Le Japon est le pays d’Asie avec le taux d’urbanisme le plus élevé (plus de 94% !), et le tiers de sa population est concentré dans une seule aire urbaine. Major-Prépa décrypte pour toi les enjeux d’aménagement qui se posent pour organiser le territoire de la population la plus vieillissante du monde. Le Japon est souvent trop peu connu des candidats en prépa ECG ! Cet article te donne les clés pour ajouter un excellent exemple à tes copies de géopolitique, et t’aider à te démarquer à l’oral d’HEC.
Petite histoire de l’aménagement urbain au Japon
Une structure centralisée jusqu’au milieu du XXe siècle
Historiquement, le territoire japonais a longtemps été fixe, avec des frontières très peu mobiles. Au XIXe siècle et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, cet équilibre est renversé par l’arrivée d’un pouvoir qui souhaite ouvrir le pays, avant très fermé sur le monde. Les phases de colonisation s’enchaînent : la conquête de Hokkaido au XIXe siècle, l’annexion de Taïwan et de la Corée début XXe siècle, et l’invasion brutale de la Chine en 1930 sont des exemples de cette volonté expansionniste.
Avant la fin de cette période coloniale en 1945, le territoire était aménagé en préfectures, qui étaient en réalité des vestiges d’anciens fiefs féodaux. Le pouvoir était centralisé dans la capitale, et les provinces jouissaient d’une liberté limitée en termes de politiques d’aménagement.
Les prémices de la décentralisation territoriale en 1945
Cependant, lorsque les Etats-Unis (et notamment le général MacArthur) prennent la main sur la politique japonaise en 1946, ils souhaitent affaiblir le pouvoir central pour étouffer ses envies expansionnistes. L’idée est donc d’amorcer la décentralisation. Les prérogatives des provinces sont augmentées, et la ville de Tokyo est considérée comme un département en raison de son importance. Il faut noter qu’à cette époque, le Japon est à 70% un pays rural !
La décentralisation, une réponse à l’urbanisation massive
Dès les années 1940, l’amélioration du réseau de transport pousse des millions de Japonais à migrer vers les villes, où le travail est abondant et moins dur que dans les rizières. Chaque année, on estime que près de 500 000 personnes déménageaient pour une grande aire urbaine. Si ce n’est pas la première phase d’exode rural qu’a connu le Japon, c’est certainement la plus intense.
Dans les décennies qui suivent, les réformes territoriales se succèdent, et les petites villes gagnent en pouvoir. A la fin des années 1950, une loi donne aux métropoles de plus de 500 000 habitants des compétences départementales, ce qui concerne aujourd’hui une vingtaine d’aires urbaines ! De plus, une réforme territoriale majeure de 1999 augmente la taille des villes de province en agglomérant (un peu artificiellement) des communes. Le but était aussi de diviser par trois le nombre de villes au Japon, qui étaient devenues trop difficiles à administrer avec l’exode rural massif.
La concentration urbaine actuelle au Japon
Une mégalopole toute-puissante et très attractive
Le Japon est connu pour être un pays paradoxal. En ce qui concerne l’urbanisme, c’est la concentration de ses villes qui est frappante. La macrocéphalie tokyoïte est évidemment le premier exemple : près d’1/3 de la population japonaise vit à Tokyo ! Ensemble, les 4 aires urbaines majeures du Japon (Tokyo, Osaka, Nagoya et Fukuoka) concentrent 70% de la population japonaise ! Cette mégalopole attire les populations rurales qui souhaitent vivre en ville, et draine le dynamisme des petites villes de province. C’est un déséquilibre que les politiques d’aménagement peinent à combler.
Un exode rural qui continue
Si l’exode rural peut sembler un concept lointain en France, ce n’est pas le cas au Japon ! Seuls 6,5% des Japonais vivent en campagne, contre 19% en France. C’est même un phénomène qui engendre de nombreux problèmes de dynamisme pour les provinces. Couplé au problème majeur du vieillissement (30% des Japonais ont plus de 65 ans), il s’agit d’un des sujets les plus pressants de politique interne.
Les autorités font face au double constat du dépeuplement des campagnes, et de leur vieillissement accéléré. En effet, elles ont tendance à perdre leur jeunesse, qui préfère partir en ville. D’abondantes politiques de revitalisation des campagnes sont mises en place, mais mis à part des cas isolés, rares sont ceux qui quittent la vie urbaine.
Tokyo, un aménagement urbain aux enjeux géopolitiques
Une ville mondiale insérée dans les échanges internationaux
Tokyo, c’est tout simplement l’aire urbaine la plus peuplée du monde. Et ce, depuis le XVIIIe siècle (où elle dépasse Londres) ! Elle a une importance historique et politique majeure dans l’histoire japonaise, et si ça n’a pas été sa seule capitale, c’est bien la plus illustre depuis l’ère Edo (1600-1868).
Idéalement située sur la baie de Tokyo, elle donne sur l’océan Pacifique, plaque tournante du commerce mondial. C’est aussi la principale source de revenus touristiques au Japon, et un hub où se concentrent la plupart des industries qui font la richesse du pays. Sur le plan financier, la ville est l’une des principales places boursières asiatiques. En outre, Tokyo est le lieu de nombreuses rencontres internationales de haut niveau (JO de 2020).
Aménager pour mieux régner sur l’échiquier géopolitique mondial
L’aménagement de Tokyo a toujours été un enjeu majeur. En 1943, elle acquiert le statut de département, aussi pour pouvoir suivre l’évolution des autres villes mondiales. En effet, face aux autres métropoles asiatiques (Séoul, Shanghai ou Hong-Kong), Tokyo cherche à tenir son rang.
Ainsi, une politique communale de 2002 fait construire des logements collectifs pour pallier l’envolée foncière. On développe aussi les attractions touristiques, comme les sites historiques (Meiji-Jingu) ou Tokyo Disneyland (17 millions de visiteurs par an). En 2020, l’événement principal à Tokyo est l’accueil des JO, qui nécessite un grand chantier de nouvelles installations. Il était notamment question de mobiliser l’ancienne zone des JO de 1964 et de mettre en valeur la ville. Mais c’était sans compter sur le Covid-19…
Lire aussi : La crise géopolitique des JO de Tokyo
Les périphéries, espaces oubliés de l’urbanisme japonais
Des villes désertes et sauvages
L’ensauvagement des villes au Japon est devenu un véritable problème d’aménagement territorial. En effet, le dépeuplement des campagnes crée des villes-fantômes, sans commerces ni habitants. Plein d’images d’animaux parcourant les villes japonaises circulent d’ailleurs sur les réseaux sociaux ! Si l’anecdote peut faire sourire, elle est symptomatique d’une disparition humaine sans précédent. Près de 50% des communes du Japon sont en situation de dépeuplement excessif…
La nature reprend ses droits sur les zones touchées. On peut voir des bandes d’animaux (ours, sangliers, singes…) saccager les plantations rizicoles des villes désertées par les hommes. Ce phénomène est lié au changement climatique, qui chasse les animaux de leur milieu d’origine pour se nourrir. En outre, la catastrophe de Fukushima a laissé à l’abandon de nombreuses terres, qui sont également réinvesties par la nature.
Le renouveau des périphéries à Tokyo
Tokyo est une ville engorgée, où l’étalement urbain n’empêche pas l’abondance de logements minuscules. L’architecture y est éclectique, entre parcs, gratte-ciel et résidences traditionnelles. Par ailleurs, les centres-villes sont de plus en plus prisés, ce qui fait monter les prix de l’immobilier à des niveaux record. Par exemple, le quartier de Ginza, surnommé “les Champs-Elysées du Japon”, était en 2018 le quartier le plus cher du monde avec des prix au m2 atteignant les 400 000 euros !
Ainsi, acheter à Tokyo devient hors de portée, à moins de prendre un emprunt sur 60 ans (comme de nombreux propriétaires) ! Beaucoup décident alors de se rediriger vers les banlieues, plus calmes et moins chères. On parle du phénomène du “beignet” : plus de 75% des habitants de Tokyo sont logés dans la périphérie de l’aire urbaine. Il faut donc trouver un équilibre entre vitaliser les centres-villes et développer les banlieues.
Si le sujet de l’aménagement de Tokyo t’intéresse, je te conseille le site du CNES Geoimage, qui étudie en détail ses quartiers !
Pour conclure
L’urbanisme au Japon est un sujet transversal, qui touche à la fois des questions démographiques, politiques et géopolitiques. Le vieillissement et le traditionalisme des campagnes accélèrent l’exode rural, ce qui contribue à son tour à créer des villes-fantômes. Elles s’opposent à une mégalopole extrêmement dense et dynamique, qui fait tourner l’économie et concentre les pouvoirs. L’enjeu d’aménagement territorial consiste donc à mieux répartir la population en gardant l’atout stratégique de Tokyo sur l’échiquier mondial.
Pour t’aider dans ton travail en géopolitique : retrouve toutes nos fiches de révisions, et consulte nos autres articles !