Francia Márquez

Engagée, résiliente et ambitieuse. Voici les trois adjectifs qui pourraient qualifier la personnalité et le parcours de cette femme : Francia Márquez. Elle qui a vécu une enfance difficile dans la précarité et le racisme, qui a lutté contre des projets miniers polluants, qui a reçu des menaces de mort, qui cherche à mettre fin aux inégalités en Colombie. Francia Márquez est aujourd’hui la vice-présidente du pays aux côtés de Gustavo Petro. Sa vie mérite un zoom particulier pour comprendre l’espoir qu’elle représente pour de nombreuses personnes en Colombie, mais aussi les difficultés auxquelles elle fait et fera face durant son mandat au gouvernement.

Une femme engagée dès le plus jeune âge dans la lutte de sa communauté

L’enfance mouvementée de Francia Márquez

Francia Márquez est née en 1981 à Yolombó, une municipalité située dans la campagne colombienne. Cette région a particulièrement été marquée par la guerre civile et a subi, par conséquent, le monopole des ressources et le trafic de drogue. Elle a grandi au sein d’une communauté afro-colombienne, dans laquelle les habitants n’ont pas accès à l’eau potable et beaucoup vivent dans la précarité.

Lorsqu’elle devient mère célibataire à l’âge de 16 ans, elle est obligée d’arrêter ses études et de travailler dans les mines ou en tant qu’employée de maison pour pouvoir assurer la survie de sa famille. Elle est donc vite plongée dans la dure réalité de la pauvreté et dans la peur de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.

Une leader sociale et écologique

Malgré ces facteurs, son engagement social et écologique auprès de sa communauté a toujours été fort. Dès l’âge de 13 ans, elle commence à lutter contre des projets miniers installés à proximité de son village. Ces derniers menaçaient sa survie, car ils visaient à exploiter et à détourner le fleuve Ovejas, très bénéfique à sa communauté.

Elle commence alors des études de droit pour pouvoir lutter au mieux contre les multinationales qui cherchent à mener ces projets près de son village, mais doit les arrêter lorsqu’elle devient mère. Elle les reprend ensuite grâce aux économies faites avec ses petits jobs. C’est à partir de ce moment-là que son engagement prend une autre dimension.

La « Marche des Turbans »

En 2014, un nouveau projet illégal pour trouver de l’or près du fleuve Ovejas menace d’exclure les habitants du village en polluant le fleuve et en dégradant la biodiversité locale. Elle mène alors la « Marche des Turbans », une marche pendant laquelle 80 femmes parcourent plus de 350 km à pied jusqu’à Bogota, la capitale, pour protester contre ce projet et l’exposer au grand jour.

Leurs revendications sont prises en compte, puisque le gouvernement décide de stopper le projet minier et de faire exploser les engins de chantier. Ce combat est bien sûr écologique, car il vise à conserver la biodiversité locale si précieuse en Amérique latine (voir cet article). Il est aussi social, car les peuples afro-colombiens sont souvent victimes de ce genre de projets réalisés sans leur accord.

Une porte-parole

Francia Márquez a également été une porte-parole des victimes du conflit armé en Colombie pendant les négociations de paix entreprises par Juan Manuel Santos. Elle met en avant, par ce fait, l’importance de consulter les victimes du conflit afin de pouvoir le résoudre. Dans le même temps, elle a mis le Président face à ses engagements envers les différentes communautés. En 2018, elle reçoit le prix Goldman pour l’environnement (un prix considéré comme le prix Nobel de l’environnement), qui récompense ses nombreuses actions et son engagement dans cet enjeu.

Malheureusement, un tel engagement suscite aussi beaucoup de colère, notamment du côté des multinationales et des paramilitaires qui voient leurs activités compromises. Elle a reçu de multiples fois des menaces de mort qui l’ont obligée à déménager, notamment en 2013. En 2019, elle échappe de peu à une tentative d’assassinat dans laquelle deux gardes du corps sont blessés. Ceci souligne à quel point il est difficile pour les militants écologistes de pouvoir exercer leur action en Colombie ou en Amérique latine en général, région où ils sont le plus assassinés (concentre 60 % de ces victimes).

Francia Márquez est assez proche du mouvement PCN (Proceso de Comunidades Negras), qui dénonce le racisme profondément ancré dans la société colombienne et qui cherche à faire évoluer les mentalités au sein de cette dernière. Elle est également une figure du féminisme dans la société colombienne qui est profondément machiste. La notion de féminisme est d’ailleurs approfondie et élargie dans cet article.

Francia Márquez, la vice-présidente

Son arrivée au pouvoir et ses objectifs

Francia Márquez est un symbole du nouveau tournant progressiste en Colombie et en Amérique latine en général, avec toutes les revendications que ce courant porte avec lui, notamment l’écologie et le droit des femmes. Elle rejoint le projet de Gustavo Petro pendant la campagne présidentielle et devient la première vice-présidente noire de l’histoire de la Colombie après leur victoire.

Elle déclare d’ailleurs qu’elle représente « los nadies y las nadies de Colombia ». C’est-à-dire les personnes en bas de la pyramide sociale, celles marginalisées, qui n’arrivent pas à faire porter leur voix et dont la dignité est menacée. Ce groupe inclut les classes populaires, mais aussi les personnes victimes de discrimination, comme les Afro-Colombiens, les femmes, la communauté LGBTQ+ également qui souffre encore beaucoup sur le continent.

« Vivir sabroso »

La ligne directrice du programme de Francia Márquez s’inscrit autour de ce slogan : « Vivir sabroso. » Ce concept signifie « vivre sans peur, en dignité, avec la garantie des droits », comme le dit la vice-présidente. C’est pouvoir garantir à chacun une sécurité personnelle face à la violence, mais aussi une sécurité alimentaire pouvant permettre à tous de vivre leur vie sans se préoccuper des premiers besoins de la pyramide de Maslow.

Ce projet passe notamment par la déconstruction de nombreux préjugés, notamment machistes. Lors du Dialogue des femmes d’Amérique, organisé par le journal El País, quand on lui a demandé si elle pensait que Petro était féministe (lui qui a eu une relation tendue avec les mouvements féministes en Colombie), elle a répondu que, si elle ne pouvait répondre pour lui, elle savait que le patriarcat et le machisme étaient toujours présents chez les hommes et dans tous les domaines, consciemment ou inconsciemment. Elle reconnaît par la suite, dans une autre interview, qu’elle pensait que le Président avait été de plus en plus sensibilisé à cette cause.

Une première année difficile au pouvoir

La première année du duo Petro-Márquez a été plutôt compliquée, comme évoqué dans cet article, car ils affichent en juin 2023 un taux de désapprobation de 59 %. Selon El País, 66 % des personnes interrogées estiment qu’elles n’ont pas perçu le changement promis par le gouvernement. C’était une année assez éprouvante pour les deux, et notamment pour Márquez, qui a fait face à de nombreuses difficultés et critiques.

En effet, depuis son arrivée au pouvoir, elle subit des attaques racistes en tous genres et attise la colère de la droite, notamment lors de son dernier voyage en Afrique, ou lors de l’utilisation d’un hélicoptère pour pouvoir retourner chez elle. Elle a par ailleurs échappé à un attentat en janvier 2023. Ce qui souligne à quel point sa personne dérange de nombreuses personnes en Colombie, parmi elles, des personnes puissantes.

Toutefois, Francia Márquez a réussi à obtenir la création d’un nouveau ministère en janvier 2023 : le ministère de l’Égalité, qu’elle préside pour pouvoir mener à bien ses projets. Ce ministère s’occupe des inégalités dans un des pays les plus inégaux d’Amérique latine, et notamment des inégalités hommes-femmes (les femmes représentant 52 % de la population). Il dispose d’un budget de cinq milliards de pesos. Un budget qui a été critiqué par beaucoup, car considéré trop important.

Vocabulaire

  • Asesinato : assassinat
  • Liderar : diriger, mener
  • Vincularse a : être en lien avec
  • Un presupuesto : un budget
  • Tachar de : traiter de/qualifier de (négatif) (ex. : Tachada de exagerada)
  • Hacer un balance : faire un bilan
  • Llevar a cabo : mener à bien
  • Llevar las riendas : tenir les rênes
  • Imponerse : s’imposer
  • Imprescindible : indispensable

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