En vue des concours, il est important de suivre de près l’actualité, surtout en période sans cours (ou… vacances). Actualité brûlante oblige, nous ne pouvons pas passer à côté du récent refus du droit à l’avortement en Argentine. Voici donc une petite synthèse des derniers événements, quelques chiffres pour peaufiner ton argumentaire sur la question, et, pompon sur le gâteau*, une carte résumant la législation de chaque pays latino-américain.
¿ Qué pasó ?
– 1er mars 2018 : Mauricio Macri autorise le débat sur la question de l’avortement malgré son avis personnel ;
– 5 mars : 7ème présentation du projet de loi en faveur de l’IVG devant la Chambre des Députés ;
– 10 avril : ouverture du débat au Parlement ;
– 14 juin : vote des députés favorable au projet de loi : 129 pour – 125 contre ;
– 9 août : vote du Sénat défavorable au projet de loi : 31 pour – 38 contre.
Les foulards verts : pro-choix
Le mouvement qui soutient le projet de loi s’articule autour d’une sorte d’alliance : Campaña Nacional por el Derecho al Aborto Legal, Seguro y Gratuito (Campagne Nationale pour le Droit d’Avortement Légal, Sûr et Gratuit). Cette organisation, créée le 28 mai 2005, regroupe plus de 300 ONG ou représentants des droits de l’Homme. Leur slogan : « éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir ». Après avoir présenté pour la 7ème fois consécutive le projet de loi, le collectif (pas métissé, navré) se félicite des progrès effectués. C’est, en effet, la première fois que la question de l’avortement est débattue au Parlement depuis le retour de la démocratie en 1983. Mais, quels sont les arguments avancés ?
Pour faire simple et court, deux arguments sont arborés :
– c’est, d’abord, une lutte pour la liberté, pour le choix. Chacune devrait pouvoir disposer de son corps librement, c’est-à-dire, sans contrainte morale ou légale.
– c’est, également, une question de santé publique. Les vies de nombreuses femmes, obligées d’avorter clandestinement faute de moyens, sont en jeu.
Les foulards bleu ciel : pro-vie
Des milliers d’Argentins se sont mobilisés contre le projet de loi dans les rues de Buenos Aires. C’est, en effet, à l’appel de l’Église et des évangélistes que ces manifestants ont répondu le 9 août. Le débat est ainsi fortement influencé puisque plus de 90 % de la population se revendique catholique. Le camp pro-vie défend, comme il le dit, la vie de la mère et de l’enfant. Le fœtus serait un être humain à part entière dès le début de la grossesse et, comme l’indique la Constitution, avorter serait un « crime contre la vie ».
Une opposition pure et dure ?
Aujourd’hui, l’avortement est autorisé en cas de viol, de risques pour la vie de la mère ou du fœtus ou de maladies mentales. On a pu voir que les deux foulards défendaient une position bien différente. Cependant, la réalité n’est pas si manichéenne. Deux exemples :
- Mauricio Macri, comme tu as pu le voir un peu plus haut, est opposé au projet de loi mais a, toutefois, accepté d’ouvrir le débat au Parlement.
- Cristina Kirchner, ancienne présidente et fermement opposée à la légalisation de l’avortement, a voté en faveur du projet de loi jeudi dernier. Elle a expliqué son choix par l’importante mobilisation des « jeunes filles ».
Ce qu’il faut comprendre : le saut générationnel joue un très grand rôle dans le changement de mentalités.
Quelques chiffres pour faire le point
- 500 000 : nombre estimé − par une étude sociologique − d’avortements clandestins en Argentine par an. Ce chiffre étant contesté par le camp pro-vie, on peut s’appuyer sur le chiffre qui suit.
- entre 40 et 50 : nombre de femmes mortes chaque année des suites d’un avortement clandestin en Argentine. La source étant le Ministère de la Santé, il se peut qu’il soit inférieur au nombre réel.
- 1000 US$ : prix d’un avortement sur le marché noir, que le plupart des femmes ne peuvent se permettre.
Comment expliquer le vote du Sénat ?
Chaque province est représentée par 3 sénateurs, quel que soit son poids démographique. La province de Buenos Aires se voit donc fortement désavantagée, alors même qu’elle réunit 1/3 de la population du pays. Il est donc facile de comprendre, en sachant que la province de Buenos Aires est majoritairement en faveur du projet de loi, le résultat du vote. Pour pallier ce problème, certains proposent un référendum, possible en cas de désaccord des deux Chambres. Mais rien n’est encore certain.
Le progressisme argentin déstabilisé ?
En 2010, une loi autorisant le mariage de deux personnes du même sexe a été votée en Argentine. Longtemps connu comme un pays progressiste et pionnier en Amérique Latine aux côtés de l’Uruguay, le pays du tango semble aujourd’hui s’écarter de son statut historique.
La religion a-t-elle un rôle décisif dans cette bifurcation ? On pourrait le croire, toutefois, d’autres pays très catholiques peuvent servir de contre-exemple. En mai 2018, souviens-toi, l’Irlande a approuvé le référendum sur l’IVG. C’est pourtant un pays où la population est tout autant catholique qu’en Argentine (à hauteur de 90 % également)…
Ce qu’il faut comprendre : l’Église a, certes, joué un rôle mais pas assez important pour qu’on lui impute la première place d’influenceur. On pourrait éventuellement questionner la pertinence du système politique argentin…
Où en sont les autres pays d’Amérique Latine ?
En guise de conclusion, une petite carte résumant les législations de chaque pays d’Amérique Latine sur la question.
En vert : les pays où l’avortement est légal. À noter que Cuba l’autorise depuis 1965, la Guyana depuis 1995 et l’Uruguay depuis 2012. En orange : les pays où l’avortement est interdit sauf exception (viol, risques pour la vie de la mère ou du fœtus, maladies mentales selon les pays). En rouge : les pays où l’avortement est formellement interdit. Le Mexique n’est pas mentionné car la législation varie selon les États.
*Comme l’auront remarqué les plus perspicaces, j’ai osé mélanger “c’est le pompon” et “c’est la cerise sur le gâteau”.
Suggestion : le virage à droite en Amérique Latine