Argentine

Le second tour de l’élection présidentielle en Argentine a eu lieu entre le 19 et le 20 novembre 2023. À l’issue du scrutin, Javier Milei, un antisystème aussi surnommé le « candidat à la tronçonneuse », a été élu président de la nation argentine. Le nouveau chef de l’État devrait prendre ses fonctions le 10 décembre prochain pour un mandat de quatre ans. Il prévoit une série de réformes structurelles totales et considère qu’il n’y a pas de place pour les « demi-mesures ». À la tête d’un pays surendetté et qui connaît de nombreuses crises, le nouveau président sera face à de nombreux défis. À l’issue de cette élection, les réactions internationales n’ont pas tardé et se montrent relativement divergentes.

Qui est Javier Milei ?

Le « candidat à la tronçonneuse », Javier Milei, est un économiste considéré comme ultralibéral et classé à l’extrême droite de l’échiquier politique argentin. Il est membre du parti libertarien (La libertad avanza) fondé en 2021 et considéré comme proche de Donald Trump. Mais il ne s’engage en politique qu’à partir de 2020. Il a été élu député en décembre 2021.

Il dénonce la « caste politique » remplie de politiciens qui, selon lui, n’ont jamais travaillé et sont inutiles.

Javier Milei est candidat à l’élection présidentielle de 2023 avec, pour principal objectif, la mise en place d’un État strictement régalien. Le 19 novembre 2023, le candidat d’extrême droite remporte l’élection avec 55 % de voix face à l’actuel ministre de l’Économie argentin, Sergio Massa, qui reconnaît pleinement sa défaite et félicite son adversaire.

Les défis multiples du nouveau président de l’Argentine

L’Argentine connaît actuellement une crise socio-économique majeure, que le nouveau gouvernement devra résoudre. Sur le plan économique, la troisième économie d’Amérique latine détient une dette qui atteint presque les 400 milliards de dollars. Une dette colossale que l’Argentine peine à régler depuis plusieurs années maintenant. Cette dette publique comprend notamment une dette envers le Fonds monétaire international (FMI) de 44 milliards de dollars et d’autres dettes à l’égard de pays étrangers, dont la Chine.

La présidente du FMI s’est dite prête à travailler avec le nouveau président argentin, Javier Milei. Les deux responsables se sont par ailleurs déjà entretenus par téléphone.

Sur le plan social, l’Argentine connaît une forte précarité où environ 44 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le pouvoir d’achat des ménages ne cesse de diminuer, avec une inflation record qui approche actuellement les 150 % sur un an.

Le programme et les revendications du nouveau président

L’Argentine, bientôt un État strictement régalien ?

Le nouveau président argentin propose un plan radical, aussi surnommé « plan à la tronçonneuse », faisant référence à certains de ses meetings, où le candidat tenait une tronçonneuse à la main pour illustrer son souhait de découper dans les dépenses publiques (réduire de 15 % les dépenses publiques).

L’économiste ultralibéral prône en effet pour un État très régalien comme il en existe très peu. Pour ce faire, il a l’intention de supprimer de nombreux ministères, pourtant centraux dans la majorité des pays, comme celui de l’Éducation, de l’Environnement, de la Santé, des Femmes, et ainsi privatiser de très nombreux secteurs.

Si Javier Milei réussit à mettre en œuvre ses réformes, une diminution drastique des ministères devrait se faire. Ce qui devrait réduire les compétences de l’État au profit d’entreprises privées et ainsi réduire de 15 % les dépenses publiques. Dans l’optique d’arriver à ses fins, Javier Milei veut notamment arrêter les subventions et supprimer les taxes à l’exportation.

Vers une dollarisation de l’Argentine

Afin de réduire les risques économiques, le nouveau président souhaite conduire l’Argentine vers une dollarisation de l’économie. Au programme, abandonner le Peso argentin au profit du dollar américain, économisé depuis déjà plusieurs années par les Argentins. L’Argentine est le troisième pays au monde à détenir le plus de dollars physiques.

Pour clôturer cette réforme de dollarisation, Javier Milei souhaite même fermer et supprimer la Banque centrale. Pour l’opposition, il s’agit d’une bêtise, d’autant qu’elle considère que chaque pays développé dispose de sa propre Banque centrale.

Quelle politique étrangère pour Javier Milei ?

Tout d’abord, les relations avec son grand voisin, le Brésil, pourraient se tendre. De même avec son partenaire, la Chine, déjà qualifiée par le nouveau président de « communiste » lorsqu’il était candidat à la présidentielle argentine. Javier Milei préfère se tourner vers les États-Unis.

Autre sujet tendu, le nouveau président estime que l’Argentine dispose d’une souveraineté « non négociable » sur les Malouines. Les Malouines sont composées de 750 îles d’une superficie totale supérieure à 12 000 kilomètres carrés qui appartiennent depuis 1982 au Royaume-Uni, mais qui avaient appartenu avant à l’Argentine. L’Argentine qui a perdu le contrôle de ces îles à l’issue d’une guerre contre le Royaume-Uni.

Néanmoins, Javier Milei semble vouloir privilégier la voie diplomatique dans cette affaire sensible. Mais, pour le Royaume-Uni, il n’est pas question de céder ces îles, position justifiée par le fait qu’un référendum a déjà eu lieu sur cette question en 2013 et où 99 % des 3 000 habitants de ces îles ont voté pour rester un territoire britannique d’outre-mer.

Après la victoire de Javier Milei, des réactions internationales mitigées

Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Malgré les critiques de son désormais futur homologue, le président brésilien Lula da Silva souhaite bonne chance au nouveau président argentin. Il en est de même pour la Chine qui souhaite une « coopération gagnant-gagnant ».

Côté américain, le secrétaire d’État, Antony Blinken, estime que cette élection est la démonstration de la solidité démocratique de l’Argentine en raison d’un fort taux de participation et de la tenue pacifique du scrutin. Il indique aussi que les États-Unis sont prêts à travailler avec Javier Milei sur les « priorités communes ». De son côté, l’ex-président Donald Trump se réjouit bien plus de cette victoire en déclarant la phrase suivante traduite en français : « Je suis très fier de toi. Tu vas transformer ton pays et faire de l’Argentine à nouveau un grand pays. »

De son côté, le président chilien, Gabriel Boric, a salué la victoire de Javier Milei ainsi que la reconnaissance de la défaite du ministre de l’Économie argentin. Quant à lui, le président Gustavo Petro s’est montré plutôt préoccupé par la montée de l’extrême droite, mais en affirmant qu’il s’agissait du choix des Argentins et que la Colombie le respecterait et qu’il serait prêt à travailler avec le nouveau président.

Les Européens aussi ont commenté cette élection. Charles Michel, président du Conseil européen, a déclaré avoir apprécié travailler avec le président sortant et appelle également le nouveau président à une coopération entre l’Argentine et l’Union européenne. Emmanuel Macron a également félicité Javier Milei pour son élection, en soulignant toutefois que l’aspect international était un enjeu important.

Conclusion

De très nombreux défis attendent le nouveau président argentin, tant sur le plan de la politique intérieure que sur la politique étrangère. Sur le plan de la politique intérieure, le nouveau gouvernement devra résoudre la dette chronique que connaît l’Argentine et améliorer le pouvoir d’achat des ménages, afin d’essayer de réduire le taux de pauvreté. Côté politique étrangère, Javier Milei devra coopérer avec l’ensemble des acteurs internationaux, malgré de nombreuses divergences.

Toutefois il pourrait devoir revoir sa copie en raison de l’absence de majorité au Congrès, où aucun parti ne dispose de cette majorité. De plus, son parti, La Libertad avanza, ne dispose d’aucun gouverneur de région. Ainsi, mettre en place un programme totalement antisystème pourrait devenir plus compliqué que prévu pour le nouveau président qui devra composer avec des forces politiques différentes. Affaire à suivre…