Le Chili vit en ce moment de gros moments de tensions sociales. Tu n’as pas vraiment suivi l’affaire ? Pas de panique, le résumé qui suit reprend les différentes étapes qui ont marqué ces tensions. Bonne lecture.
Explications et bilan
18 octobre : début de la crise sociale au Chili, déclenchée par une hausse du ticket de métro à Santiago. C’est une crise inédite depuis la fin de la dictature.
Trois mois plus tard, le pays, qui était l’un des plus stables du continent, est considérablement affaibli et les inégalités socioéconomiques ne cessent d’être mises sur le devant de la scène. Les Chiliens réclament une réforme du modèle ultralibéral chilien concernant notamment le système de retraite et dénoncent les frais de santé et d’éducation qui les poussent bien souvent à l’endettement. Une révision de la Constitution est aussi largement demandée.
Les institutions doivent faire face à une crise sociale sans précédent et la cote de popularité de Sebastian Piñera, le président conservateur depuis 2018 pour son second mandat, a dégringolé jusqu’à atteindre 6 %. Un record historique depuis 1990 et le retour de la démocratie.
Le prix du ticket de métro a été le déclencheur de contestations bien plus larges et profondes. En effet, le gouvernement a augmenté le prix de 30 pesos aux heures de pointe, le ticket coûtant désormais 830 pesos. Ce prix avait déjà subi une hausse en janvier dernier. Cette dernière augmentation a été annulée, mais les manifestations continuent à travers le pays avec un épicentre à Santiago et s’organisent grâce aux réseaux sociaux.
Bilan actuel des trois mois du mouvement : 29 morts, dont cinq après l’intervention des forces de l’ordre, et plus de 2 000 blessés, dont de nombreuses blessures oculaires. C’est la violence qui est tristement le leitmotiv de cette manifestation et qui n’a cessé de croître : de nombreux policiers ont été inculpés pour actes de torture et les morts présumées liées aux forces de l’ordre font l’objet d’enquêtes judiciaires.
Les carabiniers chiliens sont en première ligne de mire des manifestants : cette institution militaro-policière joue un rôle essentiel dans les opérations de maintien de l’ordre depuis le début des tensions et leur rôle est vivement critiqué par les associations de défense des droits de l’homme, jugeant un usage excessif de la force. Des émeutiers ont incendié « l’église des carabiniers » le 3 janvier.
De plus, on estime qu’au moins 329 monuments publics, dont des sculptures, héritage d’une histoire et d’une mémoire collective, ont été vandalisés depuis le début du mouvement.
60 % des Chiliens continuent tout de même à soutenir le mouvement bien que le gouvernement ait fait de nombreuses concessions depuis le début : le 23 octobre, après un début de crise que Sebastian Piñera était loin d’anticiper, il esquisse un virage social avec une augmentation de 50 % du minimum retraite ainsi que le gel des tarifs de l’électricité, afin de calmer les rassemblements… Réussite mitigée. Les manifestants ont passé le réveillon sur la Plaza Italia, place où ils ont l’habitude de se réunir. Le 15 janvier, le président a annoncé que les employeurs devraient cotiser pour la retraite de leurs salariés.
Conséquences pour le pays : la crise a affecté la monnaie chilienne et le peso a atteint sa plus faible valeur depuis 2003 (749 pesos pour 1 dollar). Le sommet de l’APEC et la COP25, qui devaient avoir lieu à Santiago en novembre et décembre, ont eux été délocalisés.
Conclusion
En bref, Sebastian Piñera exclut fermement la possibilité de démissionner et souhaite respecter son engagement et ses devoirs envers le peuple chilien. Il se dit ouvert aux négociations, n’excluant pas la modification de la Constitution, héritée de la dictature : un référendum aura lieu le 26 avril.
Le maintien de l’ordre au Chili se différencie donc peu des solutions adoptées dans d’autres pays d’Amérique latine lors des mobilisations sociales : le célèbre juge Garzón estime dans une interview que les droits de l’homme ont été systématiquement violés lors des manifestations récentes qui ont secoué la Colombie, l’Équateur, la Bolivie et le Chili inclus.
Vocabulaire
- Carabiniers = carabineros
- Droits de l’homme = DDHH
- Manifestants = manifestantes
- Démissionner = renunciar
- Émeutes = disturbios
- Blessures oculaires = heridas/lesiones oculares
- Gel (des tarifs) = congelación
- Ticket de métro = boleto
- Envers = para con
- Affaibli = debilitado