Que tu sois en khâgne A/L ou B/L, tu seras peut-être amené(e) à réaliser un commentaire de carte topographique au concours de l’ENS. Comme tu as pu le voir dans notre article méthodologique sur cette épreuve, une analyse réussie repose en grande partie sur une bonne connaissance des différentes régions françaises. Quels processus géographiques, économiques ou sociaux y sont à l’œuvre ? Aujourd’hui, nous te proposons d’en apprendre plus sur la région Nouvelle-Aquitaine en nous appuyant notamment sur La France des 13 régions de Laurent Carroué (Armand Colin, 2017).
Une rapide présentation de la Nouvelle-Aquitaine
Pour commencer, quelques chiffres à connaître :
- superficie : 84 036 km², la Nouvelle-Aquitaine est la plus grande région de France ;
- densité : 72 habitants au km² , il s’agit d’une des régions les moins denses de France ;
- population : 6 010 289 habitants en 2019, elle est la troisième région la plus peuplée ;
- PIB : 177 milliards d’euros en 2018, la Nouvelle-Aquitaine est troisième sur le podium des régions produisant le plus de richesses ;
- taux de chômage : 7,3 % au quatrième trimestre 2021, un chiffre proche de la moyenne en France métropolitaine qui est à 7,8 %.
La Nouvelle-Aquitaine est une des régions nées du redécoupage administratif de 2016. Elle est le résultat de la fusion des régions Limousin (en jaune clair sur la carte), Poitou-Charentes (en jaune foncé) et Aquitaine (orange). Sa capitale régionale est Bordeaux.
Un certain nombre de traits sont communs aux différents territoires régionaux, avec de nombreux massifs forestiers, une importance du littoral et une primauté de l’agriculture et du tourisme dans la balance économique. Néanmoins, la région reste très contrastée et la mise en cohérence de ces différents territoires reste le défi principal des acteurs régionaux.
Une nouvelle région étendue et très contrastée
Quelle cohérence entre les territoires néo-aquitains ?
En 2016, la décision de fusionner les régions Limousin, Poitou-Charentes et Aquitaine repose sur une cohérence des bassins de population. De fait, des liaisons existent entre Bordeaux et un certain nombre des villes de la région comme Bayonne, La Rochelle, Angoulême, Poitiers, etc. Intégrer le Limousin à cette nouvelle région était censé permettre de le développer en lui faisant bénéficier des dynamiques économiques de l’Aquitaine.
La Nouvelle-Aquitaine se démarque par des identités plurielles, mais aussi par une histoire partagée. Sous l’Empire romain, la région découpée administrativement était presque aussi étendue qu’aujourd’hui. Ensuite, pendant la guerre de Cent Ans, la Guyenne, possédée par les Anglais, fonctionne déjà autour de Bordeaux, dont dépendent Limoges et Poitiers.
Pour finir, on peut noter une certaine cohérence culturelle entre les différents territoires. Par exemple, les 12 départements partagent un même attachement au patrimoine, à certaines traditions gastronomiques, de chasse ou à des sports comme le rugby.
Un territoire aux identités variées
Pour commencer, les recompositions territoriales de 2016 ont favorisé l’apparition de fortes identités régionales, notamment dans le Béarn, le Poitou ou le Pays basque. Ce dernier désigne une région transfrontalière, à cheval entre la France et l’Espagne. Elle constitue un espace linguistique particulier, où 15 % de la population parle l’euskara. Le Pays basque cherche aujourd’hui à revitaliser son identité avec la fondation d’un Office public de la langue Basque en 2004 ou la création d’une région européenne transfrontalière franco-espagnole.
La Nouvelle-Aquitaine est aussi une région aux identités variées sur le plan politique. Il y a de forts bastions de gauche, comme la ville de Tulle en Corrèze, dont François Hollande a été maire, mais aussi des zones d’ancrage à droite à Bayonne et Angoulême. La ville de Bordeaux, fief des partis de droite traditionnels successifs (RPR, UMP, puis LR) a basculé dans le giron écologiste en 2020. Enfin, on peut noter l’implantation du centriste François Bayrou à Pau, dont il est maire depuis 2014.
Des milieux variés et contrastés à aménager et protéger

Tout d’abord, l’importance de l’eau à l’échelle régionale est flagrante. Les rivières, les marais et les lacs sont très nombreux. On peut citer les étangs des Pyrénées, le lac de Vassivière dans la Creuse ou encore le Marais poitevin. La façade atlantique, qui s’étend sur près de 720 km, structure également l’identité et les activités régionales. Elle se décline en des côtes rocheuses, des côtes sableuses très touristiques avec de hautes dunes comme celle du Pilat, mais aussi des marais maritimes et une lagune au niveau du Bassin d’Arcachon. Cette façade maritime est tout particulièrement exposée à la montée des eaux causée par le changement climatique.
Les massifs forestiers occupent également une place importante en Nouvelle-Aquitaine, qui concentre 10 % de la forêt publique française. On compte différents sous-ensembles :
- les Landes, plantées sous Napoléon III pour assécher les sols et accéder à de nouvelles ressources ;
- les massifs du Haut-Limousin ;
- des espaces plus diffus en Charente, en Dordogne et dans les Pyrénées-Atlantiques.
La forêt joue un rôle clé dans certaines activités de loisirs comme le tourisme vert. Elle permet également le développement de la filière bois. Néanmoins, la pression anthropique et urbaine, notamment à cause de l’étalement urbain, menace les massifs forestiers néo-aquitains. Par ailleurs, les tempêtes de 1999 et de 2009 les ont tout particulièrement atteints. Ces épisodes météorologiques violents sont plus fréquents dans cette région exposée aux vents d’Ouest. Au-delà des tempêtes, le risque d’incendie concerne une partie des forêts, et en particulier celle des Landes.
Outre l’eau et les forêts, la Nouvelle-Aquitaine se caractérise par de nombreuses aménités dues à sa topographie. Les fonds de vallée nombreux sont propices à l’implantation de villages et de voies de communication terrestres. Ils exposent en revanche à des inondations en cas de fortes pluies ou au printemps avec la fonte des neiges. Enfin, la région concentre de nombreuses collines propices au développement agricole.

Ces espaces variés sont non seulement exploités et aménagés, mais aussi protégés. La région compte de nombreux parcs naturels, qu’il s’agisse :
- de parcs naturels régionaux comme le Marais poitevin, celui de Millevaches, des Landes de Gascogne ou du Périgord-Limousin ;
- du Parc naturel national des Pyrénées (fondé en 1967) ;
- de parcs naturels marins comme celui du Bassin d’Arcachon ou de l’Estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis.
Des territoires tantôt dynamiques, tantôt enclavés
La Nouvelle-Aquitaine est une région hétérogène. Elle regroupe des territoires aux trajectoires socio-économiques contrastées. Laurent Carroué en parle comme d’un « territoire à deux vitesses », qui compte de nombreuses lignes de fractures. On peut citer l’opposition entre le littoral et l’intérieur des terres, ou celle entre les aires urbaines dynamiques et les espaces ruraux fragiles.
Des dynamiques populationnelles variées
Comme on l’a évoqué au début, la Nouvelle-Aquitaine est la troisième région la plus peuplée de France. Elle est très dynamique démographiquement du fait d’espaces attractifs et dynamiques. On peut citer les littoraux atlantiques qui attirent par thalassotropisme et héliotropisme. La population de certaines villes s’en trouve donc fortement augmentée. Par exemple, à Lège-Cap Ferret, elle a doublé depuis les années 1970. La métropole bordelaise attire également de nouveaux habitants. L’aire urbaine de Bordeaux compte 1,2 million d’habitants, soit 20 % de la population régionale.
Mais ces espaces attractifs ne doivent pas occulter l’existence de territoires plus isolés aux soldes naturels déficitaires. La population dans le Limousin, et plus particulièrement dans la Creuse et la Corrèze, stagne ou diminue. Ce contraste entre les littoraux et les terres se retrouve aussi à l’échelle de certains départements, comme les Pyrénées-Atlantiques. Leur population augmente par des migrations qui concernent la côte avec des villes comme Bayonne et Biarritz. Les territoires ruraux de l’Est connaissent quant à eux un fort déclin démographique.
La Nouvelle-Aquitaine doit faire face au défi du vieillissement de sa population. Un quart des Néo-Aquitains ont plus de 60 ans, ce qui est supérieur à la moyenne nationale. Là aussi, on constate un contraste entre des régions, comme l’Aquitaine, qui sont plus jeunes que d’autres, comme le Limousin, où on compte davantage de personnes âgées.
Cette population vieillissante explique le développement d’une « silver economy » dans certains des territoires. C’est le cas de la Creuse, où le secteur de la domotique est en plein essor, notamment grâce au partenariat des élus locaux, des chercheurs et de la firme limougeaude Legrand, spécialiste des installations électriques. Depuis le début des années 2000, un pôle d’excellence rurale « Domotique et santé » a été mis en place à Guéret.
Les conséquences de l’attractivité du littoral
On l’a vu, du fait du thalassotropisme, mais aussi en raison d’un fort ensoleillement, le littoral néo-aquitain est très attractif. Il attire non seulement de nouveaux habitants, mais aussi des touristes. Mais s’il constitue indéniablement un atout pour la région, il n’est pas sans conséquences…
En effet, il augmente les pressions urbaines et foncières dans les zones touristiques comme l’île de Ré et celle d’Oléron, où le prix de l’immobilier s’est décuplé après la construction de ponts. Les Néo-Aquitains peuvent rencontrer des difficultés pour se loger avec la hausse des prix, mais aussi du fait de l‘importance des résidences secondaires. Elles représentent 12 % du parc immobilier régional et sont situées à 80 % sur le littoral.

En été, certains territoires sont surfréquentés. Il s’agit souvent d’espaces aménagés spécialement pour le tourisme, et ce, parfois aux dépens d’activités traditionnelles. On peut citer les marais salants, qui ne subsistent presque qu’à Oléron et Ré dans le cadre du tourisme patrimonial, ou les ports de La Rochelle et de Bordeaux, dont l’activité commerciale est drastiquement réduite. Leur trafic est huit fois inférieur à celui du Havre par exemple. Les installations portuaires sont le plus souvent monopolisées par le tourisme de plaisance. Ainsi, le vieux port de La Rochelle n’est plus consacré qu’au tourisme et le port de commerce a été déménagé sur le site de La Pallice, plus à l’Ouest.
L’envahissante métropolisation bordelaise
Comme on l’a mentionné plus haut, l’aire urbaine bordelaise occupe une place centrale avec son 1,2 million d’habitants. Au sein de l’organisation spatiale éclatée de la Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux constitue un pôle urbain dominant face à des pôles secondaires.
Si on décrypte l’organisation polycentrique néo-aquitaine, Bordeaux domine un réseau de 10 villes de plus de 10 000 habitants (Limoges, Poitiers, Pau, La Rochelle, etc.), qui structurent elles-mêmes un ensemble de petites villes et de bourgs ruraux. La métropole bordelaise concentre l’essentiel du réseau et des infrastructures de transport, ce qui peut s’avérer gênant.
Par exemple, le trajet en train entre Paris et Bordeaux ne prend que deux heures grâce à la Ligne à grande vitesse (LGV). L’offre de transport se restreint si on veut rejoindre des pôles régionaux secondaires depuis le pôle principal. Ainsi, on compte trois heures pour un Bordeaux-Limoges. En revanche, la situation est catastrophique si on regarde les liaisons entre les pôles secondaires. Le train prend plus de cinq heures pour faire la liaison entre Limoges et Rochefort !

La ville de Bordeaux attire, car elle est en pleine métropolisation. En clair, elle concentre de plus en plus de populations, d’activités et de fonctions de commandement. La métropole bordelaise se démarque par son patrimoine primé à l’UNESCO, mais aussi par ses nombreux services avec son CHU et son vaste campus universitaire. L’économie présentielle (offres commerciales, services aux particuliers, loisirs) est très développée. Bordeaux se démarque comme la cité du numérique en promouvant la French Tech. S’y développent également des activités en lien avec la finance et l’assurance. À côté de la capitale du vin, les autres villes de la région peinent parfois à s’imposer.
Limoges reste la deuxième ville la plus importante, elle domine tout le territoire Nord-Est. Pour autant, elle a perdu ses fonctions de commandement à la naissance de la Nouvelle-Aquitaine et va devoir trouver un second souffle pour dynamiser son territoire en voie de vieillissement.
La perte des fonctions de commandement concerne également Poitiers, ancienne capitale de la région Poitou-Charentes. La ville parvient cependant à rayonner grâce au Futuroscope, mais aussi du fait de son pôle universitaire autour duquel se concentrent des laboratoires et des acteurs publics de l’enseignement, comme le CNED et le Canopé.
D’autres agglomérations s’avèrent nettement plus dynamiques. C’est le cas de La Rochelle, qui était à l’écart des grands axes de transports, mais est à présent reliée aux réseaux TGV et autoroutiers. On peut aussi citer l’agglomération Côte Basque-Adour, qui regroupe les communes de Bayonne, Anglet et Biarritz. Elle dispose d’une large autonomie et de sa frontière dynamique avec l’Espagne. Il s’agit de la seconde aire urbaine régionale.
Les marges régionales : des espaces en difficulté ?
La Nouvelle-Aquitaine compte également de nombreux territoires isolés. Peu, voire très peu denses, ils regroupent la moitié de la population régionale et recouvrent 94 % de l’espace régional. D’après Laurent Carroué, un quart de la région correspond à des espaces ruraux ou montagneux cumulant les difficultés liées à la faible densité. On peut citer :
- le vieillissement ;
- les revenus de plus en plus faibles ;
- le maillage lâche des réseaux de transports ;
- une accessibilité réduite aux services publics (notamment dans le milieu de la santé avec le problème des « déserts médicaux »). La Creuse est l’avant-dernier département français pour ce qui est de l’accessibilité aux équipements de la vie courante ;
- une déprise agricole localisée et une progression des friches.

Les acteurs locaux et notamment politiques mettent en place des mesures pour lutter contre cette marginalisation. Beaucoup d’entre elles relèvent du « désenclavement ». Les départements du Limousin voient leurs réseaux routiers et ferrés se développer pour simplifier les déplacements des habitants. Par ailleurs, les acteurs cherchent à valoriser les ressources patrimoniales et naturelles (forêts et espaces verts). Des campagnes de promotions sont réalisées pour mettre en avant la meilleure qualité de vie dans les milieux ruraux. Le Limousin pourrait devenir un lieu de ressourcement pour les citadins.
Des systèmes productifs en mutation
Un tourisme au poids important
La Nouvelle-Aquitaine, c’est près de 30 millions de touristes par an. La région est la deuxième plus importante pour ce qui est du tourisme intérieur et la cinquième pour le tourisme extérieur. Les activités touristiques représentent à elles seules 8 % du PIB régional. Elles sont rendues possibles par un important réseau de transports (autoroutes, lignes TGV et LGV et aéroports), mais aussi par des atouts naturels.
Le littoral concentre près des trois quarts des lits touristiques. Historiquement, le tourisme s’est développé dans les stations balnéaires comme Biarritz et Arcachon. Néanmoins, la ruralité du territoire se fait également attractive. D’abord parce que la région est célèbre pour ses ressources patrimoniales (site préhistorique de Lascaux et édifices romans poitevins) et ses infrastructures récréatives à l’image du Futuroscope ou du Zoo de la Palmyre près de Royan. Enfin, le tourisme fluvial, l’œnotourisme et le cyclotourisme se sont énormément développés durant les vingt dernières années.

On peut également citer la ville de Bordeaux, dont le nombre de nuitées touristiques a doublé en 10 ans. La municipalité, notamment sous le mandat d’Alain Juppé, a davantage ciblé la clientèle étrangère et développé le tourisme d’affaires. La rénovation des quais de la Garonne et le classement de certains sites par l’UNESCO participent également de ce rayonnement touristique croissant.
La première région agricole de France
L’agriculture occupe 84 % du territoire néo-aquitain. La région représente à elle seule 15 % du chiffre d’affaires de l’agriculture française. La production se spécialise dans le blé, le maïs et les vignobles.

Les espaces agricoles se concentrent dans le centre de la région et plus précisément dans la Gironde, le Lot-et-Garonne, la Dordogne et la Haute-Vienne. Au Nord-Est se développe davantage l’élevage bovin et ovin. Dans les plaines des Charentes et jusqu’au Lot-et-Garonne, on retrouve beaucoup de cultures céréalières. Du sud de Bordeaux au Pays basque se concentrent une agriculture diversifiée et de la polyculture.
Des systèmes productifs industriels variés
L’industrie représente toujours 12 % de l’emploi régional. Elle fait l’objet de nombreuses politiques régionales concernant la formation et l’innovation. Il s’agit d’assurer l’existence d’un tissu industriel performant, notamment par la création de 11 pôles de compétitivité. L’essentiel de la production se concentre dans la métropole bordelaise et dans l’axe Bordeaux-Toulouse.
Certains secteurs sont en déprise, comme pour la porcelaine limougeaude. La pétrochimie était également très développée dans le bassin de Lacq grâce à la présence de gisements de gaz naturel ou de pétrole. À l’image de Mourenx, de nombreuses villes nouvelles ont vu le jour dans les années 1950, du fait de l’exploitation de ces ressources par Total et Arkema. Les gisements n’ont pas été épuisés jusqu’au bout par ces entreprises afin qu’ils puissent alimenter les industriels locaux jusqu’en 2030.
Une partie de ces activités vouées à ne pas durer ont en contrepartie permis le développement de pôles de compétitivité dans les géosciences et la chimie verte. D’autres secteurs apparemment en déprise mènent des opérations de restructuration. C’est le cas de l’industrie du cuir, qui se reconvertit dans le luxe.
Certains systèmes productifs industriels néo-aquitains sont en revanche extrêmement compétitifs. On peut citer la filière aérospatiale et militaire avec la présence d’Airbus à Toulouse, de Dassault à Mérignac (production d’avions de chasse) ou de Thales à Bordeaux (fabrication de systèmes embarqués aéronautiques). On observe également un développement important de la photonique (science de la lumière) entre Bordeaux et Arcachon sur la « route des lasers ».
C’est tout pour cette fiche, qui nous l’espérons, t’aidera dans tes révisions pour les épreuves orales ! N’oublie pas qu’il est fondamental de mobiliser ces connaissances théoriques lors de ton commentaire de carte topographique. Pour autant, prends garde à ne pas te complaire dans la récitation, cela pourrait te porter préjudice. Trouve un juste équilibre pour que ton exposé soit aussi complet que synthétique !