Afin d’enrichir tes dissertations, les références aux auteurs et à leurs thèses constituent un véritable atout. Mais attention à bien savoir les manipuler et à ne pas simplement mentionner des concepts sans les approfondir ! Cette fiche de lecture portant sur l’ouvrage de Thomas Gomart s’intitulant Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques (2021) a pour but de t’aider à comprendre la thèse de l’auteur et les prochains défis géopolitiques.
L’objectif ici n’est pas de résumer le livre mais d’aborder des concepts, exemples ou paradoxes intéressants pour une copie.
Structure du livre
Le livre se divise en deux grandes parties, le visible et l’invisible, qui elles-mêmes sont divisées en plusieurs chapitres.
Cette division visible/invisible traduit l’esprit du livre : montrer que la complexité du monde est telle, qu’aujourd’hui, contrôler uniquement la partie « visible » ne suffit pas (ou plus) pour aspirer au rôle de puissance.
Prologue de l’ouvrage
Thomas Gomart commence son ouvrage par un triple constat qui s’applique à l’échelle planétaire. Le monde est aujourd’hui fait de contraintes environnementales (premier constat), mais aussi d’un emboîtement complexe de souverainetés et de juridictions (deuxième constat) et d’une polarisation entre les États-Unis et la Chine, polarisation qui selon lui est devenue un « problème international » (troisième constat).
Ce constat va donc rythmer les chapitres.
Le visible
Conflits
La partie sur les conflits est abordée de façon régionale. L’auteur choisit un exemple intéressant pour traiter des conflits : le cas de la Turquie.
Gomart explique que la Turquie serait atteinte du syndrome de Sèvres, qui fait référence à une croyance populaire en Turquie selon laquelle certaines forces extérieures, en particulier l’Occident, « conspirent pour affaiblir et découper la Turquie ». Le nom de Sèvres faisant lui-même référence au Traité de Sèvres de 1920 ayant enlevé à la Turquie les quatre cinquièmes de ses anciens territoires.
L’auteur démontre que la Turquie est motivée par ce syndrome et a aujourd’hui une influence croissante en Afrique (notamment en Somalie où la Turquie possède une base), en Europe (via ses ressortissants) et dans le Caucase (rappelons que la Turquie a soutenu l’Azerbaïdjan dans la guerre du Haut-Karabagh contre l’Arménie).
Environnement
Un paradoxe environnemental
Un paradoxe intéressant est souligné par Thomas Gomart dans cette partie. Alors même que la France et la Chine ont refusé d’adhérer au Traité de Moscou de 1963, interdisant les expériences nucléaires atmosphériques, exoatmosphériques et sous-marines, plus de 55 ans après, lors de l’Appel de Pékin, en novembre 2019, Macron et Xi Jinping se sont engagés sur la conservation de la biodiversité et du changement climatique.
Cela illustre bien l’ambiguïté des États en matière environnementale. Cependant, l’auteur souligne que l’environnement n’est pas une crise à part. Selon lui, les crises se nourrissent les unes des autres et la collapsologie (c’est-à-dire la peur d’un effondrement généralisé dû à des problèmes énergétiques, climatiques, géopolitiques, sociaux, économiques) a fait naître un climat mondial empreint de crises.
Des concepts relatifs à l’environnement
Thomas Gomart rappelle le concept d’esclave énergétique. C’est-à-dire une unité de mesure permettant de comparer la consommation énergétique dans un temps donné avec son équivalent de production mécanique qui aurait été réalisée par un adulte seul. Par exemple, un Français a entre 150 et 400 esclaves énergétiques.
Au concept de « justice climatique », l’auteur oppose donc une « injustice climatique », où 10 % de la population la plus riche produit 50 % des émissions totales.
Commerce
Une crise systémique
La crise du commerce n’est pas nouvelle et ne date pas de la pandémie, elle est systémique. Cette crise déplace et transforme les grands flux. Elle crée une nouvelle forme de concurrence entre puissances, où l’Union européenne subit les effets de la rivalité sino-américaine plus qu’elle ne les exploite.
Gomart parle d’un « basculement thalassocratique de la Chine ». C’est-à-dire un déplacement du centre de gravité de l’économie chinoise vers les côtes et des investissements massifs à l’étranger couplés à une présence en haute mer.
Un clivage au sein de l’UE
Au sein de l’UE, Gomart distingue deux blocs de pays. Les pays du « Nord » (pays scandinaves, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg), qui s’opposent à la lutte contre le dumping et les subventions étrangères (considérant cela comme une forme de protectionnisme), et les pays du « Sud » (France, Italie, Grèce, Espagne, Portugal), qui cherchent à protéger leurs industries grâce aux instruments de défense commerciale. Gomart envisage un troisième groupe (Belgique, Autriche, Irlande), qui oscille entre ces deux positions.
Inégalités
L’espérance de vie, miroir des inégalités
3,4 milliards d’individus sont confrontés à des difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires. L’inégalité la plus fondamentale est l’espérance de vie. Par exemple, 32 années d’espérance de vie séparent les habitants de Hong Kong de ceux de Sierra Leone.
La courbe de l’éléphant
Thomas Gomart reprend l’analyse de Milanovic et de sa courbe de l’éléphant. Milanovic a analysé la redistribution du revenu mondial opérée entre la chute du mur de Berlin et la crise de 2008. Ce graphique révèle que les 5 % les plus pauvres n’ont pas amélioré leur situation et que ce sont les classes moyennes des pays émergents (Chine, Indonésie, Vietnam) ainsi que 1% des plus riches qui sont les classes gagnantes.
Démographie
Gomart commence par se concentrer sur une catégorie de migration bien particulière : les migrations environnementales.
L’auteur explique quels sont les trois types d’impacts du changement climatique susceptibles de provoquer des flux migratoires significatifs. Premièrement, une intensité croissante des catastrophes naturelles, deuxièmement, une hausse du niveau des mers, et, enfin, la création d’un stress hydrique dans certaines régions.
L’invisible
Numériser
Le poids des GAFAM…
En juin 2020, la capitalisation boursière des sept majors du numérique (Apple, Alphabet, Microsoft, Amazon, Facebook, Tencent, Alibaba) s’élevait à 7 168 MD$ (celle des six premières compagnies pétrolières : 2 465 MD$).
Selon Thomas Gomart, on assiste à un « glissement d’une économie politique internationale reposant sur le contrôle du pétrole à une économie impliquant celui des données numériques ».
… et de l’intelligence artificielle
L’auteur se concentre sur l’importance de l’intelligence artificielle et ses répercussions dans les domaines clés de la compétition de puissances.
Selon lui, l’IA amplifie la « course aux talents », elle accélère la robotisation et l’automatisation des économies industrielles et fait apparaître une géorobotique (en Chine, en Corée du Sud, au Japon, en Allemagne et aux États-Unis). Toujours selon lui, elle fait même naître de nouveaux concepts comme celui de « scalabilité » (qui désigne la capacité des usines de production à s’adapter à la seconde près/se redimensionner).
Innover
Un retournement de situation
Thomas Gomart commence ce chapitre par un constat intéressant. Alors que la technologie a souvent eu une origine militaire, puis une application dans le domaine civil, aujourd’hui, c’est le contraire. L’invention civile a des applications dans le domaine militaire (par exemple l’IA).
Les difficultés de l’UE en la matière
Selon Macron, les Européens peinent à s’adapter à trois ruptures. L’apparition d’une nouvelle hiérarchie de puissance (d’ordre stratégique), la déconstruction des normes internationales (d’ordre politique et juridique) et la technologie.
« Pour construire l’Europe de demain, nos normes ne peuvent être sous contrôle américain, nos infrastructures, nos ports et aéroports sous capitaux chinois et nos réseaux numériques sous pression russe. » L’UE n’est pas parvenue à atteindre l’objectif fixé lors de la stratégie de Lisbonne (2000) : « Devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde d’ici 2010. » Car elle a deux principaux problèmes : le passage de l’innovation à la commercialisation à l’échelle globale et la distinction entre civil et militaire qui perd de sa pertinence dans le monde numérique.
Dissimuler
Les intentions des puissances sur ce domaine sont multiples. La Chine souhaite développer les moyens de combiner ses tactiques face aux différentes et nouvelles guerres (diplomatique, psychologique, technologique, virtuelle…) et veut investir massivement dans son complexe militaro-numérique.
Les États-Unis veulent continuer de développer leur système de surveillance globale et s’appuyer sur le Five Eyes (une alliance de services de renseignement entre États-Unis, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni).
Enfin, l’UE cherche à percer davantage le fonctionnement du système chinois, continuer ses efforts sur le contre-terrorisme et investir davantage sur le renseignement économique.
Contrôler
L’auteur développe un exemple parlant : le cas de l’arme juridique des États-Unis. Selon lui, les États-Unis pratiquent « un nouvel art de gouverner dans le contexte inédit de globalisation ». Pour ce faire, ils utilisent les lois et les normes.
Par exemple, le Freedom Act (2015) autorise les autorités américaines à obtenir des informations sur le détenteur d’une messagerie mail, sur le contenu des messages ou des documents stockés dans le cloud par le biais d’un traité d’assistance juridique mutuelle (un accord entre deux États pour faciliter la coopération policière et judiciaire).
Épilogue : la France en quête d’une grande stratégie
L’épilogue se concentre sur un seul pays : la France. Selon Gomart, la France fait face à un effet ciseaux entre un positionnement diplomatique connaissant un rendement décroissant et la sécurité de la France exigeant des coûts croissants.
L’auteur développe le concept de la « grande stratégie ». C’est-à-dire la capacité de construire un projet de puissance français, qui passerait par la nécessité de relier les dimensions stratégiques, politiques, économiques, technologiques et religieuses.
Te voilà maintenant paré.e pour faire référence à cet ouvrage riche en concepts et en analyses géopolitiques ! Afin de parfaire tes dissertations, n’hésite pas à jeter un œil à nos analyses de l’actualité en cliquant ici.