luxe

« La France n’a pas les GAFA, mais elle a les géants du luxe mondial », a déclaré Bruno Le Maire, le 8 janvier 2019, lors de la signature du contrat stratégique de filière mode et luxe. En effet, si la France n’a pas les GAFA, elle a les KHOL (Kering, Hermès, L’Oréal, LVMH), les plus grandes sociétés dans le secteur du luxe, faisant du pays le leader mondial. Connaître des exemples et des chiffres précis sur le secteur du luxe peut être très utile lorsque tu tombes sur un sujet sur la France (soft power, compétitivité) ou pour les oraux de HEC. Voici un exemple de sujet qui est tombé en 2023 : « Les clés du succès de l’industrie française du luxe ».

Définition et chiffres clés

Commençons par une définition : un produit de luxe est un produit de qualité, très onéreux, raffiné et par conséquent rare.

Classement des entreprises de luxe en matière de marges

  • LVMH
  • Kering : Saint Laurent, Gucci…
  • Richemont : Cartier
  • Estée Lauder : Bobbi Brown, Tom Ford Beauty, La Mer…
  • L’Oréal : Lancôme, Prada Beauté, Valentino…

Chiffres clés

  • Le marché mondial du luxe est estimé à 1 500 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 10 % par rapport à 2022. Il pourrait atteindre 2 500 milliards d’euros en 2030.
  • La contrefaçon coûte 16 milliards d’euros par an à l’industrie européenne.
  • Il y a un excédent commercial de 20 milliards d’euros en France par an.
  • Le secteur du luxe représente 3 % du PIB français.

Rappel historique de la spécialisation française dans le luxe

Le début de la spécialisation française dans le luxe

Les nobles français s’intéressent de plus en plus aux produits de luxe à partir de la Renaissance, mais tous ces produits provenaient d’Italie. Louis XIV s’intéressait lui aussi à ces produits, mais désirait consommer des produits français. C’est pour cela qu’il demande à son bras droit et ministre des Finances, Jean-Baptiste Colbert, de créer cette industrie en France pour non seulement renforcer l’économie française, mais aussi répondre à la croissante demande en produits de luxe.

Le premier signe de la spécialisation française dans le luxe est l’ouverture de la manufacture royale de glaces de miroirs à Saint-Gobain en 1665. Cette manufacture permet à la France de devenir un des plus grands producteurs mondiaux de miroirs, concurrençant alors le monopole vénitien et marque le début du développement du savoir-faire français.

La naissance des grandes maisons de luxe françaises

La deuxième étape importante pour le luxe français se produit au XIXe siècle. À cette période, il y a une multiplication importante du nombre de bourgeois qui veulent imiter les nobles en achetant des produits de luxe. L’importante hausse de la demande a alors modifié le secteur du luxe.

Jusque-là, les clients passaient commande directement chez les artisans pour avoir des produits sur mesure, mais avec la hausse de la demande, cela n’est plus possible et les artisans vendent des produits standardisés. C’est la naissance des grandes maisons de luxe. En effet, Thierry Hermès crée sa maison en 1837 (produits d’équitation), Louis-François Cartier en 1847 (bijoux, montres) et Louis Vuitton en 1854 (des malles).

Explosion du marché de luxe pendant la deuxième moitié du XXe siècle

C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le marché du luxe s’organise en France et passe d’une logique artisanale à industrielle. Cela permet de rendre ces produits de luxe accessibles à un plus grand nombre et de les distribuer plus facilement et intensément.

Le Comité Colbert

Ce changement radical s’est accompagné d’une augmentation importante de la concurrence dans le monde. Si la France est leader dans le secteur du luxe à l’époque, les entreprises françaises craignent cette concurrence et créent le lobby du Comité Colbert en 1954 pour se protéger. À sa création, il y avait 15 maisons dans le comité (Baccarat, Cartier, Christian Dior, Guerlain, Hermès…) et il y en an 113 aujourd’hui. En tant que lobby, il peut faire pression sur le gouvernement pour mettre en place des mesures protectionnistes, mais en tant qu’association, le Comité Colbert permet de faire rayonner le savoir-faire français à l’étranger et contribue alors au soft power français.

Le Comité Colbert mène par exemple beaucoup d’actions pour lutter contre la contrefaçon, un problème majeur pour les entreprises du secteur du luxe. Il l’a fait en sensibilisant le public contre les dangers de ces produits (que ce soit un danger économique ou de santé). Selon le Comité, le faux a fait perdre six milliards d’euros à l’économie française, et entre 30 000 et 40 000 emplois.

Le Comité travaille aussi avec les autorités nationales et européennes pour mettre en place des actions concrètes pour lutter contre ce phénomène. En 2020, lors de l’établissement du projet de loi du Digital Services Act par la Commission européenne, le Comité Colbert a travaillé avec les acteurs européens pour s’assurer que cette loi puisse lutter contre la vente de contrefaçons en ligne.

Les fusions-acquisitions

Un autre aspect intéressant de l’industrie du luxe en France est la concentration du secteur. Les fusions-acquisitions se multiplient durant la deuxième moitié du XXe siècle, ce qui permet de renforcer les entreprises. Le groupe phare de ce phénomène est LVMH, qui a absorbé neuf autres entreprises en 1999 et a même tenté d’absorber Hermès dans les années 2000.

Créée en 1987, la société LVMH possède plus de 70 entreprises (Kenzo, Tiffany, Marc Jacobs, Dior…) aujourd’hui, tandis que le groupe Kering n’en possède qu’une quinzaine. Cette stratégie de « grands groupes » est très efficace pour les entreprises françaises, car elle permet de développer les marques plus rapidement grâce à des plus grands investissements et aux synergies qui peuvent exister entre les marques. Des marques internationales ont reproduit cette stratégie, comme Michael Kors, qui a racheté Versace au sein du groupe Capri Holdings aux États-Unis.

Zoom sur une maison phare du luxe : Chanel

Les débuts

Faisons maintenant un zoom sur une des maisons françaises les plus réputées : Chanel. Cette maison a été fondée en 1910 par Gabrielle Chanel, une femme visionnaire qui a révolutionné le monde de la mode. Elle a un succès immédiat avec l’ouverture de sa première boutique avec des habits élégants, sobres et plus simples (chapeaux plus simples, robes un peu plus courtes). Elle invente des robes simples et des tailleurs qui rompent avec la mode contraignante du corset, avec la philosophie de proposer des vêtements pratiques pour ses clientes.

Gabrielle Chanel, surnommée « Coco Chanel », crée des produits emblématiques et toujours reconnus aujourd’hui, comme le parfum n° 5 Chanel en 1921, la petite robe noire en 1926 et le sac matelassé avec une chaîne en or en 1955. Elle connaît un succès immense à Paris et même aux États-Unis jusqu’en 1935, mais la Seconde Guerre mondiale va l’obliger à fermer ses boutiques et à s’exiler en Suisse.

Elle refait apparition dans le monde de la mode au début des années 1950, un moment où Christian Dior s’est imposé avec son « New Look », à des années-lumière de l’univers Chanel. Gabrielle Chanel va continuer à créer des pièces simples et élégantes jusqu’à sa mort, en 1971.

Après la mort de Coco Chanel

Karl Lagerfeld va reprendre Chanel en 1983, en conservant l’esprit de la marque et en assurant le succès de la marque, jusqu’à sa mort en 2019. C’est une des figures les plus emblématiques du luxe français, qui a modernisé la marque Chanel en conservant son ADN, avec des produits emblématiques et des défilés à couper le souffle.

Tu peux retenir que non seulement Chanel est l’une des marques de luxe les plus connues au monde et participe alors à l’hégémonie française, mais que cette maison a aussi joué un rôle important dans l’émancipation des femmes. En proposant des vêtements pratiques et moins contraignants, Chanel permet aux femmes de s’habiller élégamment tout en pouvant bouger librement.

Les personnages français clés dans le secteur du luxe

Derrière ce secteur du luxe français, il y a des personnalités visionnaires qui ont façonné l’industrie : Bernard Arnault et François-Henri Pinault. Ces deux hommes ont transformé leurs sociétés respectives en deux empires du luxe et participent ainsi à renforcer le soft power français dans le monde.

Bernard Arnault

Ce polytechnicien né en 1949 a commencé à bâtir son empire dans les années 1980 avec le rachat du groupe Boussac (possédant Christian Dior, Le Bon Marché…) en 1984 et l’acquisition d’actions de LVMH en 1987, avant d’en devenir l’actionnaire majoritaire en 1989. En tant que PDG de LVMH à partir de 1989, Bernard Arnault mène un plan de développement pour faire de sa société le premier groupe de luxe au monde. Pour ce faire, il fait des acquisitions de marques stratégiques : Céline, Kenzo, Guerlain, Fendi…

Grâce à ses sociétés et à ses autres investissements (Les Échos, Le Parisien…), il devient l’homme le plus riche de France en 2005. Sa société LVMH représente aujourd’hui 96 % de sa fortune totale. Avec une fortune estimée à 200 milliards de dollars, c’est un des hommes les plus riches du monde, il oscille entre la 1re et la 3e place. Il a même dépassé Elon Musk et Jeff Bezos à plusieurs reprises en 2023 et 2024.

François-Henri Pinault

Fils de François Pinault, fondateur du groupe Pinault-Printemps-Redoute devenu Kering en 2013, François-Henri Pinault, diplômé de HEC, dirige le groupe Kering depuis 2005. Il a pris des décisions stratégiques pour développer le groupe, en faisant le 2e groupe mondial du luxe : changement de nom, cession des marques de Printemps, la Redoute… et acquisition de Qeelin, Brioni…

Un des coups stratégiques de la famille Pinault a d’ailleurs commencé une « guerre » entre les deux géants du luxe français. François Pinault (père de François-Henri) a pris le contrôle à 40 % de Gucci en 1999, alors que Bernard Arnault s’intéressait aussi à cette maison italienne (il détenait 25 % de la marque). Bernard Arnault a cherché à contester l’opération de Pinault en vain et il lui a finalement vendu ses parts en 2001, lorsqu’un accord a été trouvé. La rivalité a continué pendant les années 2000, avant une réconciliation annoncée en 2009 par un déjeuner.

Un exemple d’évasion fiscale dans le secteur

Cette société a permis à François-Henri Pinault de s’affirmer en tant que 3e fortune française et 28e mondiale en 2023, mais aussi d’être pris dans des scandales. Le plus gros scandale autour de la société Kering est celui de l’évasion fiscale du groupe. Le groupe a en effet utilisé sa filiale suisse, Luxury Goods International, pour déclarer une grande partie des profits réalisés, en bénéficiant d’une fiscalité avantageuse. L’évasion fiscale a été estimée à 2,5 milliards d’euros entre 2009 et 2017 ; le groupe ne payait que 8 % d’impôt sur les sociétés, contre les 31 % qu’il aurait dû payer en Italie.

Ce scandale a été résolu à l’amiable pour éviter des poursuites judiciaires : 1,25 milliard d’euros pour le fisc italien et 210 millions d’euros pour le fisc français. Ce scandale a terni l’image de Kering et de son PDG, et a permis de sortir de l’ombre les pratiques d’optimisation fiscale agressive dans le secteur.

Conclusion

Le secteur du luxe en France est indispensable : il contribue au soft power puisqu’il reflète la culture et l’art de vivre à la française dans le monde entier. Les entreprises majeures, telles que LVMH, Kering et Chanel, apportent un atout économique et compétitif important au pays.

 

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