Comme à son habitude, ECRICOME nous propose ici deux sujets qui portent chacun sur des parties différentes du programme. Le premier sujet est comme l’année dernière plutôt un sujet de première année (Enjeux contemporains) alors que le second sujet s’intéresse plutôt au programme de seconde année (l’Union Européenne et la Russie). C’était déjà le cas l’année dernière où le premier sujet avait mis à l’honneur les nouvelles guerres (seconde partie du second module de première année) alors que le second avait questionné l’avenir du rêve américain (les États-Unis).
Ce cru ne surprend donc guère dans le fond, ni dans la forme. ECRICOME fait le choix de formuler les sujets avec des termes clairs et qui ne laissent pas de place à l’ambiguïté, contrairement à l’épreuve de l’ESSEC qui de manière générale choisie des formulations plus complexes.
Pour rappel, le sujet était “La Russie : partenaire ou menace pour l’Union Européenne ?”
Intérêt du sujet
Ce second sujet ne pose pas de problème dans sa compréhension puisqu’il soulève les relations ambiguës de l’Union Européenne avec son voisin direct russe. Ce sujet s’ancre dans l’actualité directe (question syrienne) comme moins récente (question ukrainienne) et invite à s’interroger à la fois sur la dimension économique comme géopolitique des rapports entre les deux géants qui parfois dessinent des dynamiques opposées.
Analyse des termes
Les termes du sujet sont facilement définissables. La seule subtilité est l’emploi du terme « Union Européenne » qui renvoie à une entité politique et juridique bien définie géographiquement (les 28 États membres puisque le Royaume-Uni n’en est pas encore officiellement sorti) et historiquement (l’Union Européenne a été fondée par le traité de Maastricht). La Russie elle-même n’est un état indépendant que depuis 1991 où les accords de Minsk constatent la disparation de l’URSS. La chronologie fournie permettait de bien fixer ce cadre spatio-temporel. Cela n’empêchait pas toutefois de faire quelques digressions historiques car les rapports entre les puissances européennes et la Russie sont bien plus anciens que les années 1990.
L’actualité récente fournissait nombre d’exordes pertinentes selon la logique qu’on voulait suivre dans sa composition entre l’intervention en Syrie, l’affaire Skipral entre le Royaume-Uni et la Russie ou encore les récentes mises en garde notamment du Royaume-Uni contre de possibles cyberattaques russes.
Pistes de réflexions possibles
Pendant près de cinquante ans les rapports entre l’Europe et la Russie (alors, l’URSS) étaient définis par la guerre froide. L’Europe est alors partagée en deux entre l’Europe de l’ouest (et notamment la CEE) et l’Europe de l’est sous domination soviétique. Ce découpage qui a duré près d’un demi-siècle est encore aujourd’hui une composante essentielle pour comprendre la relation compliquée entre les deux géants. L’Europe de l’Ouest a vécu sous la peur d’une agression russe avec à son paroxysme la crise des missiles de 1983. L’Europe de l’Est a été totalement dominée par Moscou et garde un souvenir amer de cette période ponctuée de répressions (Printemps de Prague en 1968 par exemple) et d’ingérence.
A la chute de l’URSS, la Russie apparaît pourtant comme une puissance fragile à la fois économiquement (la transition vers une économie de marché est difficile et se traduit notamment par une hyperinflation et aboutit à la crise de 1998-99) et politiquement. Les années 1990 sont donc celles de la volonté de coopérer.
La priorité de l’Union Européenne est alors de s’assurer que les anciennes républiques socialistes d’Europe de l’Est sortent du giron soviétique d’où leur adhésion certainement précipitée à l’OTAN à partir de 1999 pour la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, puis en 2004 pour le reste des PECO, et à l’Union Européenne en 2004 puis en 2007 et 2013. L’opposition russe bien que réelle n’a alors pas les moyens de stopper les ambitions de l’Union Européenne et de ses partenaires. La Russie cherche toutefois encore à conserver une sphère d’influence à travers la CEI (créée en 1991). La question ukrainienne, qui a historiquement appartenu pendant longtemps à la Russie, est déjà épineuse. Celle-ci doit d’ailleurs renoncer à intégrer l’OTAN. La coopération politique se fait à travers les institutions déjà existantes puisque la Russie lie un partenariat avec l’OTAN en 2002 par exemple.
La complexité des rapports entre l’Union Européenne et la Russie tient dans le fond à deux choses : l’histoire et l’importance des relations économiques entre les deux. La Russie se reconstruit autour de ses ressources naturelles pour surmonter le déclin de son industrie.
La question des hydrocarbures, dont la Russie est le deuxième exportateur, est l’un des ciments des relations politco-économiques. Gazprom vend par exemple 30% de son gaz à l’Allemagne. Cette réalité se traduit par une géopolitique des tubes qui relient les deux espaces. La Russie n’hésite pas ainsi à faire pression en « coupant le robinet » lorsqu’il y a des tensions avec les Balkans ou avec l’Ukraine.
Cette géopolitique des tubes permet aussi de mettre en évidence la disparité des attitudes des pays de l’Union Européenne avec la Russie. Les pays d’Europe du Sud (France, Espagne, Portugal, Italie) sont beaucoup moins dépendants que ceux d’Europe de l’Est qui dépendant parfois à 100% de la Russie pour leur approvisionnement en hydrocarbures.
Au cœur de cette réalité duale, l’Allemagne joue un rôle trouble. L’Allemagne a en effet des liens très anciens avec la Russie (Vladimir Poutine disait à ce propos en 2001 au Bundestag « Entre la Russie et l’Amérique se trouvent des océans. Entre l’Allemagne et la Russie se trouve la Grande Histoire »). Le projet North Stream qui relie la Russie à l’Allemagne a notamment été fortement soutenu par le chancelier de l’époque Gerard Schröder qui s’est retrouvé juste après son mandat de chancelier … à la tête du consortium gérant le projet. Il ne faut pas oublier que dans l’autre sens, la Russie est un partenaire privilégié de l’Union Européenne sur le plan commercial. Les sanctions prises suite à la crise ukrainienne en 2013 ont eu des conséquences directes sur les agriculteurs européens.
Ce terreau déjà riche est aujourd’hui nourri par des crises ponctuelles qui montre l’état de tension qui règne entre les deux parties. La crise ukrainienne en est l’exemple le plus probant. Alors que l’Ukraine montre toujours plus de volonté de se rapprocher de l’Union Européenne, le président pro-russe Ianoukovytch est destitué et la partie est du pays (Donbass, Crimée) déclare son indépendance et sa volonté de rapprochement avec la Russie (dont l’ingérence est fort probable). La Crimée (qui avait été offerte par Khroutchev) est d’ailleurs rétro-cédée en 2014.
On pouvait aussi évoquer la crise syrienne les tensions aux frontières de l’Union Européenne liées aux mouvements de l’OTAN dans ces régions, ou encore l’influence médiatique de la Russie et ses ingérences dans l’information nationale notamment à travers RT qui est la 5e chaîne étrangère la plus regardée en Europe.
En résumé, ce sujet était l’occasion de nombreuses réflexions à la fois géoéconomiques et géopolitiques. Il était bien sûr vain de vouloir trancher entre partenaire ou menace mais l’on pouvait dire qu’en l’état, le renouveau de la volonté hégémonique de la Russie constituait surtout une menace pour la stabilité de l’Union Européenne déjà en crise interne.
Pour aller plus loin
https://major-prepa.com/geopolitique/chute-et-renaissance-de-la-russie-de-1980-a-nos-jours//
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