Brésil

Dans cette période de révisions, il est très utile de s’entraîner un maximum à la méthodologie de la dissertation. Voici une proposition d’analyse d’un sujet plutôt type colle : Le Brésil voit-il trop grand ?

L’analyse du sujet

Méthodologie

Ce qu’on remarque au premier abord, c’est la notion d’ambition à travers l’interrogation de la proposition « voit trop grand ». Cette ambition est d’emblée à analyser à la lumière du contexte du pays. Il advient d’argumenter s’il existe effectivement un écart, un fossé entre les ambitions affichées et la réalité du pays. Ainsi, une partie nuançant le propos est absolument nécessaire. La question repose à la fois sur le fait d’observer, d’analyser et de mesurer cet écart entre la volonté démontrée et la réalité, mais aussi de comprendre les raisons de cet écart : est-ce un discours populiste ? Le pays manque-t-il de moyens économiques ?

De plus, le choix de l’article défini « le » est à questionner : l’unité du Brésil peut être interrogée rapidement.

Ensuite, ce sujet n’a pas de bornes temporelles, il convient de réfléchir à quand commencer notre analyse. Plusieurs points de départ sont possibles tant qu’ils couvrent l’histoire récente du pays (depuis 1980). Par exemple, on peut commencer notre analyse à partir de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle le Brésil a joué un rôle actif et a aspiré à jouer un rôle plus important dans les affaires mondiales.

Enfin, il est conseillé sur ce type de sujet de ne pas oublier un pan clé du Brésil. Autrement dit, il s’agit de faire un plan multiscalaire et d’étendre l’analyse aux champs à la fois historique, géopolitique, économique, social, culturel, technologique et environnemental.

La thématique

Ici, la question abordée relève du programme de deuxième année sur l’Amérique latine, mais des notions liées à la puissance, à l’affirmation, au développement et à la mondialisation de la première année seront nécessaires.

Problématique possible

La problématique peut alors être la suivante : le Brésil est-il une puissance fragile qui n’a pas les moyens de ses ambitions géopolitiques régionales et mondiales ?

Proposition de plan détaillé

Introduction

Accroche possible

En août 2023, le Président Lula avait annoncé la relance du programme « Nouveau pacte d’accélération de la croissance » (PAC). Il s’agit d’un programme de grands travaux prévoyant des investissements publics et privés de près de 317 milliards d’euros pour « remettre le pays sur le chemin de la croissance ».

I. Des ambitions régionales en accord avec sa puissance

A. Les atouts et les contraintes du territoire

  • Immensité du territoire : cinquième pays du monde en superficie
  • Ressources : minérales (fer, bauxite, manganèse), pétrole, gaz naturel, agricoles (soja, café, canne à sucre, maïs), forêt amazonienne
  • Dynamisme démographique : croissance naturelle élevée, diminution de la mortalité infantile
  • Firmes multinationales : un total de 51,7 milliards de dollars d’IDE en 2021, selon les données de la Banque centrale du Brésil
  • Fait partie des BRICS
  • Unité ou diversité du pays ?
    • La diversité brésilienne s’incarne dans le multiculturalisme, les inégalités sociales, l’existence de partisans d’une mondialisation libérale dans un des foyers de l’altermondialisme

B. Après la décennie perdue de développement, le Brésil est devenu un pays émergent

  • Croissance économique sous Lula
  • Conjoncture favorable
  • Septième puissance mondiale, mais première puissance latino-américaine
  • Notions de « puissance fragile » ou « puissance ambiguë » = une grande puissance économique mondiale, mais le Brésil reste un pays en développement
  • Ambitions brésiliennes : être un pays moteur de la lutte contre l’hégémonie états-unienne en Amérique

C. Le Brésil dispose de moyens de se positionner en leader régional

  • Affirmation des ambitions géopolitiques durant la dictature militaire (1961-1985)
  • Chef de file de l’intégration régionale au sein du Mercosur
  • Contestations du leadership brésilien au sein de la région (dénonciation d’un néo-impérialisme, colonisation agricole du Paraguay)

II. Le Brésil : une puissance émergente qui déploie une « diplomatie imaginative », selon le chercheur à l’IRIS, Jean-Jacques Kourliandsky

A. De la puissance régionale aux BRICS

  • Sortir de la tutelle états-unienne sous Lula : le Brésil a évité que le dollar ne devienne la monnaie dans le Mercosur

B. Une diplomatie active : un porte-parole des Suds ?

  • « Tentative de désenclavement géopolitique », selon le géopolitologue français François Thual, développement d’un réseau d’ambassades et de consulats dans le monde, surtout sous Lula
  • Membre G20 depuis 1999, réclame un siège permanent au Conseil de sécurité (opposition de l’Argentine et du Mexique)
  • Construction d’une puissance militaire : entre 2004 et 2007, le Brésil a pris la tête d’une opération de maintien de la paix en Haïti (MINUSTAH), ce qui est totalement inédit pour un pays d’Amérique latine
  • Soft power original
    • Culture brésilienne rayonnante (musique, carnaval de Rio, Coupe du monde de football en 2014, JO de 2016)
    • Le Brésil anime la communauté des pays lusophones > CPLP (1996, Communauté des pays de langue portugaise) : Angola, Brésil, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Mozambique, Portugal, São Tomé-et-Príncipe, Timor oriental

III. Cependant, des ambitions mondiales compromises en raison de fragilités internes

A. Des fractures au sein de la société

  • Inégalités sociospatiales :
    • Coefficient de Gini de 0,53
    • Inégalités territoriales :
      • Régions du Sud et Sudeste développées et très intégrées, Nordeste en marge, Amazonie
      • Le géographe français Hervé Théry explique ce phénomène par la métaphore suivante : « La Suisse, le Pakistan, le Far West » coexistent au sein du Brésil
    • Inégale répartition des terres : le Mouvement des sans-terre
    • Question amérindienne et des peuples indigènes
  • Affrontements politiques
    • Scandale de corruption Petrobras
    • Manifestations antigouvernementales de 2015 et 2016 pour réclamer la destitution de la Présidente Dilma Rousseff (trois millions de manifestants le 13 mars 2016)
  • Autres défis
    • Pauvreté, criminalité, vieillissement

B. Un ralentissement économique

  • Faiblesses économiques, réformes structurelles, crise économique qui mènent à une crise sociale
  • 13 % de chômage en 2020 et 2021

C. Des ambitions diplomatiques contrariées

  • Divisions au sein des BRICS
  • Échecs diplomatiques : sur le dossier iranien après la signature de l’accord entre Téhéran, la Turquie et le Brésil

Conclusion

Ainsi, grâce à sa puissance économique, son poids démographique et ses atouts culturels, le Brésil a su s’imposer comme chef de file régional. Il reste toutefois hésitant sur la place à occuper dans le monde. Trop fragile pour s’afficher comme puissance mondiale incontournable, il est déjà trop puissant pour représenter les pays en développement.

Sa place de puissance reste difficile à trouver. De ce fait, grâce à la « diplomatie imaginative » de Lula, il a tout de même pu bouleverser les hiérarchies de puissance. Le Brésil pourrait donc incarner l’émergence d’une « nouvelle Amérique latine en train de naître », selon l’économiste français Pierre Salama. Reste à refermer la page de la crise politico-économique de 2015-2016 qui a ébranlé tout le pays.

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