Nous terminons notre bilan de la situation politique en Amérique latine, de 1929 à nos jours. Le septième épisode portait sur le retour des politiques de droite depuis 2013.
Au programme pour le huitième et dernier épisode : la contestation croissante de ce virage à droite. Bonne lecture !
Épisode 8 (2019-2020) : un virage à droite de plus en plus contesté
La droite gagne encore du terrain
À partir de 2019, la percée des droites semble s’accentuer puisque l’Uruguay, modèle de gauche dans la région, bascule à droite. Comme évoqué dans l’épisode précédent, derrière la mauvaise conjoncture économique se cache la réelle peur d’une partie des Uruguayens : le déclassement. La classe moyenne considère – et à raison – sa position comme fragile et comme pouvant être remise en cause. Ces citoyens gardent en mémoire l’époque, pas si lointaine, où ils appartenaient encore à la classe la plus pauvre. Face à cette crainte, beaucoup ont été séduits par le discours libéral du candidat Luis Lacalle Pou promettant de réduire l’impôt de la classe moyenne (la plus taxée).
Parmi les tournants politiques de 2019, nous retrouvons également celui opéré en Bolivie et ayant amené le président sortant, Evo Morales, à démissionner et à s’exiler suite aux suspicions de fraudes. Même si nous ne connaîtrons jamais la vérité quant aux déroulements des faits (et sur le caractère illégitime ou non de la procédure), il est clair que la nomination de Jeanine Añez, en tant que présidente par intérim, est tout un symbole. Tout un symbole car la Bolivie était, avec le Venezuela, l’un des derniers représentants de la gauche bolivarienne (gauche contestataire).
Des revers électoraux importants
Ces derniers retournements en faveur de la droite pourraient laisser envisager que la gauche a été battue, mais la situation est en réalité bien plus complexe. D’abord, parce que dans de nombreux pays la gauche reste très influente (Uruguay avec le Frente Amplio, la Colombie avec Gustavo Petro), mais surtout parce que depuis fin 2018, les politiques libérales sont de nouveau remises en cause.
Sur le plan politique, cette contestation prend la forme de deux revers électoraux majeurs. Au Mexique, où le socialiste Andres Manuel Lopez Obrador arrive au pouvoir en 2018 et en Argentine avec Alberto Fernandez (2019). Tous deux veulent réhabiliter le rôle de l’État dans l’économie afin de réduire les inégalités causées par les politiques libérales. Cette dernière affirmation est particulièrement vraie, notamment dans le cas argentin, puisque le très libéral Mauricio Macri (élu en 2015) n’a en rien permis au pays de retrouver sa stabilité, bien au contraire. En appliquant les mesures du Fonds monétaire international (FMI), celui-ci a simplement accru la pauvreté durant son mandat. En 2019, environ 35 % des Argentins vivaient sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de 30 % en un an.
La croissance des mouvements de contestation populaire
Cette critique des droites prend également la forme de contestations populaires dans les pays ayant connu des taux de croissance particulièrement élevés lors de la dernière décennie. Ce fut le cas en Équateur, au Chili et même en Colombie.
Début octobre 2019, le président équatorien, Lenin Moreno, annonce – dans le cadre d’un accord avec le FMI – vouloir supprimer les subventions sur le carburant. Face au Decreto 883, une série de mobilisations se met alors en place avec en tête de file le mouvement indigène, communauté pauvre et donc sensible à l’augmentation du prix du carburant. Face à la violence de ces protestations, le gouvernement est contraint d’annuler la précédente directive. À peine quelques jours plus tard, c’est au tour du Chili de s’enflammer.
Les manifestations chiliennes ont d’abord été causées par l’augmentation du prix du ticket de métro, mais force est de constater que ce mouvement protestataire va bien au-delà. Malgré l’annonce de l’état d’urgence, d’un couvre-feu et de la suspension de cette mesure, le président libéral, Sebastian Piñera, n’est arrivé à calmer le mouvement que très récemment. En réalité, ce qui est dénoncé par le peuple chilien, c’est le modèle économique néolibéral du pays qui n’a manifestement pas su contenir la hausse des inégalités puisque le Chili est considéré comme le 14e pays le plus inégalitaire du monde (2016). Pour finir, en novembre 2019, c’est au tour du président colombien, Ivan Duque, d’être sous le feu des critiques. En effet, comme expliqué dans un précédent article, celui-ci se voit confronté au désaccord de la population quant à la politique économique à mettre en œuvre, mais également suite à sa gestion calamiteuse de l’accord de paix signé en 2016.
Ainsi, même si les « gauches » latino-américaines sont plus affaiblies que jamais depuis 2014, le tournant libéral, qui selon certains était censé arriver triomphant en Amérique latine, est encore loin d’être accepté par l’ensemble de la population, comme en témoignent les récentes crises.
Le mot de la fin
Nous avons pu constater que tout au long du XXe siècle les gauches latino-américaines ont été successivement encadrées, puis réprimées avant d’être totalement discréditées avec l’arrivée de la vague libérale dans les années 1980.
Toutefois, l’incapacité des gouvernements de droite à résoudre la crise sociale a alimenté un profond rejet vis-à-vis des politiques libérales, permettant aux gauches de s’imposer pendant une décennie.
Bien qu’empreintes de divergences, ces dernières ont permis à l’Amérique latine de largement se développer tant sur le plan économique, social que sociétal.
Pour autant, depuis 2013, les partis progressistes semblent avoir subi de nombreux revers électoraux, plongeant le sous-continent dans une période transitoire inédite et signant un retour progressif mais contesté des gouvernements de droite.
Nous espérons que ce périple économique et historique t’a plu et surtout, qu’il te sera d’une grande aide ! Bon courage pour les concours !