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Le nord du Mozambique est depuis 2017 en proie à une violente offensive djihadiste. Tu n’es pas au courant de ce qu’il se passe réellement là-bas ? Alors, ça tombe bien, car voici un article qui va te permettre de comprendre ce qu’est la crise « invisible » au Mozambique.

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Les origines du conflit au Mozambique

Le conflit a débuté avec la naissance d’une secte religieuse islamique en 2007. Les premières confrontations avec la police locale ont eu lieu en 2015-2016, mais la violence armée n’a réellement commencé qu’en octobre 2017.

En fait, en octobre 2017, un groupe extrémiste islamiste a lancé des attaques dans la province de Cabo Delgado. À l’époque, cet acte pouvait sembler insignifiant. Néanmoins, il a en réalité marqué le déclenchement d’une insurrection majeure qui a pris pour cible des civils. En effet, la violence a été de basse intensité au début, et principalement dirigée contre les forces de sécurité étatiques. Cependant, l’insurrection a commencé à cibler davantage les civils à partir de 2019.

Le groupe a depuis mené de violentes attaques contre des personnes innocentes, des forces gouvernementales et des installations militaires. Longtemps négligé, ce conflit a pris une dimension internationale quand Al-Shabaab a prêté allégeance à l’État islamique en 2018. Quoi qu’il en soit, la réponse brutale des autorités et l’implication des forces étrangères ont largement contribué à l’escalade du conflit.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Désormais, à Cabo Delgado, près d’une personne sur trois est aujourd’hui déplacée à l’intérieur du pays. Les violentes attaques se sont concentrées sur la côte de Cabo Delgado, de la ville de Pemba à la frontière tanzanienne.

À ce jour, plus de 3 500 personnes ont été tuées dans ce conflit armé et plus de 745 000 ont été déplacées. L’insurrection a néanmoins ralenti il y a environ un an cet été après l’intervention des forces armées rwandaises, puis de la mission de la SADC au Mozambique (SAMIM).

Plus de 540 000 personnes déplacées dans le nord du Mozambique ont toujours un besoin urgent d’abris de base. Elles manquent également d’articles ménagers les plus essentiels.

La situation peut être considérée comme chaotique. En effet, de plus en plus de personnes fuient la région et une épidémie de choléra sévit dans certains districts.

Dette et crise financière

« L’affaire éclate en 2016, lorsque le gouvernement reconnaît avoir emprunté plus de deux milliards de dollars sans prévenir le Parlement ni ses bailleurs de fonds. Aussitôt, le FMI et la plupart des partenaires financiers du pays, l’un des plus pauvres du monde, gèlent leur aide. Maputo est contraint d’interrompre le remboursement de sa dette et sa devise locale, s’effondre. Le jeune État plonge ainsi dans la plus grave crise financière depuis son indépendance en 1975. »

Cet article de Franceinfo est intéressant pour en savoir davantage sur la crise de la dette cachée qui a plongé le Mozambique dans une grave crise financière.

Quelles sont les attentes et les revendications des insurgés du Cabo Delgado ?

Un des plus gros problèmes liés à ce conflit est bien qu’il n’y a justement pas de demande spécifique. Les motivations sont celles du djihad. Sous cette bannière, les insurgés ont fait allégeance à l’organisation État islamique en 2018. Leur affiliation a été officielle en 2019.

En outre, il y a aussi beaucoup de jeunes qui ont rejoint ce groupe d’insurgés en raison de frustrations anciennes liées au sous-développement de la province. Depuis des décennies, le Cabo Delgado est la province avec le plus faible indice de développement humain du pays.

Pourquoi le Mozambique n’a-t-il pas de suite requis l’aide des pays voisins ?

Le Mozambique a une tradition de pays non aligné que le président, Filipe Nyusi, veut respecter. De ce fait, le pays est clair depuis le début et ne veut pas d’intervention militaire extérieure sur son territoire.

Cependant, pour certains, ce refus d’aide extérieure est en réalité une volonté du parti au pouvoir, le Frelimo, qui ne veut pas que ses activités illégales dans le nord du pays soient exposées au grand jour.

Ce n’est qu’après l’attaque traumatisante de Palma en mars 2021 que le gouvernement a changé de cap et a accepté le déploiement de militaires internationaux pour combattre l’insurrection. En juillet, les Rwandais ont envoyé des troupes dans le nord du Mozambique. La mission de la SADC a été lancée en août. Lors d’une opération militairement et symboliquement importante, début août, les forces armées rwandaises et mozambicaines ont repris Mocímboa da Praia aux insurgés.

Comment la crise est-elle perçue par les pays voisins ?

Les pays voisins craignent que cette insurrection prenne de l’ampleur sur le terrain. Ainsi, les gouvernements redoutent qu’elle attire de plus en plus de combattants venus d’autres pays, notamment de pays voisins, qui repartiraient ensuite chez eux avec de nouvelles idées.

Ces derniers pourraient essayer de faire comme ce que les Shebab somaliens ont fait au Kenya. Ils étaient notamment retournés dans ce pays pour perpétrer des attaques terroristes majeures contre des hôtels, des centres commerciaux ou une base militaire américaine sur la côte.

Quels sont les enjeux énergétiques de cette crise ?

Entre 2010 et 2013, les explorations off-shore ont conduit à la découverte d’immenses gisements de gaz sur la côte nord du Mozambique. Ces énormes découvertes ont permis au Mozambique d’espérer sortir d’une situation économique plus que compliquée. Le gouvernement s’est mis à rêver de transformer le huitième pays le plus pauvre d’Afrique (en termes de PIB par habitant) en un futur grand producteur de gaz et de pétrole naturels.

La plupart des grandes compagnies occidentales et asiatiques se sont alors ruées dans la capitale mozambicaine, Maputo, et promirent des investissements vertigineux pour développer le potentiel gazier. En effet, on parlait d’une centaine de milliards de dollars en 20 ans. Cette euphorie gazière a créé l’illusion d’une richesse instantanée et a propagé la vision du Mozambique comme le nouvel eldorado potentiel du XXIᵉ siècle.

Néanmoins, avec le contexte actuel, la manne gazière qui devait prioritairement profiter aux multinationales étrangères et aux élites corrompues ne peut qu’attiser des tensions. Les relocalisations de populations par les majors (grandes entreprises) gazières renforcent encore la crise et placent les communautés locales dans la précarité.

De plus, la protection des populations civiles n’est pas la priorité de l’armée mozambicaine. En effet, cette dernière sécurise en priorité les majors gazières et est coupable des nombreuses violations des droits humains sur les communautés. Elle exacerbe ainsi le ressentiment contre un gouvernement, réélu en 2019 suite à une élection marquée par la fraude et la corruption.

Quelle a été la réaction des multinationales suite aux attaques djihadistes ?

La dégradation de la situation sécuritaire au Mozambique a poussé le groupe Total à suspendre son projet de construction d’un complexe de gaz naturel liquéfié. Invoquant une « force majeure », le groupe a gelé une partie de ses contrats jusqu’à ce que le pays ait rétabli la sécurité et la stabilité. Ce fut un gros coup dur pour le gouvernement mozambicain qui misait énormément sur ces investissements étrangers.

Néanmoins, Total a récemment décidé de relancer son projet au Mozambique avec comme objectif de débuter la production sur son site gazier d’ici à 2026. En effet, le PDG de la société, Patrick Pouyanné, s’est rendu en début d’année à Maputo, où il a rencontré le président Filipe Nyusi.

Quelles sont les retombées de l’exploitation du gaz pour la population mozambicaine ?

Les conséquences de l’extraction du gaz naturel pour les populations locales ont été désastreuses. Les populations prises en étau entre militaires, rebelles et multinationales gazières sont déplacées, privées de moyens de subsistance. Et les violents conflits s’aggravent.

En plus de tous les impacts directs du projet gazier sur les habitants de Cabo Delgado, bien que l’extraction du gaz n’ait pas encore commencé, tous les signaux sont au rouge en termes de retombées économiques et sociales pour le pays. Ce dernier est tombé dans le phénomène de la « malédiction des ressources naturelles », caractéristique de nombreux pays en Afrique ou en Amérique du Sud par exemple.

Le boom du gaz et de son exploitation s’est accompagné d’une augmentation des pratiques de corruption et des inégalités sociales, ainsi que d’une augmentation des conflits et de la violence.

Le gouvernement mozambicain est pris dans un cercle vicieux où exporter de grandes quantités de GNL est le seul moyen de sortir de la dette cachée qu’il a contractée. Le pari s’annonce perdant pour la majorité de la population. 90 % de la production de GNL doit être exportée. Par conséquent, l’objectif de ces projets n’est pas d’augmenter l’accès des populations à l’énergie.

Une crise accentuée par des catastrophes naturelles

 « Le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, est gravement préoccupé par la violence et l’insécurité persistantes dans le nord du Mozambique. Le conflit et les déplacements, aggravés par des phénomènes climatiques extrêmes, ont entraîné une augmentation des besoins de protection – physique, matérielle et juridique – pour des centaines de milliers de réfugiés, de personnes déplacées à l’intérieur du pays ainsi que de membres des communautés d’accueil. »

Voici ce que l’on peut lire sur cet article de l’UNHCR.

Il y a donc une pluralité des facteurs rendant cette crise encore plus complexe et sans solution.

Quelles perspectives futures pour cette crise africaine ?

Comme on peut le lire avec cet article d’Euractiv, l’UE envisage de renforcer son aide militaire pour lutter contre la menace terroriste.

Cette volonté, couplée au retour des activités de TotalEnergies dans la région, est plutôt réjouissante pour le gouvernement mozambicain. Néanmoins, il semble que cela soit bien trop insuffisant pour permettre à la population de sortir de l’extrême pauvreté. La crise sociale et humaine est donc encore loin de toucher à son terme.

Ainsi, cette crise revêt de multiples dimensions : politiques, sociales, humaines, économiques et environnementales. La gouvernance reste l’un des principaux facteurs aggravants. Le gouvernement n’est effectivement pas en mesure de répondre aux besoins de sa population et ne semble pas considérer ces derniers comme prioritaires.

Le Mozambique est donc un exemple original à mobiliser dans de nombreuses dissertations sur le continent africain puisqu’il permet d’aborder tout un tas d’enjeux divers et variés.

À lire aussi : cet article sur l’Ambazonie, pour avoir un maximum d’exemples sur le continent africain pour tes prochaines dissertations !