Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans ce Xè épisode de l’Accroche, la série de podcast de Major-Prépa qui décrypte des curiosités historiques ou géographiques pour te donner de supers accroches à intégrer dans tes copies d’ESH, d’HGG et de CG. Pour continuer cette série, je te propose de nous intéresser au territoire regroupant le plus d’armées différentes au monde : Djibouti, ancienne colonie française devenue indépendante en 1977, où les troupes de 7 grandes puissances étrangères stationnent en continu.
Un point du globe absolument stratégique
Pourquoi Djibouti, petit pays de 23 000 kilomètres carrés, parmi les moins développés du monde, attire-t-il ainsi les armées étrangères ? Sa situation géographique est la clef de son attractivité. Depuis leurs bases à Djibouti, les puissances étrangères peuvent contrôler et assurer la sécurité du fameux détroit de Bab et Mandeb. 40% du pétrole mondial et 9% du trafic maritime transitent chaque année par ce bras de mer de seulement 28 kilomètres de large, lien privilégié entre l’Asie de l’Europe.
En plus de cette situation géographique exceptionnelle, la stabilité politique du pays permet aux États locataires des bases de pouvoir construire une vision à long terme de leur présence dans la région, avec la signature de contrats fiables.
Djibouti tire profit de cette position géostratégique de premier choix
Djibouti est resté une colonie française jusqu’à la date tardive de 1977, et la France n’a jamais complètement quitté le territoire depuis. Djibouti n’a eu alors de cesse, en particulier depuis l’affaire Borrel en 1995 (assassinat à Djibouti d’un magistrat français, entraînant une enquête complexe émaillée d’ingérences françaises qui ont dégradé les relations entre les deux pays) de chercher à se défaire de l’influence française.
Dès 2002, les États-Unis signent un contrat de location et s’installent à Djibouti, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme intensifiée depuis le 11 septembre 2001.
De nombreuses autres puissances ont, depuis, pris place sur le territoire : l’Italie, le Japon, l’Allemagne et l’Espagne (dont les contingents sont accueillis sur la base française) et enfin la Chine, nouvelle venue, qui compte faire de Djibouti le point d’ancrage de son influence dans la région. Les superficies respectives des bases étrangères tracent une carte relativement fiable de l’influence de chaque pays sur le territoire.
Djibouti tire profit de cette position unique au monde : les loyers versés par les États locataires représentent 10% de son budget national et 3% du PNB, pour un montant total de 170 millions de dollars. Le camp américain Lemonnier est le troisième employeur du pays. Cependant, l’argent est très peu retristribué dans ce pays où 70% de la population vit avec moins de 3$ par jour. La concurrence entre les puissances étrangères pour avoir une place à Djibouti augmente également les capacités diplomatiques du pays en jouant sur les différences idéologiques entre les États. De plus, la nature des contrats signés permet à Djibouti de conserver une forme de contrôle sur les bases, contrairement à des bases comme Guantanamo ou Chypre, où les États-Unis et le Royaume Uni possèdent des baux sans fin prévue.
Nouvelles routes de la soie et stratégie du collier de perle
La présence chinoise à Djibouti est en effet la première étape d’un vaste plan chinois (dit “stratégie du collier de perle”) consistant à installer un ensemble de bases militaires sur le trajet des nouvelles routes de la soie, pour les sécurité et offrir autant de points d’ancrage permettant à la puissance chinoise de se projeter sur toute une partie de l’Asie, de l’Afrique et du Moyen-Orient.
La base chinoise a ainsi été inaugurée en grande pompe en 2017. La Chine a également assuré son emprise sur le pays en réalisant des investissements structurants (par exemple des infrastructures, notamment portuaires) pour un montant total de 14 milliards de dollars entre 2012 et 2018. Pékin détient désormais près de 75% de la dette extérieure de Djibouti, pour un montant de plus d’1,5 milliards de dollars. Le petit pays semble, dans son désir de se défaire de l’influence française, s’être jeté dans les bras (ou les griffes ?) de la Chine.
Les États-Unis et la France ont également toute une politique d’investissement et d’aide au développement à Djibouti, mais non conditionnée, contrairement à l’aide chinoise. Aujourd’hui, les américains et les chinois se livrent une forme de guerre d’influence, qui se traduit parfois sur le terrain par des incidents entre les garnisons. Cependant, face à des enjeux communs comme la protection du détroit de Bab el Mandeb et la lutte contre la piraterie dans le Golfe d’Aden ou en Mer Rouge, une coopération est possible.
Lire aussi : Nouvelle base chinoise à Djibouti : état des lieux et perpective de la stratégie chinoise du collier de perles.
Au-delà de l’influence chinoise, des risques pour la diplomatie de Djibouti
En vendant son territoire au plus offrant, Djibouti risque d’être entraîné dans les conflits de ses locataires. Djibouti a refusé d’accueillir une base iranienne en 2017 et a également refusé l’installation d’une base russe. L’État a ainsi été relégué dans le camp de la coalition arabo-occidentale, face à l’alliance plus ou moins officielle entre l’Iran, la Russie et la Chine.
Cette anecdote peut t’être utile pour introduire ou développer de nombreux sujets sur les influences étrangères en Afrique, les nouvelles routes de la soie, les stratégies de puissance militaire des états, voire le transport maritime et bien d’autres. Quant à nous, on se retrouve très bientôt dans le prochain épisode !
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