climat

Major-Prépa te propose ici un corrigé détaillé d’un sujet de géopolitique tombé à l’oral de HEC. L’intitulé du sujet de colle que nous allons traiter est le suivant : « Le climat est-il soluble dans la diplomatie ? »

Introduction

« Le monde ne nous remerciera pas quand il entendra uniquement des excuses demain. » C’est par cette phrase que Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, a conclu son discours à la fin de la COP27 de Charm el-Cheikh. Alors que les COP (Conference of Parties) sont les lieux où les diplomates du monde entier se réunissent pour traiter des enjeux climatiques, elles n’apparaissent pour le moment pas assez efficaces pour résoudre les problèmes issus du réchauffement climatique.

Le climat désigne l’ensemble des conditions atmosphériques et météorologiques (humidité, ensoleillement, températures…) propres à une région, à un lieu géographique. Mais par climat, on peut aussi entendre réchauffement climatique. En effet, ce processus, commencé avec la première révolution industrielle, mène à une augmentation rapide des moyennes de températures sur la Terre et à une modification des climats, de par les émissions humaines de GES.

Ainsi la question est de savoir si les problématiques et les enjeux, liés à la fois aux données climatiques et au fait qu’elles changent et vont changer rapidement ces prochaines années, sont solubles dans la diplomatie. Cette dernière désignant la politique qui concerne les relations entre États. En d’autres termes, il s’agit de savoir si la diplomatie est adaptée aux enjeux climatiques et si elle peut les résoudre. Cela veut dire que le climat peut faire l’objet de marchandage, de compromis, et donc être un enjeu des rapports de force internationaux.

Les bouleversements dus au réchauffement climatique concernent chaque pays

C’est une affaire qui concerne chaque État. La diplomatie, qui permet de régler les contentieux entre États par le dialogue et la négociation, devrait donc être parfaitement adaptée dans la résolution des enjeux climatiques. Or, les résultats des dernières COP ne semblent pas du tout à la hauteur des espoirs placés en elle. Le climat semblant ainsi difficilement soluble dans la diplomatie.

L’un des problèmes est le décalage de temporalité. En effet, les diplomates raisonnent souvent sur le temps court ou moyen, alors même que les enjeux climatiques relèvent d’un temps très long, au minimum séculaire. Dès lors, le climat ne relève-t-il pas plus de la diplomatie du verbe que de la diplomatie d’action ? Si la diplomatie ne peut faire autrement que de prendre en compte le climat (I), les enjeux diplomatiques semblent se dissoudre dans les priorités des diplomates (II). D’où le défi de rendre soluble le climat par la diplomatie. C’est-à-dire de résoudre les problèmes dus au réchauffement climatique par les négociations interétatiques (III).

I/ La diplomatie ne peut faire autrement que de prendre en compte le climat

A/ La diplomatie se base sur des rapports de force géopolitiques, et donc sur la géographie et le climat

Ainsi les diplomates se doivent de connaître parfaitement les conditions climatiques des pays dans lesquels ils sont en poste et avec lesquels ils négocient. Pour comprendre les problématiques liées à un pays, connaître son climat est indispensable. En effet, si la Russie s’oppose souvent dans les COP aux mesures visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre, c’est d’abord parce que le pays est un grand producteur d’hydrocarbures, mais aussi parce qu’il considère le réchauffement climatique comme une opportunité.

Son territoire est soumis en grande partie à des climats polaires et continentaux, et une hausse des températures pourrait favoriser l’agriculture, car ces deux climats sont connus pour être très froids l’hiver. On pourrait ainsi dire que les diplomates font la politique de leur climat.

B/ Le réchauffement climatique concerne tous les États du monde, il est donc soluble dans la diplomatie

En effet, selon l’assureur suisse Swiss Re, les conséquences du changement climatique pourraient amputer le PIB mondial de 20 %. La hausse du niveau de la mer, qui sera d’un mètre minimum selon le GIEC à l’horizon 2100, concerne aussi bien les Pays-Bas que les Caraïbes, le Bangladesh et les États-Unis. Tout le globe est concerné.

De plus, le réchauffement climatique, en rendant inhospitalières, voire inhabitables, de nombreuses régions du monde, va provoquer d’intenses crises migratoires. Cela pose ainsi la question du statut des réfugiés climatiques, puisqu’il n’existe pas dans le droit international de droit d’asile climatique. Le risque pour les réfugiés climatiques étant de devenir des apatrides.

Tous ces sujets nécessitent des négociations internationales par la diplomatie. Celle-ci doit obligatoirement prendre en compte le climat.

C/ À l’échelle mondiale, le réchauffement climatique ressuscite le climat Nord/Sud sur la stabilité du monde

Le réchauffement climatique menace de provoquer un effet de ciseau sur les ressources. Une hausse de la demande couplée à une raréfaction de l’offre. En effet, comme l’explique Erik Orsenna dans Un monde de ressources rares, la disponibilité de l’eau douce et des terres arables se raréfie. Cela entraîne des tensions, comme au Mali, entre les éleveurs Peuls et les agriculteurs Dogons.

Ainsi pour assurer la stabilité du monde, qui est bénéfique à la prospérité des États, les diplomates sont dans la nécessité de prendre en compte les enjeux environnementaux.

II/ Cependant, les enjeux climatiques semblent se dissoudre dans les priorités des diplomates

A/ La diplomatie sert les intérêts des États et, dans ces intérêts, la sauvegarde du climat peut passer au second plan

Ainsi, un diplomate se doit de prendre en compte d’autres aspects que le climat dans les négociations. À savoir, les coûts économiques pour les populations, les entreprises et les gouvernements des pays concernés, les coûts politiques, notamment dans les démocraties où les décideurs ont des comptes à rendre au peuple, les coûts géopolitiques dans les alliances et les relations avec les autres États, la sécurité.

Le climat n’est ainsi pas toujours la priorité de la diplomatie. Il n’est qu’un facteur parmi d’autres que doivent prendre en compte les diplomates, il est alors comme dissous, presque imperceptible dans un grand nombre de paramètres tous importants. L’approche réaliste des relations internationales peut être un frein à la prise en compte des enjeux climatiques. L’approche constructiviste permet aux pays du Sud de voir les pays du Nord comme les coupables et ceux du Sud comme des victimes.

B/ Les diplomates utilisent souvent le climat dans les rapports de force et non dans la sauvegarde

En effet, celui-ci peut être un outil au service du soft power de certains pays. Si Frans Timmermans se désole du manque d’avancements concrets de la COP27 , ce n’est pas seulement par un seul sentiment moral désintéressé, c’est aussi que l’Union européenne se voit comme un modèle dans le développement d’une économie verte et de la lutte contre le réchauffement climatique.

L’adoption d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne pour 2026 ou 2027 est un argument qu’utilise la diplomatie européenne pour montrer que l’Union européenne est pionnière en matière d’écologie. Pire que cela, les bouleversements climatiques peuvent être vus comme des opportunités. Par exemple, les pays bordant la mer Arctique voient aussi dans la fonte de la banquise une formidable opportunité de créer une nouvelle route commerciale. Ainsi, la défense de la cause climatique par les diplomates est à géométrie variable, le climat permettant d’abord d’instaurer un rapport de force.

C/ Le climat peut servir de greenwashing à la diplomatie

L’activiste climatique Greta Thunberg dénonce ainsi le « bla bla bla » des États en matière de changement climatique. Quand il s’agit de la sauvegarde de l’environnement, la diplomatie devient malheureusement bien souvent tribunitienne. Alors que Jacques Chirac déclarait en 2002, lors du sommet de la Terre de Johannesburg, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs », Georges H. W. Bush présentait le mode de vie américain comme « non négociable ».

Les différentes solutions négociées par les diplomaties de tous les États lors des COP manquent souvent d’ambition. L’Inde s’est par exemple engagée à atteindre la neutralité carbone seulement en 2070 lors de la COP26 de Glasgow. De plus, aucune décision n’est coercitive, donc aucun accord n’est réellement respecté dans son entièreté. Selon le GIEC, le +1,5 °C par rapport au niveau préindustriel de l’accord de Paris de la COP21 de 2015 est déjà inatteignable, et les +2 °C du même accord seront très difficiles à tenir. Alors même que les conséquences de l’augmentation de la température sont exponentielles.

III/ D’où le défi de rendre soluble le climat par la diplomatie, c’est-à-dire de résoudre les problèmes dus au réchauffement climatique par les négociations interétatiques

A/ Les négociations diplomatiques semblent être le seul moyen de résoudre les problèmes climatiques

Le multilatéralisme, qui est l’expression même des négociations diplomatiques entre plusieurs pays, semble être la seule solution face à la crise climatique. C’est que pour une transition climatique juste, l’humanité ne peut faire sans prendre en compte les besoins de chaque État. En effet, pour Hubert Védrine, « la question environnementale est la planche de salut du multilatéralisme » : les efforts de seulement quelques États ne seront pas suffisants, il faut un effort global.

C’est pour cela que chaque année ont lieu les COP, depuis la première organisée à Berlin en 1995. Elles sont le lieu de négociations entre diplomates. C’est au cours de certaines d’entre elles qu’ont été conclues certaines avancées comme le protocole de Kyoto en 1997 avec sa responsabilité différenciée, le Fonds vert pour le climat à Copenhague en 2009, ou encore le Fonds pour les pertes et dommages à Charm El-Cheikh en 2022.

En décembre 2023, après deux semaines de négociations, 198 pays se sont accordés à « transitionner hors des énergies fossiles ». C’est la toute première fois dans le cadre du processus des Nations unies sur les changements climatiques que les États reconnaissent collectivement la nécessité de renoncer au pétrole, au gaz et au charbon. Comme l’a déclaré dans The New York Times, Jake Schmidt, directeur stratégique de l’organisme de protection Natural Resources Defense Council : « Les industries des énergies fossiles sont officiellement notifiées que leur vieux modèle économique arrive à expiration. »

B/ Pour autant, les rapports de force qui s’expriment lors des réunions diplomatiques nuisent à l’efficacité de ces dernières

En effet, les COP ne sont pas des négociations paisibles entre États pleins de bonnes intentions. De nombreux lobbyistes, et principalement des secteurs pétroliers, sont présents. Les pays producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis ont largement insisté pour qu’aucun engagement sur la diminution de la consommation des énergies fossiles ne soit pris lors de la COP27 de Charm El-Cheikh.

En outre, la COP28, qui s’est déroulée à Dubaï en décembre 2023, a eu comme Président Sultan Ahmed al-Jaber, PDG de la première compagnie pétrolière émiratie. Ce qui montre que les efforts diplomatiques peuvent être ruinés, ou du moins amoindris, par les rapports de force entre États qui défendent chacun leurs propres intérêts.

La rivalité entre la Chine et les États-Unis freine aussi la cause climatique. Si Donald Trump a quitté les accords de Paris en 2017, c’est en partie parce qu’il trouvait que ceux-ci désavantageaient grandement Washington, car les engagements de Pékin étaient bien moins contraignants.

Pour lutter contre le changement climatique, il y a également eu un désaccord concernant la méthode. Certains pays étaient partisans du « top down » (objectifs chiffrés s’imposant à tous), mais d’autres, comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou encore l’Inde, sont favorables au « bottom up », où chaque pays décide individuellement des efforts qu’il est enclin à effectuer.

C/ La diplomatie seule ne sauvera pas la planète, d’autres acteurs sont nécessaires

La diplomatie peut et doit participer à la résolution de la crise climatique, mais il est nécessaire d’impliquer aussi les entreprises et les particuliers. C’est en partie ce qui a été décidé lors du sommet de la Terre de Rio en 1992 avec le principe du « penser globalement, agir localement ». C’est-à-dire des négociations diplomatiques globales qui impulsent les changements, mais aussi les acteurs locaux. Ce qui veut dire que les collectivités territoriales, les entreprises, les individus ou encore les ONG doivent aussi participer à l’effort global.

Cette action locale, au plus près des conséquences directes du changement climatique, est dès lors plus que nécessaire. Le climat est donc soluble par la diplomatie, mais aussi par un grand nombre d’autres acteurs. Les États, par exemple, légifèrent sur la question, comme la France avec la loi climat et résilience votée en 2019, mais aussi les entreprises avec la norme RSE et les critères ESG.

Conclusion

Les diplomates se sont bien emparés de la question climatique, montrant que le climat est soluble dans la diplomatie. Pourtant, les réponses apportées ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux à cause des rivalités et des utilisations de l’environnement comme greenwashing, laissant penser que le climat est parfois renvoyé aux calendes grecques dans la diplomatie.

Cependant la diplomatie est indispensable à la résolution de la crise climatique et, accompagnée d’autres acteurs, elle devra répondre à cette crise qui menace l’humanité dans son ensemble. Mais pour réussir cette transition, il faut aussi repenser les organes qui permettent la diplomatie, notamment tous ceux qui dépendent de l’ONU. Or, ceux-ci sont, pour Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, « hérités de l’ordre colonial » et par conséquent « anachroniques » et inadaptés.

Pour une diplomatie réellement climatique qui permettrait une transition écologique plus juste et durable, la réforme des institutions internationales semble de plus en plus urgente. Dans cette dynamique, les partis politiques écologiques et les ONG, comme WWF et Greenpeace, militent pour la création du nouveau Conseil de sécurité environnemental de l’ONU.

Tu es arrivé(e) au bout du traitement de cette colle. Évidemment, cette proposition de résolution du sujet n’est pas la seule qui vaille. Pour approfondir tes connaissances, tu peux également consulter toutes nos ressources en géopolitique !