copie

S’il est intéressant de lire des bonnes copies pour mieux comprendre les attentes des correcteurs, lire une copie analysée peut t’aider à adopter des réflexes qui te feront gagner des points le jour J. C’est pour cela que je vais analyser ma copie de concours de géopolitique ESSEC, dont le sujet était : « La France, puissance d’influence mondiale ? » Je vais analyser ma copie au fur et à mesure de ma rédaction.

Le travail au brouillon

Tout d’abord, au brouillon, tu dois prendre quelques minutes pour bien analyser le sujet, les connecteurs logiques, les conjonctions de coordination (qui peuvent avoir plusieurs sens), les définitions de chaque terme, le pluriel ou le singulier et te demander pourquoi ce sujet a été donné, afin d’en sortir les enjeux, c’est primordial.

Je te conseille de rédiger entièrement ton introduction au brouillon, puis de rédiger les titres de tes parties ainsi que de tes sous-parties sur une feuille en format paysage, que tu quadrilles en parties (trois sous-parties et trois parties). Dans chaque case, tu noteras les deux/trois idées principales ainsi que les exemples et références d’une autre couleur.

Cette méthode demande de la rapidité, car elle doit être faite en une heure afin de ne pas manquer de temps sur la rédaction. C’est donc à toi d’estimer si tu auras le temps ou non. Je te conseille donc de faire un essai sur un sujet pour estimer le temps que tu passerais sur un brouillon en utilisant cette méthode.

La rédaction de l’introduction

Le travail au brouillon est primordial pour ton introduction. C’est une étape clé de la dissertation, car elle influence énormément ta note. En effet, c’est la première impression que tu donnes au correcteur.

Dans ton introduction, doivent apparaître une accroche, qui peut être une citation ou un fait d’actualité, la définition de chaque terme du sujet, éventuellement des bornes chronologiques et des limites spatiales si cela est nécessaire (plus particulièrement pour les sujets dans lesquels il y a une date ou une région/un continent/un pays), une problématisation du sujet et une annonce de plan. Je te conseille de consacrer deux, voire deux pages et demie, à l’introduction afin de dégager tous les éléments clés du sujet, sans trop les détailler.

Voici mon introduction

Lors de ses vœux prononcés à l’Armée le 20 janvier 2023, Emmanuel Macron a promis une enveloppe de 400 milliards d’euros au budget militaire pour 2024-2030, soit une hausse de 30 % par rapport aux années précédentes. Cet engagement traduit une rupture et une prise de conscience de la nécessité d’accroître ses moyens militaires face aux menaces de son environnement mises en évidence par « l’opération spéciale » menée par la Russie de Vladimir Poutine depuis plus d’un an aujourd’hui, mais aussi face aux nouvelles menaces qui pèsent sur les États (asymétriques, hybrides, technologiques…). Ainsi, Emmanuel Macron veut faire de la France une puissance, c’est-à-dire un pays qui a la capacité « de faire, de faire faire, d’empêcher de faire et de refuser de faire » (Serge Sur, Les Relations internationales, 1995), qui a les moyens de s’imposer dans le monde et donc d’influencer le cours des événements. Pour définir la France, on distingue souvent la France métropolitaine de la France d’outre-mer (DROM et COM). Cette dernière s’étend sur 600 000 km² et fait de la France le pays qui dispose de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) avec 10 000 km² derrière les États-Unis (11 000 km²). Elle est la troisième économie européenne et la sixième mondiale avec un PIB (produit intérieur brut) de 2 000 milliards d’euros. Si l’on s’appuie sur les critères classiques de la puissance définis par Hans Morgenthau dans Politics Among Nations (1948), la France est indéniablement une puissance. Toutefois, il convient de s’interroger sur son domaine d’influence. L’influence peut être définie comme la capacité de guider les opinions, d’attirer dans son sens. L’influence ne se limite pas au soft power, mais un pays d’influence mondiale doit logiquement militer dans les grandes décisions et surtout faire entendre sa voix dans les instances internationales, afin de séduire de nouveaux acteurs. La France est-elle une puissance d’influence mondiale ? Car dans un monde qui s’est ouvert dans un contexte de mondialisation dans les années 1980, c’est-à-dire « l’échange généralisé entre les pays, l’espace mondial devenant alors l’espace de l’humanité » selon Olivier Dollfus, la puissance française s’est vue concurrencée par de nouveaux acteurs qui semblent avoir amorcé son déclin (pays, FTN, ONG). Le déclin est un thème récurrent dans le discours politique français, il est « l’avatar d’une pensée congelée qui ressort tous les dix ans (J.-P. Raffarin). Or, la France a toujours rayonné dans le monde par un soft power inégalable, mais le monde change et les critères de la puissance évoluent et la France peine à s’adapter. Toutefois, elle dispose des atouts de la puissance et surtout de la volonté de conserver une influence mondiale. De plus, la Commission européenne d’Ursula von der Leyen se veut géopolitique et pourrait bien être un multiplicateur de puissance pour une France qui veut s’imposer à l’échelle mondiale, alors qu’elle est de plus en plus contestée dans ses anciens territoires (retrait du Mali et du Burkina Faso) et connaît une profonde crise intérieure.

Nous nous demanderons si la France a toujours les moyens de s’imposer comme une puissance dans un monde désormais multipolaire, voire « apolaire » (Laurent Fabius), où les deux grands (Chine et États-Unis) « exercent de manière plus musclée leurs rivalités » (Pascal Lamy) et les puissances révisionnistes déstabilisent l’ordre occidental qu’elle promeut ou bien est-elle destinée à être une puissance d’influence régionale dans une Europe qui doit faire face au « retour de la guerre » (François Heisbourg). Pour cela, nous verrons tout d’abord que, dans un monde marqué par l’avènement de la mondialisation, la France peine à faire entendre sa voix face à de nouveaux acteurs et à se redéfinir face aux nouveaux critères de la puissance (I). Ainsi, elle est indéniablement confrontée à un déclin à l’échelle mondiale et notamment dans ses anciennes colonies, nous étudierons le cas de l’Afrique, mais aussi aux échelles européenne et nationale (II). Finalement, nous verrons qu’elle conserve les atouts de la puissance et la volonté de la puissance, mais nous verrons que c’est à l’échelle européenne que sa puissance est la plus adaptée (III).

Remarques

Comme tu peux le constater, je commence ma copie par une accroche concernant une actualité récente. Je trouve que c’est le plus pertinent pour commencer une copie. En règle générale, je te conseille de noter 2/3 exemples d’actualité par chapitre à partir de janvier. Pas la peine de t’éparpiller, si tu en notes trop, tu ne les retiendras pas ! Garde les deux qui t’ont le plus marqué(e).

Évidemment, je ne me contente pas de « jeter » ce fait d’actualité et de passer à autre chose. Il faut faire une transition progressive. J’ai fait une brève analyse de mon accroche : « Ainsi, Emmanuel Macron veut faire de la France une puissance… » Tu remarqueras au passage que je définis chaque terme important, ici puissance, puis je passe à la définition de la France.

Ensuite, j’ai l’habitude de faire un premier constat simple et rapide, que je remettrai ensuite en question : « Si l’on s’appuie sur les critères classiques… la France est indéniablement une puissance. » Puis, je remets cette affirmation en question : oui, la France est influente, mais comment se définit l’influence ? Il faut se questionner sur les types d’influence : régionale, mondiale, etc.

Cela me permet d’aborder le thème du déclin par la suite. Après avoir effleuré une bonne partie du sujet, je peux détailler ma problématique ainsi que mon plan. Concernant mon plan, je pars d’un constat pour la première partie que je développe, je vais plus loin dans la deuxième partie. Dans une troisième partie, je nuance en mettant en avant les atouts de la France.

Intéressons-nous au développement

Tu constateras à la lecture de ma copie qu’avant chaque grande partie, je rédige quelques phrases de transition qui me permettent également d’annoncer mes sous-parties. Annoncer ses sous-parties n’est pas obligatoire, mais je te conseille de le faire, car ça permet au correcteur d’y voir plus clair dans ta partie, qu’il lira très certainement très rapidement.

Pour rappel mon I) était « Dans un monde marqué par l’avènement de la mondialisation, la France peine à faire entendre sa voix face à de nouveaux acteurs et à se redéfinir face aux nouveaux critères de la puissance ».

Je reprends la même logique pour mes sous-parties : Constat au début : A) Alors que (…), les deux guerres mondiales ainsi que la guerre froide ont amorcé le déclin de l’influence mondiale française. Facteur aggravant : B) L’entrée dans la mondialisation avec l’émergence de nouveaux acteurs l’a reléguée au second rang au niveau économique. Je vais un peu plus loin tout en restant dans le sujet : C) Les critères de la puissance évoluent et la France peinent à se réinventer.

Tu remarqueras que j’essaye un maximum de faire référence à des termes du sujet (influence, puissance) pour évite le hors-sujet et le mettre en avant auprès du correcteur. Aussi, j’ai l’habitude de faire une première sous-partie historique pour mettre en contexte le sujet (uniquement dans la première grande partie). Ici, j’évoque les révolutions industrielles, notamment la première, car c’est celle qui a établi pour la première fois la puissance économique de l’Europe et de la France.

De plus, l’exemple des révolutions industrielles me permet de basculer sur le déclin de la France, car elle me permet d’évoquer les guerres, qui ont fortement affaibli son économie. Ensuite, de manière chronologique je parle de la mondialisation et de ses conséquences : concurrence des pays à faibles coûts de main-d’œuvre, délocalisation des industries… Après avoir évoqué l’affaiblissement de la puissance de la France, je peux aborder les critères de la puissance et leur évolution. Traiter le cas de l’évolution des critères de la puissance dans ce sujet est primordial, car être une puissance au XXe siècle n’est pas la même chose qu’être une puissance au XXIe siècle.

Tout au long de mon développement, j’inclus bien sûr des références et des chiffres précis pour donner de la crédibilité à mes propos.

Passons à la deuxième partie.

Pour annoncer ma deuxième partie, je fais une référence à ma première partie (voir première phrase). Dans cette partie, je vais évoquer les différentes échelles de la puissance française :

  • Échelle nationale : A) La crise intérieure du pays.
  • Échelle européenne : B) Les ambitions françaises sont contrariées à l’échelle européenne.
  • Échelle mondiale : C) Contestations dans les anciennes colonies : étude du cas du rejet de l’influence française en Afrique.

Comme tu le verras, j’ai intégré une étude de cas à ma troisième sous-partie et je l’explicite très clairement, car une nouvelle fois, le correcteur va lire très rapidement ta copie. Donc, si tu n’écris pas clairement que tu vas faire une étude de cas, il ne le remarquera peut-être même pas !

Une nouvelle fois, je fais en sorte que mes transitions soient fluides et que mon développement soit enrichi en références et chiffres. C’est ce qui fera la différence avec une autre copie. Attention tout de même à ne pas trop en faire…

Dans ma troisième partie, je nuance mes propos, car on ne peut pas ne pas évoquer les facteurs de puissance de la France. Pour cela, dans une première et une deuxième sous-partie, j’évoque le fait que la France demeure une puissance majeure pour différentes raisons. Dans la dernière sous-partie, qui clôturera mon développement, je réponds au sujet en expliquant pourquoi la France est une puissance, mais une puissance qui s’exerce à l’échelle européenne plus que mondiale.

Dans la première sous-partie, je me concentre sur le territoire français qui est un atout majeur à sa puissance. Je fais particulièrement référence à la présence française en Asie, espace clé de la mondialisation. Ensuite, de manière plus générale, je mets en avant les atouts de la France : langue, culture, gastronomie, grandes entreprises… Finalement, j’explique en quoi la France est une puissance européenne.

Pour conclure, je reprends rapidement ce qui a été fait dans mon développement et j’explique ma démarche : pourquoi je l’ai fait. Ici, je n’ai pas fait d’ouverture, certainement par manque de temps, mais il aurait pu être intéressant d’en faire une. Par exemple, on aurait pu se poser la question de ses relations avec le reste du monde : comment ses relations influencent-elles la puissance française ?

Que retenir de cette copie ?

Les exigences sur la forme sont respectées : copie aérée, différentes parties visibles, pas ou peu de fautes d’orthographe, une introduction respectant les exigences types (amorce, définitions, cadrage historique, plan), la conclusion est là (bien qu’elle manque d’une ouverture).

Le raisonnement repose sur des parties solides, qui comportent à la fois des références classiques (absolument nécessaires) et des références empiriques plus précises.