L’Amérique latine est aujourd’hui le théâtre de nombreuses violences menées contre la presse. Le journalisme est sous pression : entre harcèlements, intimidations, enlèvements, tortures et meurtres, les menaces auxquelles font face les journalistes sont multiples.
Cela pose un véritable problème pour la société latino-américaine. C’est non seulement la liberté d’expression individuelle des journalistes qui est en jeu, mais aussi le droit collectif à l’information de l’ensemble de la société.
Pour cette raison, parvenir à défendre un monde où les journalistes seraient en mesure de recevoir, produire et communiquer des informations, sans avoir à subir des menaces physiques ou morales, est un enjeu capital.
Je te propose de faire un petit retour sur la question de la liberté d’expression en Amérique latine, au travers de la question des violences exercées sur les journalistes. C’est un sujet qui tombe souvent (en khôlle, notamment).
I – Le journalisme en ligne de mire
Le délitement de la démocratie en Amérique latine
La situation de la liberté de la presse en Amérique latine est aujourd’hui inquiétante. Elle a d’ailleurs été qualifiée de « consternante » par le président de l’Association interaméricaine de la presse, Jorge Canahuati. Ce dernier déplore le fait que les journalistes et organes de presse soient pris pour cible par des dirigeants politiques et la société.
Ce climat de tensions nuit individuellement, en affectant la sécurité physique et mentale des journalistes. Il nuit aussi collectivement, en participant à ce qu’Andrés Oppenheimer appelle « la depresión democrática ». Cette expression du journaliste argentin montre l’ampleur de la détérioration de la démocratie en Amérique latine. La violence exercée contre des journalistes porte un coup à la liberté d’expression et empêche les individus de s’exprimer.
Cependant, la situation est assez hétérogène en fonction des différents pays latino-américains
En effet, certains pays d’Amérique latine mettent un point d’honneur à respecter la liberté d’expression et la démocratie. C’est notamment le cas du Chili, du Costa Rica et de l’Uruguay, d’après le rapport rédigé en 2021 par l’Unité de Renseignements de The Economist.
Ainsi, le Costa Rica se situe en huitième position (sur 180) dans le classement mondial de la liberté de la presse établi en 2022 par l’ONG Reporters sans frontières. Le contraste est frappant lorsque l’on voit le nombre de pays d’Amérique latine qui sont au contraire en bas du classement. Entre autres : le Mexique (127/180), la Colombie (145/180), le Venezuela (159/180), le Nicaragua (160/180) ou encore Cuba (173/180).
La crise que traverse le journalisme dans la région est donc alarmante. Mais il est nécessaire de se concentrer sur les pays qui sont les plus concernés, concentrant ainsi la majorité des conflits.
Quelques pays situés au cœur du problème
L’Association interaméricaine de la presse, qui déplore un nombre record de journalistes tués, fustige principalement les tensions croissantes au Mexique, Brésil, Salvador, Nicaragua et à Cuba.
Mexique : la profession de journaliste y est réputée pour sa dangerosité. 16 journalistes ont été assassinés au cours de l’année écoulée. Et nombreux sont ceux qui reçoivent régulièrement des menaces de la part de groupes criminels. C’est ce qui amène Reporters sans frontières à déclarer en 2020 que le Mexique est « le pays en paix le plus dangereux au monde pour les journalistes ».
Brésil : exemple qui peut être utile pour une khôlle, car Bolsonaro affiche une position radicale sur la question. Prônant une position qualifiée d’« anti-journalistique », le président boycotte les médias et incite à la violence contre les journalistes (qui, selon lui, ne savent que mentir).
Salvador : Bukele a le pouvoir de restreindre la liberté d’entrer et de sortir du pays, de restreindre la liberté d’expression et d’intercepter les télécommunications. Le Salvador est la terre promise du bitcoin, mais pas celle des journalistes.
Nicaragua : pays où le journalisme connaît une période bien sombre. Entre la répression exercée sur la presse lors des manifestations de 2018 et l’élection peu réglementaire de Daniel Ortega fin 2021, de nombreuses attaques contre les médias et journalistes ont été dénombrées.
Cuba : les quelques journalistes indépendants essayant de couvrir l’actualité dans le pays sont soumis au harcèlement et à la détention. La censure prend de multiples formes. Le gouvernement a notamment bloqué l’accès au site de Yoani Sánchez, une journaliste cubaine qui parlait de manière critique de Cuba sur son blog Generación Y.
Venezuela : pays connaissant le même problème de liberté d’expression que Cuba ou le Nicaragua. Tu peux t’entraîner avec cette khôlle sur le Venezuela, qui rentre dans la thématique de restriction des libertés.
Une atteinte à la liberté d’expression aux répercussions conséquentes
Le journaliste, par l’essence même de sa profession, est particulièrement exposé face à la violence. Principalement parce que les intérêts de certaines entreprises ou certains groupes peuvent se voir compromis par la diffusion de certaines informations. Mais aussi parce que de nombreux gouvernements sont hostiles à la critique.
Ce climat de violence structurelle génère de l’effroi chez les journalistes : peur d’être assassinés, torturés, enlevés, harcelés. Leurs craintes sont nombreuses et ne cessent de se multiplier. Et cela est compréhensible. D’après Reporters sans frontières, plus de neuf sur dix des crimes contre des journalistes en 2020 sont ciblés et prémédités.
Le problème est que cette peur crée un mouvement général d’autocensure chez les journalistes, comme l’affirme notamment la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). En effet, les craintes des journalistes les amènent à être réticents à écrire ou à parler de certains sujets. Ils abandonnent dès lors des reportages jugés sensibles, qui pourtant étaient importants.
Ce climat de violence est donc tant une menace pour la liberté d’expression (droit fondamental de l’homme) que pour l’information. Il est aujourd’hui nécessaire de venir en aide à ces journalistes réduits au silence. En effet, ils sont plongés au cœur d’un contexte politique et social qui ne leur garantit pas toujours les conditions pour exercer leur profession en toute sécurité.
II – La défense du journalisme comme nouvelle ligne de conduite
Le rôle des initiatives individuelles
La défense du journalisme peut tout d’abord passer par la résistance de la société, qui a la capacité de manifester et d’exprimer son désaccord. À Cuba notamment, le mouvement San Isidro manifeste pour réclamer davantage de liberté d’expression. C’était par exemple le cas lors des protestations de novembre 2020.
Mais les journalistes ont eux aussi un rôle à jouer, en continuant à exercer leur profession lorsque les circuits traditionnels sont bloqués. Au Nicaragua, par exemple, certains journalistes ont décidé de combattre la censure exercée par le gouvernement Ortega en travaillant depuis le Costa Rica.
Le rôle de l’État
Il est clair que l’État a un véritable rôle à jouer si l’on se fie à l’étude de RSF en 2020. Cette dernière montre que de nombreux assassinats auraient pu être évités si les victimes avaient bénéficié de mesures de protection. Au moins 45 % des victimes avaient signalé avoir reçu des menaces et les avaient rendues publiques. Et pourtant, très peu (7,2 %) ont véritablement bénéficié de mesures de protection.
L’État doit donc renforcer les mesures de sécurité et mener un suivi plus important des journalistes. Il est du devoir des États de garantir les conditions permettant l’exercice libre et sûr du journalisme. Et pour être certaine que chaque gouvernement assure sa part du contrat, l’Unesco a lancé le projet « En Péril ». Il a pour but d’évaluer la mise en œuvre et l’efficience des mécanismes de protection des journalistes dans plusieurs pays latino-américains.
Le rôle des organismes internationaux
Les organismes internationaux ont, eux, pour mission d’intervenir lorsque l’action d’un État ne suffit pas. Le chercheur Juan Papier explique que seule une pression internationale forte forcera les gouvernements les plus réticents à agir et à respecter les droits de l’homme.
Certaines initiatives pour défendre les journalistes sont d’ailleurs déjà en place. Depuis 2019, l’Unesco développe un Fonds mondial de défense des médias. Celui-ci a alloué plus d’un million de dollars par an à la protection des journalistes, notamment en favorisant la création de réseaux de soutien et d’associations.
D’autres initiatives visent à donner de la visibilité à ces journalistes, comme Forbidden Stories. Un site internet créé en 2017, qui propose aux journalistes menacés de mettre à l’abri leurs informations. Il permet ainsi de poursuivre le travail de ceux qui sont menacés, emprisonnés ou assassinés.
Mais le chemin est encore long. D’autant plus que ces violences surviennent dans un cadre instable économiquement, socialement et politiquement. Défendre la liberté d’expression s’inscrit donc dans une liste déjà longue d’enjeux auxquels la région doit faire face.
J’espère que cet article t’a aidé·e ! Si tu veux poursuivre ta lecture, je te renvoie à cet article qui résume ce qu’il s’est passé cet été dans la région 😉