ajustement

Les politiques d’ajustement structurel (PAS) ont été créées dans le contexte de la crise économique des années 1970 et 1980, lorsque de nombreux pays en développement ont rencontré des difficultés économiques graves, notamment des problèmes de balance des paiements et de dette extérieure. Ces politiques ont été largement promues et mises en œuvre par des institutions internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Nous allons voir dans cet article tout ce que tu dois savoir sur ces PAS, de leur création à leurs limites.

Les politiques d’ajustement structurel en détail

Origines

À l’origine, ces mesures étaient des réponses ponctuelles émises par le FMI pour assurer le remboursement des prêts. Ce processus a commencé de manière improvisée en 1982 mais, avec le temps, il est devenu progressivement un modèle de développement. Pendant les années 1980, il y a eu un changement radical dans la façon dont le développement était envisagé.

Face aux problèmes découlant de mauvaises décisions prises par les PED, il est apparu nécessaire pour eux d’adopter un nouveau modèle de développement libéral, souvent appelé le « consensus de Washington ». Cela impliquait la recherche d’une stabilité macroéconomique ainsi que l’ouverture et la libéralisation des marchés intérieurs. En d’autres termes, les institutions comme le FMI et la Banque mondiale contraignaient le financement des PED à la mise en place de certaines mesures restrictives.

Le FMI et la Banque mondiale ont en effet commencé à accorder de nouveaux prêts aux PED, mais sous condition de mettre en œuvre ces politiques d’ajustement structurel. Cela a créé un cycle où les PED continuaient à s’endetter davantage. Le plan Brady de 1989 illustre bien cette dynamique. Ce dernier proposait d’échanger des réformes libérales, telles que l’instauration d’une économie de marché, contre des ajustements de leur dette, notamment le rachat d’une partie de celle-ci.

Cela a également permis aux institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, de transformer fondamentalement le système de financement international. Passant d’un endettement auprès des banques (intermédiation de bilan) à un financement par le marché financier.

Modalités

La mise en œuvre de ces plans d’ajustement structurel s’est caractérisée par une normalisation très marquée des stratégies de développement. Les pays ont été contraints d’appliquer ces mêmes politiques. Ce qui a conduit à une homogénéisation des approches économiques et politiques dans de nombreux pays en développement.

Les contraintes souvent appliquées aux PED sont les suivantes :

  • Discipline budgétaire. Les PED doivent maintenir des déficits budgétaires limités pour éviter l’inflation et l’endettement public excessif. Ce qui peut conduire à des crises monétaires et à une perte de confiance des investisseurs internationaux.
  • Libéralisation des échanges. Les barrières au commerce international doivent être supprimées pour favoriser la libre circulation des biens et des services.
  • Réorientation des dépenses publiques. Les PED sont encouragés à réorienter leurs dépenses publiques vers des secteurs tels que l’éducation et la santé, dans le but de réduire les inégalités sociales et d’optimiser l’efficacité des dépenses gouvernementales.
  • Libéralisation financière. Les taux d’intérêt doivent être déterminés par les marchés financiers. Ce qui implique une plus grande ouverture et une régulation réduite du secteur financier.
  • Ouverture aux capitaux et aux investissements étrangers. Les PED sont encouragés à attirer les investissements étrangers pour bénéficier des compétences et des ressources technologiques des entreprises étrangères.
  • Privatisation des entreprises publiques. Les entreprises publiques doivent être privatisées afin d’accroître la concurrence et l’efficacité économique. Les recettes de la privatisation peuvent également être utilisées pour réduire l’endettement public.
  • Dérégulation des marchés. Les barrières à l’entrée et à la sortie sur les marchés des biens et des capitaux doivent être abolies pour favoriser la concurrence et stimuler l’efficacité économique.
  • Réformes fiscales et garantie des droits de propriété. Les réformes fiscales visent à rendre les systèmes fiscaux plus efficaces et équitables, tandis que la garantie des droits de propriété vise à renforcer la sécurité juridique des investissements.

Un fonctionnement qui a été beaucoup critiqué

Deux types de critiques ont émergé à l’égard des politiques d’ajustement structurel.

Sur le plan politique, la perte de souveraineté des pays est déplorée, les contraignant à une tutelle économique. Les politiques d’ajustement structurel sont souvent imposées plutôt que négociées. Ce qui a alimenté le mécontentement de la population envers ces politiques.

Sur le plan économique, les critiques pointent du doigt l’application uniforme d’un modèle de développement sans tenir compte des spécificités de chaque pays. Il s’agit d’une approche normative qui impose le même plan à tous, indépendamment de leurs contextes économiques et sociaux. Cette approche renoue avec une vision occidentalocentriste du développement.

Joseph Stiglitz, économiste en chef de la Banque mondiale dans les années 1990, a fortement critiqué ce modèle dans son livre La Grande désillusion publié en 2002. Il remet en question l’idée d’un modèle de développement généralisable, dénonçant les « thérapies de choc » imposées à tous les pays, sans considération de leurs spécificités économiques et sociales. Il souligne également que l’expression « consensus de Washington » est inappropriée, préférant parler de politiques d’ajustement structurel.

Des résultats peu satisfaisants ?

À partir de 1983, les PAS sont devenues la norme pour les pays endettés, principalement en Amérique latine et en Afrique. Elles ont été mises en œuvre de manière beaucoup plus approfondie et systématique que dans les pays asiatiques.

Cependant, les résultats obtenus ont été sujets à débat et souvent jugés décevants. Le seul succès notable est celui des pays asiatiques (Corée du Sud, Thaïlande…) dans les années 1980, mais qui sera l’une des causes principales de la crise financière des pays asiatiques.

Des résultats en demi-teinte en Amérique latine

Jacques de Larosière, directeur général du FMI de 1978 à 1987, puis gouverneur de la Banque de France de 1987 à 1993, a dressé un bilan des PAS en Amérique latine en 2001.

  • Succès en matière de désinflation. Les taux d’inflation ont considérablement diminué dans la région. Par exemple, le Mexique a réussi à réduire son inflation annuelle moyenne de 64 % dans les années 1982-1991 à moins de 10 % au tournant du millénaire. De même, le Brésil a vu son taux d’inflation passer de plusieurs milliers de pour cent à seulement 6 % en 2000.
  • Amélioration des finances publiques. Les déficits publics en pourcentage du PIB ont été considérablement réduits dans toute l’Amérique latine. En 1993, le déficit public représentait 40 % du PIB, alors qu’entre 1996 et 2000, il était compris entre 3 et 4 % du PIB.
  • Croissance économique. La croissance économique en Amérique latine a été plus forte dans les années 1990, bien que le niveau de vie par habitant ait diminué dans les années 1980, mais augmenté dans les années 1990.

Toutefois, des limites persistent : 

  • Poids persistant de la dette publique. Malgré ces améliorations, le fardeau de la dette publique reste élevé à cause du niveau élevé de l’endettement antérieur et de l’augmentation des taux d’intérêt. Les pays ont réussi à faire face au service de la dette grâce aux privatisations et à la réduction des dépenses publiques liées à l’investissement.
  • Déficit extérieur insoutenable. Le déficit extérieur des pays latino-américains tend à devenir insoutenable, avec des importations croissant plus rapidement que les exportations.

Les années 1980 sont souvent qualifiées de « décennie perdue » par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL). Les classes moyennes ont été appauvries et les plus pauvres ont sombré dans la misère. Des émeutes ont éclaté en réaction à l’augmentation des prix résultant de la libéralisation des prix, souvent qualifiées « d’émeutes FMI ». Les inégalités se sont accentuées jusqu’au milieu des années 1990. 

De plus, certaines économies latino-américaines ont vu leurs structures productives se transformer, avec un retour partiel à la spécialisation dans les produits primaires. Notamment au Chili et en Argentine sous Menem (1989-1999). Le Brésil a favorisé la désubstitution des importations, en encourageant l’importation de segments de production auparavant produits localement. Le Mexique a cherché à développer les exportations de produits manufacturés à faible valeur ajoutée, notamment par le biais des maquiladoras, mais cela n’a pas eu d’effets d’entraînement significatifs sur l’économie mexicaine.

En Afrique, les PAS ont été un échec

Le FMI intervient pour refinancer des économies en difficulté, souvent après que les banques occidentales se sont retirées. Dans ces situations, seules les organisations internationales acceptent de fournir un refinancement. Ces économies, souvent dépendantes des exportations de matières premières, ont été durement touchées par la baisse des prix de ces produits. Ce qui a eu un impact significatif sur leurs finances. 

Le FMI et la Banque mondiale imposent des mesures drastiques dans le cadre de ces PAS, parfois nécessaires mais souvent coûteuses sur le plan budgétaire en matière d’éducation et de santé. Ces mesures se traduisent par une aggravation de la pauvreté, car les fonds sont affectés au remboursement de la dette plutôt qu’au développement des infrastructures et des services sociaux.

Cependant, ces politiques d’ajustement ne génèrent pas toujours la croissance économique escomptée. Au contraire, elles entraînent souvent une baisse du niveau de vie. Par exemple, entre 1980 et 1989, le PIB par habitant a connu une croissance annuelle moyenne de –0,8 % en Afrique subsaharienne et, dans les années 1990, cette croissance a été de seulement 0,7 %. Cette détérioration des conditions de vie a conduit à des manifestations et des émeutes contre le FMI, les gouvernements étant souvent tenus responsables de la situation.

Globalement, les PAS ont échoué en matière de développement, malgré quelques succès relatifs dans le rétablissement des finances publiques. Elles ont conduit à une baisse du niveau de vie, une augmentation du chômage, une économie informelle importante et une détérioration des services sociaux, résultant en une crise sociale généralisée.