méga-bassines

Si tu suis un peu l’actualité de ces derniers jours, tu as certainement entendu parler du projet de méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Nous n’allons pas entrer dans la dimension assurément sensible de ce dernier et des vives oppositions qui se sont manifestées récemment. Nous allons te proposer d’analyser la portée de ce type de projet, dans le cadre du programme de géographie 2023 des prépas littéraires A/L : « Agriculture et changements globaux ».

Le principe des méga-bassines

Tout d’abord, l’appellation officielle de ces « méga-bassines » est « retenues de substitution ». Ce qui comprend dès lors une perspective artificielle et non naturelle. Un article de Franceinfo, que tu peux consulter ici, définit ce dispositif comme « une sorte d’immense piscine creusée au milieu des champs et qui prélève de l’eau, la plupart du temps dans les nappes phréatiques, pour l’utiliser en irrigation au printemps et en été ».

Ces « piscines géantes » mesurent entre cinq et quinze hectares, et peuvent faire jusqu’à dix mètres de profondeur. En creusant, le remblai, tout ce qui va être enlevé de roche calcaire, va être lissé et plastifié. On y met ensuite l’eau en allant la chercher avec des pompes dans les nappes.

Par exemple, sur le site de Sainte-Soline, il y a 18 km de canalisations à créer, six pompages et 630 mètres cubes par heure 24 h/24 et sur 45 jours pour remplir la méga-bassine.

Projets de méga-bassines en France : où en est-on ?

Aucun chiffre précis n’existe concernant le nombre de projets de méga-bassines en France. Il n’y a pas de chiffrage national pour ces réserves dédiées à l’irrigation agricole. Néanmoins, d’après le site du gouvernement Vie Publique, il y a une centaine de projets actuellement en France.

À ce propos, nous t’encourageons vivement à consulter ce site, qui constitue une plateforme très claire. Il permet un accès à des informations et à des ressources très riches, en libre accès, sur un nombre important de sujets. Il est particulièrement utile pour les sujets portant sur la société française, la démographie, les lois, la géographie et le territoire.

Ce chiffre donné par le gouvernement est cependant très en deçà du recensement fait par les associations écologistes telles que Les Soulèvements de la Terre. Cette dernière en décompte un peu moins de 300, dont une partie importante est encore à l’étude. Le site de cette association propose à cet effet une carte interactive des différents projets envisagés et leur état d’avancement.

Pourquoi ce dispositif ?

Le 22 février était annoncé un record de trente-deux jours consécutifs sans pluie depuis 1959 (date des premières mesures) en France. Ce qui a posé la question des réserves d’eau, en particulier pour l’agriculture.

Toujours selon les données du site du gouvernement français Vie publique, avec une production agricole estimée à 81,6 milliards d’euros en 2021, la France demeure le principal pays producteur européen. Avec près de 17 % de la production totale du continent, loin devant l’Allemagne et l’Italie.

Par la suite, comme tu le sais, le changement climatique entraîne une hausse des températures. Cela a des conséquences directes sur les pratiques agricoles. Certaines cultures sont directement menacées, car elles ne peuvent pas s’adapter à des températures plus élevées.

Pour maintenir l’apport en eau dont certaines plantes ont besoin et en l’absence de mesures consistant à faire évoluer, voire à remplacer les cultures actuelles par d’autres moins gourmandes en eau, il est nécessaire de construire des infrastructures permettant de retenir l’eau de pluie ou de puiser dans les nappes phréatiques.

La bassine de Sainte-Soline en particulier fait partie d’un ensemble de seize retenues, d’une capacité totale de six millions de mètres cubes, programmées par une coopérative de 450 agriculteurs avec le soutien de l’État. Elles visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations et les ressources en eau se raréfient.

Y a-t-il des lieux privilégiés en France pour la construction de retenues d’eau de substitution ?

Si l’ensemble des régions en France sont concernées par ces projets, il reste que certaines exploitent de manière préférentielle ce nouveau dispositif.

Interrogé par Franceinfo, Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS, souligne qu’il y a une présence massive de bassines autour du Marais poitevin, qui s’explique notamment par l’existence d’un sol granitique. L’eau ne peut pas s’infiltrer dans ce sol constitué de roches très denses. Il y a davantage besoin d’arroser. Le nombre d’agriculteurs cultivant du maïs, une plante qui demande beaucoup d’eau, peut aussi expliquer la présence de nombreux projets dans ces régions. En effet, l’ouest de la France est caractérisé par une forte production agricole et une importante concentration d’élevages de bovins, de volailles et de porcs.

En outre, il y a deux types de nappes : une plus en surface et une autre beaucoup plus en profondeur. C’est la nappe en surface, à quelques dizaines de mètres et très réactive, notamment dans le territoire du Marais poitevin, qui permet d’être fluctuante en fonction de la pluviométrie. C’est uniquement l’eau en excès qui y est captée dans ces méga-bassines et qui permet d’avoir une disponibilité en période estivale. D’autres structures comme les retenues collinaires et les barrages permettent la récupération d’eau.

Les raisons d’une si forte opposition à ces projets de méga-bassines

Ces oppositions sont de différentes natures. Dans un podcast réalisé par Radio France daté du 29 novembre 2022, Christian Amblard, directeur de recherche au CNRS et docteur d’État en hydrobiologie, estime qu’il faut absolument retenir l’eau dans les sols et non dans les méga-bassines.

Selon lui : « Il y a à la fois une perte quantitative et qualitative. Ces bassines sont alimentées par de l’eau profonde qu’on monte et qu’on expose au soleil. Il y a deux contre-indications. D’une part, on a une perte quantitative par évaporation qui est extrêmement forte, parce que si on doit irriguer, c’est qu’il fait chaud et qu’il y a énormément d’évaporation. Il faut savoir qu’il y a eu des études qui ont été faites sur les lacs nord-américains, et selon les expositions et la météo, sur l’ensemble d’une période estivale, on perd entre 20 et 60 % des volumes d’eau par évaporation. D’autre part, il y a une perte qualitative, car lorsqu’on fait monter de l’eau qui est dans les sols, on réchauffe sa température, ce qui développe un certain nombre de micro-organismes, parmi eux, on trouve des cyanobactéries qui peuvent être toxiques et qui rendent cette eau parfois même inutilisable, alors que cette eau, quand elle est dans les sols, elle joue un rôle d’unification qui est extrêmement important et utile. »

Une autre critique faite à propos de ces dispositifs de grande ampleur est qu’ils privatisent une ressource considérée comme un bien commun. L’eau est essentielle pour vivre et le fait de s’accaparer de grandes quantités pour une activité économique qui peut causer des risques pour l’environnement est une question qui cristallise les tensions.

Pour en savoir plus sur la gestion des ressources en eau

Tu peux consulter Atlas mondial de l’eau : défendre et protéger notre bien commun, paru chez Autrement, de David Blanchon (2022).

Enfin, il est absolument essentiel que tu consultes le résumé des articles en lien avec le programme du concours 2023 de la BEL et de la BCE en géographie mis en ligne par le site Géoconfluences.

Quelles sont les alternatives à ces méga-bassines ?

Dans un ouvrage de 2016 publié aux Presses universitaires de Rennes, intitulé « L’adaptation aux changements climatiques : les réponses de l’action publique territoriale », Elsa Richard estime qu’il est désormais nécessaire d’adapter les cultures à l’évolution des températures.

En clair, cultiver du maïs dans les zones qui sont presque privées d’eau l’été est mauvais et voué à l’échec. Il vaut mieux substituer ces cultures à d’autres, plus adaptées, comme le sorgho par exemple. Ce document se propose par conséquent de présenter les modalités de déclinaison territoriale de l’adaptation aux changements climatiques dans l’action publique locale en France. En s’appuyant sur quatre études de cas, l’autrice discute l’hypothèse d’une nécessaire territorialisation de l’adaptation aux changements climatiques. Elle évoque également les conséquences de l’intégration de cette adaptation sur les façons de faire et de penser les politiques d’aménagement à l’échelle locale.

Car c’est ce qui est au cœur des défis à venir : la nécessaire interaction entre les acteurs de l’agriculture, les pouvoirs publics français et les défenseurs de l’environnement. Ce qui constitue les piliers du développement durable.

Pour compléter ta préparation pour les épreuves de la BEL, rendez-vous dans la rubrique dédiée aux prépas littéraires en cliquant sur ce lien. Bon courage pour tes révisions !