thèse

Bienvenue sur cet article de méthodologie. Le focus d’aujourd’hui : intégrer une thèse dans sa dissertation de géopolitique. Si tu ne l’as jamais fait, c’est l’occasion de découvrir un moyen de différencier fortement ta copie. Si tu le fais déjà, voici un condensé d’astuces et d’exemples pour intégrer tes thèses et tes citations de différentes façons.

Qu’est-ce qu’une thèse ?

Une thèse est une affirmation, théorie, ou prise de position d’un locuteur à l’égard du sujet ou du thème qu’il évoque. Celle-ci est défendue par des arguments.

En géopolitique, intégrer une thèse revient donc à développer le point de vue d’un auteur, d’un homme politique, etc., pour répondre de manière poussée, documentée et justifiée aux questions soulevées par le sujet.

On peut également faire référence au vocabulaire spécifique d’un locuteur sans développer ses arguments. On intègre alors simplement une citation.

Pourquoi intégrer une thèse dans sa dissertation ?

Intégrer une thèse dans sa copie a plusieurs avantages :

  • Aller plus loin que les constats en développant des idées plus complexes.
  • Défendre une position (sur des sujets potentiellement clivants) et montrer une capacité d’analyse critique, sans pour autant donner son avis personnel.
  • Restituer un contenu beaucoup plus rare dans les copies (facteur différenciant).
  • Intégrer un vocabulaire spécifique et technique sans se l’approprier (rendre à César ce qui est à César !).
  • Montrer une culture et un intérêt pour les acteurs et auteurs du monde géopolitique.
  • Justifier ses propos et gagner en crédibilité.
  • Effectuer des passages plus percutants, car potentiellement plus engagés (transitions, conclusion…).


Alors, convaincu(e) d’insérer des thèses dans tes prochaines dissertations ? Si oui, tu peux continuer ta lecture ! Dans le cas contraire, relis bien le paragraphe ci-dessus.

Où et quand ?

Les thèses peuvent être placées à différents endroits de la copie. Les seuls passages où il n’est pas pertinent de les utiliser sont l’introduction générale et les introductions de parties. En effet, la thèse doit servir une analyse et il faut jouer ses meilleures cartes au moment opportun. Tu peux plutôt choisir les passages suivants pour intégrer la thèse :

  • L’intérieur d’une sous-partie : la thèse participe au développement de l’idée en question.
  • Les transitions entre les parties : consacrer la transition au développement d’une thèse est un excellent moyen de rendre celle-ci visible. En outre, il est préférable d’apporter un contenu nouveau dans la transition, plutôt que résumer la partie qui s’achève.
  • La conclusion : utiliser une thèse comme ouverture est probablement le meilleur moyen de conclure sa copie. Les thèses élaborant des scénarios pour l’avenir ou les thèses engagées (optimistes, déclinistes, polémiques…) auront l’effet d’un bouquet final.

Tu te demandes quel est le nombre maximum de thèses à insérer dans une copie ? Il n’existe pas de règle, mais essayer d’en placer trois est un bon objectif. Un maximum de sept ou huit est conseillé pour ne pas faire reposer toute la démonstration sur des auteurs. Tu éviteras ainsi de mentionner des auteurs à la chaîne en forçant des liens et en t’éloignant du sujet (souvent dans le seul but d’étaler des connaissances).

Comment ?

Avant toute chose, une règle d’or : la thèse doit toujours servir ta démonstration pour ne pas impacter négativement la copie ! Rien de pire qu’une thèse qui fait « cheveu sur la soupe », avec des liens forcés vers le sujet. Si la mention d’une thèse ne s’insère pas naturellement, abstiens-toi.

La mention du nom de l’œuvre et de l’année de parution sera toujours un avantage, car cela montre le souci du détail dans ton apprentissage et ta rigueur dans la restitution. Le titre d’une œuvre est toujours souligné dans une copie. La fonction de l’auteur (président, porte-parole…) peut être précisée si cela est utile.

Sans abuser de florilèges, varier les formulations et les verbes utilisés peut être intéressant : expliquer, montrer, constater, affirmer, défendre…

Développe la thèse selon le niveau de détail dont tu disposes. Si ce niveau est insuffisant, mieux vaut ne pas intégrer la thèse. Surtout, n’invente jamais les propos d’un auteur et abstiens-toi de les extrapoler.

Voici maintenant des exemples de tous types

La simple citation

Expression entre guillemets + nom de l’auteur (le nom de l’œuvre, la fonction du locuteur et la date sont facultatifs, mais bien sûr toujours recommandés).

  • Un « nouveau capitalisme numérique » (Daniel Cohen et Pierre Royer) se met en place.
  • Comme le dit Hubert Védrine, nous sommes désormais dans une « mêlée mondiale ».
  • Julien Freund parle d’une « thalassopolitique » qui consiste à maîtriser les espaces maritimes.
     

La thèse développée

On développe l’idée de l’auteur en une à trois phrases, puis on l’analyse en lien avec la démonstration en cours et on ajoute un exemple.

  • En effet, comme l’explique Alain Corbin dans Le Territoire du vide : l’Occident et le désir de rivage (1988), un « désir de rivage » d’abord lié à l’agrément s’est ensuite généralisé sur tous les plans, notamment économiques. Il est aujourd’hui le signe que la maîtrise de l’espace maritime proche est essentielle. Il s’agit d’avoir une maîtrise des grandes façades orientées sur les routes maritimes commerciales. En effet, 90 % du commerce mondial est aujourd’hui maritime.
  • Thomas Gomart, dans Guerres invisibles : nos prochains défis géopolitiques (2021), affirme que le contrôle des données du cloud et l’innovation dans le numérique sont désormais les priorités absolues des grandes puissances pour pouvoir gagner les « guerres non guerrières » qui sont les conflits d’aujourd’hui. Les écoutes de la NSA (National Security Agency) américaine, l’attaque informatique WannaCry en 2017 (logiciel de rançon) ou les nouvelles menaces apparues dans le contexte de crise dû à la pandémie, témoignent de ce nouveau type de conflit et ainsi d’un nouvel enjeu : la souveraineté numérique.
  • Frédéric Lasserre et Barthélémy Courmont dans Géopolitique de la mer de Chine méridionale : eaux troubles en Asie du Sud-Est (2019), montrent que les tensions en mer de Chine méridionale n’ont pas perdu de vigueur et qu’elles s’internationalisent, pouvant conduire à tout moment à une escalade des tensions, voire une guerre. Le cas des îles Paracels et Spratley en mer de Chine méridionale et orientale – volonté chinoise d’expansion pour la ZEE ou encore les ressources halieutiques – en est un exemple éloquent. La maîtrise des espaces communs appelle ainsi à une forme de gouvernance mondiale face aux volontés unilatéralistes.


L’association ou l’affrontement de thèses

Rapprocher des auteurs, compléter une thèse avec une autre, enchaîner deux thèses (conclusion de la première = point de départ de la suivante), confronter deux auteurs… Tout est possible, dans la mesure où tu réponds bien au sujet !

  • La CIA, dans Le Monde en 2035 vu par la CIA (2017), imagine plusieurs scénarios et notamment celui d’un monde d’îlots, séparés les uns des autres, avec une croissance devenue atone. Dans ce contexte, c’est la maîtrise du territoire national et des espaces proches qui est nécessaire, avec une projection internationale plus faible. C’est notamment ce qu’on observe avec le concept d’eurasisme d’Alexandre Douguine : une volonté d’influence sur l’étranger proche russe qui n’est d’ailleurs pas récente. Ainsi, la tendance de repli observée lors de la crise sanitaire peut être une perspective pour le monde futur, avec des enjeux davantage dans la maîtrise des espaces locaux.
  • Selon Graham Allison, dans Vers la guerre : La Chine et l’Amérique dans le piège de Thucydide ? (2017), les trajectoires opposées des États-Unis et de la Chine constituent un cas de « piège de Thucydide », situation dans laquelle se trouve une puissance longtemps dominante face à l’émergence d’une nouvelle puissance rivale. Pour l’auteur, cette situation conduira à la guerre et au probable déclin des États-Unis. Pourtant, le déclin des États-Unis est impensable pour Joseph Nye qui, dans Bound to Lead (1990), assure que le soft power américain permettra aux États-Unis de surmonter tous les défis, notamment celui de « l’imperial overstretch » (surextension impériale). À cela, il faut ajouter que personne n’aurait véritablement intérêt à la chute des États-Unis, du fait des interdépendances de tous types et de la « coopétition » entre États (mélange de coopération et de compétition). C’est justement le point de vue défendu par Thomas Snégaroff dans Faut-il souhaiter le déclin américain ? (2009). Ces interdépendances font-elles alors office de dernière garantie pour la survie américaine ?

Voilà, tu as tous les outils pour utiliser au mieux une thèse dans une dissertation ! Découvre dès à présent notre article en deux parties consacré aux 100 thèses et ouvrages géopolitiques incontournables ici (partie 1) et ici (partie 2).

N’hésite pas à consulter tous nos articles de géopolitique !