Dans cet article, nous verrons la méthodologie de l’analyse multiscalaire à appliquer dans les dissertations de HGGMC. C’est un élément clé pour réaliser une bonne copie.
Pourquoi faut-il faire une (sous-)partie multiscalaire dans sa dissertation ?
Apporter de la finesse à l’analyse du sujet
Réaliser une analyse multiscalaire montre une appréhension du fond du sujet, mais également de sa forme. Certains sujets, dans leur formulation, dans les espaces qu’ils demandent d’étudier, dans les notions auxquelles ils font appel, correspondent parfaitement à une approche par plusieurs échelles.
Ainsi, on montre que l’on a une connaissance locale, détaillée, qui nous permet de resserrer la focale sur des points précis.
Intégrer une dimension géographique, trop souvent oubliée, en comparant les territoires
En ce qui concerne l’analyse multiscalaire, elle est proprement géographique et permet de se démarquer, car beaucoup de candidats omettent cette dimension de la matière dans leurs dissertations. Il convient de préciser que le multiscalaire n’est pas du multidimensionnel, quoique directement en lien avec ce dernier.
« Cette démarche consiste à considérer l’inscription des différents phénomènes étudiés à une échelle géographique pertinente, et à recenser les intersections, les chevauchements qui s’opèrent selon les échelles. » (« L’analyse multiscalaire et multidimensionnelle » dans Manuel de géopolitique)
De fait, le multiscalaire permet l’étude approfondie d’un phénomène à l’échelle régionale, nationale et locale. On ne laisse donc pas de côté les enjeux infraétatiques. En effet, la géopolitique part d’abord du local, elle y prend sa source.
Je conseillerais de ne pas réaliser un plan de dissertation entier sur le modèle multiscalaire, au risque de ne pas pouvoir réaliser assez de liens entre chaque partie et de paraître ajouter les « tiroirs » les uns après les autres. A contrario, j’opterais pour une partie ou sous-partie, accompagnée d’aspects historiques, thématiques, prospectifs, typologiques…
Le correcteur appréciera la variété du propos et les liens établis entre les parties. Montrer que l’on a plusieurs cordes à son arc est nécessaire, et les différentes « techniques » d’analyse en géopolitique sont là pour te guider dans cette démarche.
Dans quel contexte peut-on réaliser une étude de cas multiscalaire ?
Certains sujets se prêtent particulièrement à l’apport d’une partie ou sous-partie multiscalaire. On retrouvera ce type de raisonnement le plus souvent lorsque l’on traite des thématiques transversales appelant à examiner l’impact et les manifestations du phénomène sur différents territoires, ses évolutions dans le temps, ses aspects, etc.
Plus généralement, lorsque le sujet n’a pas de bornes géographiques, on peut s’attendre à pouvoir intégrer une étude multiscalaire. Toutefois, le multiscalaire est pertinent dans tout sujet qui met en œuvre des notions impactant différemment les régions du monde, même appliquées à un contient en particulier.
En 2023, au concours, il était intéressant de s’essayer à cet exercice :
- Dans le sujet d’ESSEC/EDHEC « La France, puissance d’influence mondiale ? », pour détailler la projection de la puissance française selon les régions du monde, et notamment la différence d’intensité en fonction des continents (Europe, Sahel, océan Pacifique…).
- Dans le sujet 1 Ecricome « Les FTN sont-elles auxiliaires ou concurrentes à la puissance des États ? », en montrant la façon dont les FTN se déploient sur et entre les territoires étatiques, leur « dimension transcalaire » (Cynthia Ghorra-Gobin).
- Dans le sujet HEC/ESCP « Instabilités et violences en Amérique latine », on compare les manifestations et les conséquences de l’insécurité économique, politique, criminelle entre les pays, entre les régions d’un même pays (exemple : le Brésil est un pays très contrasté, les littoraux accueillent les cœurs économiques du pays [triangle de croissance Rio, Sao Paulo, Belo Horizonte], le Mato Grosso est une région agricole de grands propriétaires terriens, tandis que les régions amazoniennes subissent l’enclavement et la pauvreté).
La méthodologie
Introduire l’analyse multiscalaire
Tout d’abord, il est important d’introduire une analyse multiscalaire sans que cela paraisse trop artificiel. On va alors écrire de brèves phrases introductives présentant l’idée qu’on approfondit un pan du sujet en resserrant progressivement la focale.
Ceci est fait de façon à mettre en exergue les contrastes, les similarités, les différentes intensités que produit un phénomène sur les territoires étudiés.
Concrètement, il faudra faire apparaître des expressions comme :
- « différentes conséquences » ;
- « disparités entre les territoires » ;
- « gestion du phénomène X à différentes échelles »…
Exemple : on veut réaliser une étude multiscalaire du lien entre difficultés de développement et économie criminelle. On va donc introduire notre étude de cette façon au début d’une partie, ou d’une sous-partie :
« L’économie criminelle mondiale reflète l’organisation réticulaire du monde et s’inscrit dans une logique multiscalaire, concernant des acteurs d’envergures diverses. Les conséquences des activités criminelles sont d’autant plus prégnantes qu’elles touchent les territoires en profondeur. Elles agissent régionalement, formant des réseaux internationaux et infraétatiques, mais aussi localement dans le quotidien des populations concernées par les échanges, ce qui s’inscrit en défaveur de la stabilité économique des zones touchées. »
Nous montrons ici que l’on va approfondir l’impact des activités criminelles sur les territoires à plusieurs échelles. Pour cela, nous donnons brièvement les points importants qui concernent chaque zone. Cela permet d’annoncer implicitement une présentation multiscalaire.
Lier les différentes échelles entre elles, les comparer
A fortiori, il est primordial de montrer que l’on compare les situations à différentes échelles. Ce qu’il se passe à une échelle peut avoir des conséquences ou bien être la résultante d’événements à d’autres échelles. Certains phénomènes régionaux peuvent s’expliquer par des logiques et dynamiques locales, et inversement. Il peut également y avoir de grands contrastes entre les deux.
Ce qui importe, ce sont les phrases transitoires entre chaque paragraphe présentant une échelle pour créer du lien avec les propos déjà établis.
Voici donc, sur le thème de la criminalité , un exemple de l’article « L’analyse multiscalaire et multidimensionnelle » (Manuel de géopolitique) :
« Le phénomène des rivalités des gangs de quartiers s’analyse à la très grande échelle des quartiers de la ville. Cependant, l’analyse de ce phénomène ne serait pas complète sans la mise en perspective, par exemple, des activités de ces gangs dans des réseaux, lesquels doivent être appréhendés à des échelles plus petites, l’agglomération urbaine, la région, voire le pays et ses relations avec les réseaux extérieurs ; ou du rapprochement des activités des bandes criminelles avec la géographie socioéconomique des villes. »
Développer ses exemples
Enfin, le multiscalaire permet de développer amplement des exemples précis. Dans le cadre d’une analyse multiscalaire, on réfléchit à toutes les échelles et surtout à décrire ce qui se passe à ces différentes échelles. Alors, être précis dans la restitution d’exemples est primordial.
Les exemples illustrent le propos : à l’image de la carte du géographe, ils offrent un tableau spatial de la situation.
Comment développer un exemple :
- Décrire le contexte, l’environnement économique et politique dans lesquels le phénomène advient.
- Préciser les acteurs et leurs implications (intérêts, conséquences…).
- Le mettre en lien avec l’analyse générale apportée concernant le phénomène étudié, expliquer pourquoi il l’illustre, par quels aspects.
- Inclure des citations d’auteur, des œuvres qui font écho.
Un exemple concret
Sujet : Les Amériques : un espace clivé ?
Sur ce sujet, que je te laisserai le loisir d’analyser si tu en as l’envie, je te soumets une brève étude multiscalaire dans laquelle je propose de décrypter des contrastes économiques sur le continent à l’échelle régionale et infraétatique.
Les Amériques sont bien plurielles. On observe de très importants contrastes socioéconomiques entre les pays, mais aussi au sein des États. C’est un espace marqué par les disparités.
Tout d’abord, le schisme est réel entre un bloc économique très bien développé au nord, et une diversité économique notable dans les pays d’Amérique latine, lesquels sont en grande partie encore partiellement intégrés à la mondialisation et dont la vulnérabilité est notable du fait de l’instabilité politique.
Pour prendre la mesure des différences de niveau économique des pays d’Amérique, on peut distinguer plusieurs « groupes » économiques dans lesquels entrent les États d’Amérique. Si les États-Unis sont la première puissance mondiale en PIB nominal, le Brésil est le seul grand émergent du continent (membre des BRICS), tandis que de petits émergents (comme le Mexique) s’insèrent moins facilement au cœur des échanges mondiaux (le Mexique est membre de l’ACEUM, mais il est surtout un appendice des États-Unis en termes économiques), et que la majeure partie des pays de cet espace (Chili, Uruguay, Argentine) sont marqués par une économie rentière encore primarisée. Enfin, un grand nombre de nations américaines ont une économie précaire (Guyane, Venezuela, Colombie…) et sont désavantagées par l’instabilité politique et criminelle qui sévit. Le seul PMA du continent est Haïti, séparé de la République dominicaine par une frontière murée pour stopper les flux migratoires.
Toutefois, les fractures économiques sur le continent ne s’observent pas uniquement à l’échelle internationale. Certains pays d’Amérique du Nord et du Sud sont fragmentés nationalement, ce qui accentue leurs difficultés face à d’autres pays. Le Brésil, qui pourtant est un membre des BRICS, puissante dite « émergée » selon H. Théry, est un territoire très inégalitaire. Tandis que la région dynamique encadrée par le triangle de croissance Rio de Janeiro-Sao Paulo-Belo Horizonte est un cœur de la mondialisation, très actif dans les échanges maritimes, et que la région du Mato Grosso accueille les grands propriétaires terriens vivant de la rente exportatrice du pays, d’autres espaces sont en grande précarité. En effet, ils connaissent une insécurité alimentaire importante et une criminalité élevée. C’est le cas du Grand Este, mais aussi des territoires amazoniens. Ces derniers subissent la déforestation massive et l’avènement de la piraterie.
Enfin, si l’on resserre encore la focale, on s’aperçoit que les contrastes subsistent à l’échelle locale et caractérisent la ségrégation sociospatiale tout autant que les dynamiques des activités économiques disparates qui participent à différencier les régions. Le cas le plus emblématique est celui des Maquiladoras, usines américaines implantées à la frontière américano-mexicaine, et qui emploient à bas prix des ouvriers mexicains. Cet espace dévoile une organisation économique dont les avantages sont disproportionnés pour les parties prenantes. Cela révèle les disparités économiques des pays en question.
N. B. : Il aurait pu être très intéressant de détailler l’exemple des favelas de Rio pour la ségrégation sociospatiale.
Conclusion
Cet article t’a offert des clés méthodologiques pour briller en analyse multiscalaire. Le mot d’ordre à retenir est ici « précision » dans les analyses, dans les exemples utilisés… S’il t’a intéressé, tu peux consulter tous nos articles de HGGMC en cliquant ici.