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Analyse du sujet 2 de géopolitique ECRICOME 2025
Pour ce millésime 2025, ECRICOME nous a donc proposé un sujet relativement inattendu sur l’eau douce, et un autre on ne peut plus dans l’air du temps ! Il s’agissait pour les candidats de traiter “Construire l’Europe de la défense depuis les années 1950”.
Ce sujet, sans doute imaginé par les concepteurs alors que Trump n’était pas encore retourné aux affaires, prend une dimension quasi ironique à la lumière des récents événements : quand l’OTAN vacille, quand la guerre est aux portes de l’Union Européenne, l’incapacité manifeste des Européens quant à leur autonomie stratégique et à la défense de leurs intérêts est d’autant plus patente.
Il faut dire que “l’Europe de la Défense” est le serpent de mer de la construction européenne. Si cette dernière a connu bien des succès (à commencer par la pacification d’un continent exsangue à la fin de la seconde guerre mondiale), qu’elle est aujourd’hui la zone d’intégration régionale (ZIR) de loin la plus aboutie de la planète, il n’en demeure pas moins que la défense est resté et reste sans conteste le parent pauvre de ce processus d’union entamé il y a plus de 70 ans. Avant d’aller plus loin, il convient de bien délimiter ce dont on parle ici !
Définition des termes du sujet
Construire : Ce verbe à l’infinitif peut être entendu dans un sens relativement neutre, ou même comme un impératif implicite, comme si le sujet rappelait la nécessité impérieuse de construire cette Europe de la défense.
Construire, c’est donc l’idée de bâtir de manière progressive, volontaire. C’est un processus a priori difficile et besogneux. Le syntagme “construction européenne” est d’ailleurs très répandu, et ce n’est pas un hasard. La CEE puis l’UE sont des processus mus par la volonté des hommes d’État, qui ont sans cesse fait progresser l’intégration entre leurs pays tout azimut, non sans affronter réticences et difficultés.
L’Europe : Ici, il fallait bien sûr comprendre l’Union Européenne. La définition géographique, continentale, “de l’Atlantique à l’Oural” pour paraphraser De Gaulle, ne fait pas sens. La construction européenne est le cadre potentiel de cette Europe de la défense, et la Russie pourtant eurasiatique est un de ses détracteurs manifestes
La défense : sans doute le terme le plus difficile à définir dans ce sujet. Ce terme renvoie à la capacité à assurer la sécurité, la souveraineté et les intérêts d’un État ou d’un groupe d’État sur son territoire. La défense diffère donc ici de la capacité militaire, qui peut être indifféremment employée dans une manœuvre défensive ou offensive. La Défense peut aussi concerner des fonctions connexes comme le renseignement, l’espionnage, la diplomatie, etc.
Depuis les années 1950 : Le sujet aurait été identique sans cette précision, qui tombe sous le sens : on ne parle pas d’Europe de la Défense avant les années 1950, la guerre faisant précisément rage entre les différents États du continent. On pourra éventuellement rappeler qu’en leur temps déjà, Aristide Briand (1862-1932) ou même Victor Hugo (1802-1885) appelaient de leurs vœux des “États-Unis d’Europe”, sans pour autant évoquer l’Europe de la Défense.
Problématique
La difficulté à problématiser le sujet réside dans sa formulation assez historique. On pouvait être tenté de plaquer son cours sur l’Europe de la Défense de manière chronologique sans vraiment mettre en exergue un problème. Il n’était pas forcément faux d’adopter un plan chronologique, mais dans ce cas on privilégie plutôt un plan chrono-thématique pour ne pas basculer dans de la pure récitation.
En l’occurrence, on pouvait notamment partir du constat dressé dans les premières lignes de cette analyse, à savoir : si l’UE est l’objet politique le plus atypique et abouti du monde à bien des égards (pacification interétatique, intégration économique, échange culturelle, libre circulation, pouvoir normatif, etc.), force est de reconnaître que le projet d’Europe de la défense est resté une chimère depuis les années 1950. Dès lors, deux questions surviennent : pourquoi cet état de fait et, surtout, est-ce ou non immuable ?
Plan possible
Pas de panique si tu n’as pas fait ça, il y a une multitude de plans possibles ! Le tout est de savoir lequel est le plus efficace pour répondre à ta problématique et développer ton argumentation. Ici un “Pourquoi ? Comment ? Jusqu’où ?” semble particulièrement bien convenir : Pourquoi l’Europe de La Défense est devenue le parent pauvre de construction européenne ? Comment la défense européenne s’est structurée aujourd’hui, amputée de cette force militaire continentale et, enfin, dans quelles mesures cette réalité stratégique atteint ses limites aujourd’hui et quelle est la marge de manœuvre de l’Europe pour y remédier.
Dans la première partie, il convient évidemment de faire un certain nombre de rappels historiques pour expliquer les causes profondes de cet échec. En effet, les tentatives d’établir une Europe de la Défense sont consubstantielles à la construction européenne. Le traité pour la Communauté Européenne de Défense (CED) est signé en mai 1952, mais celui-ci cause de vives réactions d’une partie de classe politique en France, qui voit d’un mauvais œil l’éventuelle perte de souveraineté induite ainsi que la remilitarisation de l’Allemagne, sept ans après la capitulation d’Hitler. Le projet est rejeté par l’assemblée nationale en 1954. L’Union de l’Europe Occidentale (UEO), la PESC (1992), l’AED (2004) sont autant d’exemples de projets européens, assez superficiels et embryonnaires dans les faits, en matière de défense.
Cela s’explique par deux principaux facteurs qu’il fallait illustrer : la méfiance des États, plus enclins à collaborer sur la dimension économique que sur un domaine régalien, mais surtout les difficultés d’un continent en pleine reconstruction économique, spectateur de l’affrontement URSS / Etats-Unis qui a structuré la géopolitique mondiale jusque dans les années 1990. Dans le camp de l’Ouest, la CEE profite de la protection américaine, entérinée par la signature du traité de l’Atlantique Nord en 1949 qui aboutira à la mise en place de l’OTAN.
Dans la seconde partie, on pourra ainsi décrire la complexité de la défense européenne, morcelée entre une somme d’armées nationales aux puissances inégales, quelques dispositifs européens mineurs et, évidemment, sa pleine adhésion à l’OTAN, alors que l’hyperpuissance américaine (Hubert Védrine) atteint son paroxysme dans les années 1990. L’UE s’élargit à la faveur des intégrations des pays de l’Est, qui intègre “l’UE pour l’économie, l’OTAN pour la défense”. À mesure que l’Europe s’agrandit, le consensus sur l’ensemble des sujets devient de plus en plus difficile à atteindre, et la défense ne fait certainement pas exception. C’est le début de quelques initiatives sur un périmètre plus restreint que celui de l’UE, comme les accords de Saint-Malo (1998) dans le contexte de la guerre au Kosovo, à l’initiative deux plus grandes armées d’Europe : la France et le Royaume-Uni.
Cette “sous-traitance” à l’OTAN de la défense des Européens se vérifie assez bien dans la faiblesse des investissements continentaux en matière de défense, à l’échelle de l’Union comme des États membres (cf documents attachés au sujet).
Enfin, on pouvait mentionner les chocs subis ces dix dernières années par l’Europe qui la contraignent à réviser sa stratégie en matière de défense, et donc à construire enfin cette Europe de la défense. Il y a d’abord des facteurs endogènes : guerre aux portes de l’Union, Brexit et donc départ de la seconde armée du continent… mais aussi et surtout exogènes. Le premier d’entre eux est évidemment le désengagement progressif des Etats-Unis, dont la vision d’une “destinée messianique” (M. Albright) qui consiste à se penser comme le gendarme du monde semble s’étioler au fil du temps.
Cela se manifeste au départ dans la stratégie du pivot initiée par Obama, qui théorise l’importance pour les Américains d’être davantage présents en Asie, au détriment de l’Europe. La politique de Trump est l’autre facteur déterminant, lui qui semble ne plus vouloir payer pour la défense de l’Europe. Plus généralement, le monde est devenu plus “apolaire” (B. Badie), avec des accords opportunistes à géométrie variable ; la fidélité stratégique n’est plus vraiment de mise. Avant même la réélection de Trump, on se rappelle bien sûr de la déclaration de Macron suite à son différent avec Erdogan, qui avait dit de l’OTAN qu’elle était “en état de mort cérébrale”.
De fait, la défense européenne progresse indéniablement : la “boussole stratégique de l’Europe” initiée en 2022 est un plan ambitieux pour coordonner les défenses nationales à l’échelle européenne, et s’accorder sur les priorités stratégiques des Etats membres. Pour la première fois, un fonds de défense européen (FED) doté de 7,1 milliards d’euros pour six ans (2021-2027) doit permettre de développer des programmes militaro-industriels européens d’envergure.
On peut donc affirmer que par nécessité de circonstance, l’Europe de la Défense progresse comme elle n’a jamais progressé auparavant, elle qui était restée au stade de vœu pieux des “Pères de l’Europe”. Pour autant, les divergences de point de vue entre les États membres et la dépendance toujours très forte (sur le volet du renseignement par exemple) à l’allié américain demeurent un frein notable à cette velléité d’autonomisation stratégique. La question de la capacité des États à investir les sommes nécessaires posent également question : en 2024, 326 milliards ont été consacrés à la Défense par l’ensemble des pays membres de l’UE, soit trois fois moins que les seuls États-Unis.
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