Nous évoquerons ici la question de la défense de l’Europe occidentale qui est une nécessité dans un monde désormais multipolaire faisant face à un retour des conflits (notamment aux portes de l’Europe) depuis la fin de la guerre froide. D’un autre côté, cette dernière pose des problèmes en termes de réalisation pratique ou de traumatismes historiques. Nous y évoquerons également l’intérêt ou le désintérêt d’une telle défense, non seulement pour les pays européens, mais également pour d’autres pays comme les États-Unis ou la Russie.
Introduction
Dans son article « L’Europe face à la guerre en Ukraine » du RAMSES 2023, Nicole Gnesotto évoque la question de la défense collective de l’Europe, qui reste encore aujourd’hui inaboutie malgré les récents événements. En effet, face à l’agression russe en Ukraine, les Européens ont non seulement dû faire face à l’effondrement de leur vision pacificatrice du commerce, mais aussi de leur vision du monde et de leurs idéaux.
Étonnamment, les dirigeants européens ont réagi rapidement avec une grande fermeté face à la Russie. Pour autant, ces réponses fermes restent encore largement conditionnées à la nécessité d’un outil militaire européen capable de pouvoir les justifier.
Analyse, carte et légende
L’Europe occidentale
La notion d’Europe occidentale n’est pas univoque et dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’Europe occidentale désigne avant tout une aire culturelle et géopolitique, notamment durant la guerre froide, qui opposait le bloc de l’Est rangé derrière l’URSS au bloc de l’Ouest rangé derrière les États-Unis (le clan « atlantiste »).
Pour autant, cette notion a évolué au cours du temps et intègre aujourd’hui les pays d’Europe centrale, anciennes républiques soviétiques, qui sont devenus pour la plupart d’entre eux (comme la Pologne) largement atlantistes. S’y ajoutent les pays de l’Union européenne qui, attachés à des valeurs communes, en font proprement partie.
La défense
Selon le Larousse, la défense est « le fait de lutter pour la protection de quelqu’un ou de quelque chose », c’est le fait de résister sur le plan moral ou physique. Ici, on entendra la défense des pays de l’Europe occidentale, notamment sur le plan militaire.
En y regardant de plus près, les pays européens ont chacun une armée nationale, prête à les défendre en cas de conflit, mais avec des moyens différents en fonction de chacun d’entre eux. Certains pays européens ont même longtemps renoncé à augmenter leur PIB de défense après la Seconde Guerre mondiale (Allemagne), afin de rester dans la vision européenne d’un refus de conflit ou des vertus pacificatrices du commerce (cf. Montesquieu). Tandis que d’autres ont toujours eu un PIB de défense élevé, comme la Lettonie (2,6 %) ou la Grèce (2,7 %), bien que significativement moins élevé que d’autres pays comme les États-Unis (3,5 %), surtout pendant la guerre froide.
De plus, la création de l’OTAN par le traité de l’Atlantique Nord en 1949, largement porté par le budget américain, garantissait également la sécurité collective européenne.
Justification de la problématique
Dès lors, la nécessité d’une « défense européenne » semblait a priori peu pertinente pour deux raisons majeures : il y avait l’OTAN, et les pays européens, notamment par la construction européenne, œuvraient collectivement au maintien de la paix par les vertus pacificatrices du commerce et des interdépendances économiques.
Or, on voit aujourd’hui que cette vision est idéaliste et non conforme aux réalités géopolitiques du monde contemporain. Les conflits et guerres sont désormais présents aux portes de l’Europe, comme le montrent exemplairement les cas de l’Ukraine ou des « conflits gelés » au Caucase. Certains pays ont une rhétorique hostile envers l’Europe, à l’instar de la Russie, tandis que d’autres ont pu faire pression sur l’Europe, comme les États-Unis, notamment durant les années Trump, pour acquérir une armée européenne.
En somme, l’Europe se trouve dorénavant devant un dilemme. Acquérir une armée européenne et renoncer à des principes moraux auxquels elle est attachée, ou y renoncer et préférer l’OTAN pour sa défense mais avec aucune garantie, si ce n’est l’article 5, que les États-Unis s’engageront militairement en cas de conflit (à ce titre, les années Trump sont exemplaires de ce manque de confiance envers l’OTAN), ou encore trouver une alternative tout en conjuguant les efforts de l’OTAN.
Au regard de ce qui a été mentionné auparavant, on peut dès lors se demander, alors même que l’Europe occidentale fait face aujourd’hui à un retour des menaces et conflits à ses portes, comment expliquer la difficulté de mettre en place une défense proprement européenne. Faut-il y voir seulement le rôle des raisons historiques ? Les acteurs extérieurs n’ont-ils pas également leur part de responsabilité ?
Commentaire de la carte
Tout d’abord, l’Europe occidentale fait face à de nombreuses menaces, que ce soit le retour des conflits à ses portes, ou encore les menaces cyber, le terrorisme (ex. : les attentats de Charlie Hebdo, Madrid, Londres, etc.), qui rendent la nécessité d’une défense proprement occidentale d’autant plus primordiale.
Pendant plusieurs décennies, et comme évoqué précédemment, l’Europe occidentale s’en est essentiellement remis à l’OTAN pour sa sécurité à travers le « parapluie nucléaire » américain ou encore la présence des troupes de l’OTAN dans de nombreux pays européens (environ 40 000 hommes en 2022). En ce qui concerne les quelques initiatives prises par l’Europe occidentale durant la guerre froide, nombreuses sont celles qui ont échoué. Nous pouvons notamment citer l’échec de la CED en 1954 ou encore l’échec des interventions européennes dans les Balkans dans les années 1990, notamment en Yougoslavie (1995) ou au Kosovo (2008).
L’Europe occidentale peine aujourd’hui à acquérir une défense proprement occidentale en raison de divers facteurs
Tout d’abord, l’Europe occidentale a longtemps refusé la puissance (cf. La Puissance et la Faiblesse de R. Kagan), notamment militaire. Ceci est lié aux traumatismes des guerres mondiales (ex. : génocide des Juifs, des Arméniens, les millions de soldats morts au combat, etc.) qui restent présents dans la conscience collective de nombreux Européens.
Dès lors, ce refus de la puissance s’est notamment réalisé au profit d’une puissance « douce » (cf. La Norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne de Z. Laïdi), comme l’illustre l’instauration de normes environnementales européennes dans le monde (barrière écologique aux frontières, etc.). Par ailleurs, les pays européens sont divisés entre ceux qui souhaiteraient la mise en place d’une défense proprement européenne comme la France et ceux qui restent « pro-atlantistes » et qui préfèrent l’OTAN comme la Pologne ou l’Allemagne.
Enfin, les États-Unis ont leur part de responsabilité puisque l’instauration d’une défense proprement européenne, avec leur propre industrie européenne de défense, viendrait porter un coup sévère au complexe militaro-industriel américain (l’Europe restant à l’heure actuelle un des plus gros clients). Dès lors, les États-Unis ont donc plutôt intérêt à continuer de favoriser l’OTAN, ce qui ne plaide donc pas en faveur d’une défense proprement européenne.
Les menaces européennes plaident pour une instauration urgente d’une défense européenne
Pour autant, le contexte post-guerre froide et le retour de l’acteur russe (sharp) dans le spectre des menaces européennes plaident pour une instauration d’autant plus urgente d’une défense européenne. Ainsi, certaines mesures ont pu être mises en place depuis quelques dizaines d’années, à l’instar de la PESD (2001) en complément de la PESC, du traité de Lisbonne, de la coopération structurée permanente (CSP), du Fonds européen de la défense (FED en 2021), de la « Boussole stratégique », ou encore la volonté de Von der Leyen de faire de la Commission européenne une « commission géopolitique ».
Cependant, malgré certaines réussites des opérations européennes (Atalante en 2008, EUFOR Althea, EUTM Somalia, etc.), celles-ci sont encore peu opérationnelles et très francocentrées (beaucoup de soldats et États-majors français et peu de diversité des pays européens). Enfin, de nombreuses incertitudes pèsent sur la défense européenne. Il n’y a toujours pas d’industrie européenne de la défense capable de concurrencer les États-Unis (cf. Le Conflit sino-américain pour la domination mondiale de C. Saint-Étienne). Les objectifs fixés sont encore trop vagues et le poids des divisions pèse encore beaucoup sur sa réalisation finale.
Construction de la légende et de la carte
Une bonne façon de construire une légende pertinente et remplie est de suivre tout simplement le plan de ta dissertation, en t’attardant sur tes exemples et tes arguments qui te serviront à dessiner tes figurés. Tout élément, même s’il te paraît futile, peut être cartographiable, à condition de suivre la méthode des figurés.
Pas de smileys pour désigner les bonnes ou mauvaises relations entre deux pays, pas de poissons pour désigner les zones de pêche, pas de têtes de mort pour désigner les zones de piraterie, et pitié, pas de petits bonshommes pour désigner des Casques bleus ou des indigènes… Reste simple et privilégie les figurés ronds, les flèches (brisées, à double sens, de couleurs différentes, de tailles différentes, etc.), les carrés, les losanges, les lignes, etc. Rappelle-toi qu’une carte lisible et bien notée au concours est avant tout une carte claire et concise.
Enfin, il est toujours intéressant de s’intéresser à tout élément extérieur (par exemple, ici, le rôle des États-Unis dans la difficile mise en place de la défense européenne, ou encore la Russie qui voit la mise en place de celle-ci comme une chose positive, éloignant le spectre de l’OTAN à ses portes). Cela permet d’enrichir considérablement la carte. Pense aux opérations militaires, aux mesures européennes mises en place, aux divisions entre pays européens (pro-atlantistes et ceux qui ne le sont pas), qui te permettent de rajouter des aplats de différentes couleurs. Et privilégie également des approches multifactorielles (économiques, géopolitiques, militaires, culturelles, démographiques, etc.).
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