Bachar

Tu trouveras ci-dessous un article sur la situation syrienne à la suite de la chute de Bachar el-Assad et l’accession au pouvoir du groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham. C’est un condensé d’informations pratiques pour décrypter la géopolitique du Moyen-Orient, idéal pour une accroche ou une étude de cas.

Introduction

« L’axe qui allait de Téhéran à Beyrouth est remplacé par un vide dont le cœur est la Syrie. » Hugo Micheron pour Le Grand Continent

Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024, Bachar el-Assad a rendu les armes face aux forces rebelles du groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) dirigé par Abou al-Joulani. Cette chute signe la fin des cinquante années de règne de la famille Assad et des horreurs perpétrées sous ce régime autoritaire, mais également le commencement d’une période d’incertitude.

Si la chute du régime de Bachar el-Assad a inévitablement suscité de l’espoir, que peut-on réellement espérer de la reconstruction sociale et politique de la Syrie ?

Le régime des Assad : répression, clientélisme et propagande

En 1970, Hafez el-Assad est un officier de l’armée et membre de la minorité alaouite. Il prend le pouvoir par un coup d’État sans violence et instaure alors un régime autoritaire basé sur le parti Baas, s’appropriant tous les pouvoirs. Il développe un système clientéliste et s’appuie sur l’armée et les services de renseignement pour réprimer toute opposition (comme en 1982, lors de la révolte des Frères musulmans qui fit des milliers de morts). La Syrie maintient une politique étrangère axée sur le soutien aux groupes palestiniens et sur une influence régionale, notamment au Liban.

À la mort de son père en 2000, Bachar el-Assad, alors ophtalmologue, accède au pouvoir. Il poursuit le régime autoritaire (malgré un espoir de réforme : le Printemps de Damas) et enlise la Syrie dans une guerre civile après la violente répression du Printemps arabe. Le régime est accusé de nombreuses violations des droits humains, notamment l’utilisation d’armes chimiques.

Malgré des sanctions internationales et une économie affaiblie, Bachar el-Assad reste en place grâce à ses alliances stratégiques (Russie et Iran) et une gestion autoritaire. Du moins, jusqu’à la bascule du 7 octobre 2023.

La chute de Bachar el-Assad est-elle si soudaine ?

L’attaque du Hamas du 7 octobre et l’invasion israélienne de Gaza du 21 octobre 2023 ont conduit à une réorganisation de toute la région, notamment en Syrie. L’accord d’Astana, signé en 2018 entre la Russie, la Turquie et l’Iran, n’était qu’une alliance de circonstance pour unir la région face à Daech, mais n’a jamais réglé les tensions de fond. La guerre civile syrienne a continué de faire rage entre différents acteurs. Les rebelles d’Idlib soutenus par la Turquie, parmi lesquels on retrouve HTC, le régime syrien appuyé par la Russie et l’Iran, et, au Nord, les forces kurdes.

Dans ce contexte crisogène, la chute de Bachar el-Assad s’inscrit comme une suite assez logique du conflit Israël-Hamas qui reconfigure la géopolitique de la région. Cette chute fut rapide. En effet, HTC avait entamé l’opération rebelle 14 jours auparavant, à près de 400 km, dans la province d’Idlib, qu’il contrôle depuis 2016. S’ensuivit une prise progressive de villes stratégiques pour le régime syrien : Alep (seconde ville du pays), Hama (4e ville du pays) puis Homs (proche des bases militaires russes de Tartous et Hmeimim, soutiens essentiels du régime).

L’espoir syrien demeure très fragile

Le pays est entré dans une période cruciale de transition. Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011, ayant fait 600 000 morts et poussé à l’exil des millions de Syriens, il existe l’espoir d’une amélioration de la situation syrienne.

Bien que le renversement du régime par HTC ait été accueilli positivement dans le monde entier, la Syrie se trouve désormais dans une incertitude majeure. Le pays est déstabilisé par treize années de guerre civile, et la situation de la région est plus que critique : le conflit Israël-Hamas fait rage (bien qu’une trêve soit entrée en vigueur le 19 janvier).

La fin du régime Assad a d’importantes conséquences sur les relations qu’entretiennent les puissances de la région. On remarquera surtout l’affaiblissement (voire la fin ?) de « l’axe chiite », dont l’Iran est considéré comme le leader. Le régime syrien jouait un rôle central dans la stratégie d’influence iranienne, bien que les alaouites (groupe auquel appartient Bachar el-Assad) ne soient pas strictement chiites.

Vers une évolution du djihadisme international ?

« HTC est un mouvement qui a réussi à renverser un État autoritaire en place depuis cinquante ans, avec une réception généralement positive de cette victoire » Asiem el Difraoui pour Le Grand Continent

Le djihadisme international pourrait connaître de grandes évolutions face au succès de HTC en Syrie. Hayat Tahrir al-Cham, groupe classé comme organisation terroriste dans de nombreux pays, parmi lesquels les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Turquie, a désormais prouvé aux groupes djihadistes du monde que la victoire était possible. Devrait-on assister à la multiplication des prises de pouvoir djihadiste maintenant que HTC a ouvert la boîte de Pandore ? C’est une sérieuse crainte au Sahel, où des branches de Daech et d’Al-Qaïda ne cessent de se renforcer.

HTC s’est efforcé de développer son image et de convaincre qu’il ne s’intéressait plus au Djihad global depuis sa séparation avec Al-Qaïda. Il a notamment acquis une légitimité non religieuse, par l’administration de la province d’Idlib, et a organisé plusieurs réunions avec le gouvernement de l’ex-régime pour préparer la transition vers… l’inconnu.

Dans les faits, HTC use toujours de méthodes djihadistes radicales, en témoigne les attentats suicides opérés contre l’armée durant la conquête du pays. De plus, la haine et le souhait d’anéantissement d’Israël font partie du discours de HTC, bien qu’aucun affrontement concret ne soit engagé contre l’État hébreu.

L’objectif apparent du groupe serait de mettre en place une gouvernance islamique et autoritaire similaire à celle des pays du Golfe. La Syrie pourrait alors devenir un haut lieu du djihadisme et du salafisme.

Conclusion

La chute de Bachar el-Assad marque une page importante de l’histoire syrienne, mais laisse le pays face à un avenir incertain. Si ce renversement soulève l’espoir d’un nouveau départ après des décennies de répression, la prise de pouvoir par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham inquiète profondément.

Après treize ans de guerre civile, la Syrie est en ruines et doit affronter des défis immenses pour se reconstruire. Sur le plan régional, la chute du régime affaiblit l’influence de l’Iran et remet en question les équilibres de pouvoir. En parallèle, le succès de HTC pourrait encourager d’autres groupes djihadistes à travers le monde, rendant l’avenir encore plus incertain, non seulement pour la Syrie, mais pour tout le Moyen-Orient.

 

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Cet article a été rédigé par Call’ONU ESCP, association de diplomatie et de géopolitique de l’ESCP BS.