècle, l’âge optimal pour l’innovation a reculé. Il est important de noter que la capacité d’une société à innover ne se résume pas à la somme des capacités individuelles. Par conséquent, les études économétriques ne parviennent pas à trancher la question des effets du vieillissement démographique sur la capacité globale d’innovation d’une société.

Les résultats sont plus clairs en ce qui concerne le processus de diffusion de l’innovation (différent du processus d’innovation en soi). Selon Beaudry et Green (2002), les pays à forte croissance démographique diffusent plus rapidement les nouvelles technologies. Cette rapidité de diffusion est favorisée par un grand nombre de jeunes entrant sur le marché du travail et maîtrisant les nouvelles technologies.

Ainsi, il existe une préoccupation concernant le processus de diffusion de l’innovation lorsque les cohortes de jeunes entrant sur le marché du travail diminuent en raison du vieillissement démographique. Même si cette préoccupation peut être partiellement atténuée dans un contexte d’augmentation du niveau d’éducation.

Quel impact sur l’épargne et la consommation ?

Sur l’épargne

L’âge a un impact significatif sur la consommation et l’épargne, selon le modèle de Modigliani, comme expliqué dans la macroéconomie de la consommation. Le taux d’épargne des ménages est étroitement lié à la répartition par âges de la population. Et le vieillissement de la population devrait normalement conduire à une réduction de l’épargne.

Un exemple illustratif est le cas du Japon, qui a longtemps affiché le taux d’épargne le plus élevé parmi les pays avancés. En 1975, l’épargne des ménages représentait 23 % de leur revenu disponible brut (RDB). Cependant, ce taux a connu une baisse significative et pratiquement continue par la suite, principalement en raison du vieillissement rapide de la population. Bien qu’il soit encore d’environ 15 % dans les années 1980, il a rapidement chuté pour atteindre l’un des niveaux les plus bas parmi les pays avancés, devenant même négatif en 2013.

Sur la consommation : l’arrivée de la silver economy ?

Le vieillissement de la population entraîne une transformation significative de la structure de la consommation, avec un impact croissant des catégories âgées sur les dépenses de biens et services. Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), en 2010, les plus de 50 ans représentent un poids croissant dans les dépenses de consommation, dépassant même leur part démographique. Le marché des seniors joue un rôle prépondérant dans les secteurs tels que l’alimentation à domicile, la santé, les assurances, l’équipement du foyer, les loisirs et les nouvelles technologies.

Cette évolution dans la consommation offre des opportunités pour le développement d’activités innovantes. Selon Luc Boussy, dans son rapport « L’adaptation de la société au vieillissement de la population. France : année zéro ! » (2013), le vieillissement de la population peut être un levier de croissance et de création d’emplois. Notamment dans les secteurs du logement, de la technologie, de la grande consommation, des services à la personne et des produits d’épargne. Ce concept est souvent appelé silver economy, mettant en avant les retombées économiques positives du vieillissement.

Cependant, évaluer précisément les retombées économiques de ce marché diversifié reste complexe. La création d’emplois, souvent citée comme un avantage, se concentre principalement dans les services d’aide à la personne, avec des emplois peu qualifiés et peu rémunérés, ce qui peut limiter leur attractivité.