Russie

Cet article va se consacrer à un triste anniversaire. Depuis un an, la guerre sévit à l’est du continent et l’agression russe contre l’Ukraine a changé le cours de l’histoire. D’abord économiquement, en provoquant à court terme une crise énergétique, une crise alimentaire et une inflation. Puis géopolitiquement, en accentuant la reconfiguration du paysage mondial et en revitalisant l’OTAN, mais en augmentant le fossé nord-sud, en piétinant les principes de la Charte des Nations unies et en faisant de l’usage de la force le nouveau déterminant des relations internationales.

Beaucoup a été dit et écrit sur ce conflit. Cet article va se concentrer sur la Russie et sa politique de puissance. En reprenant l’histoire de la Russie, ancienne et récente, l’article va soulever la question de l’incapacité de ce pays à se penser autrement qu’en puissance impériale. Une puissance à la tête d’un Empire qui n’a cessé de connaître des fluctuations dans ses frontières (notamment à l’ouest), mais dont l’État central n’a jamais renoncé à l’usage de la force militaire pour retrouver les territoires perdus.

Pour la chercheuse Anne de Tinguy, la guerre en Ukraine est une guerre néo-impériale et de civilisation, nourrie par l’obsession de la grandeur de Vladimir Poutine. Il y a ainsi une malédiction impériale russe, à la fois pour les territoires et les peuples qu’elle assujettit contre leur gré, mais aussi pour la Russie elle-même. Cette dernière étant incapable d’imaginer de nouveaux ressorts de puissance, alors qu’elle n’est pas dépourvue d’atouts et qu’elle va sortir affaiblie du conflit, quelle qu’en soit l’issue.

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Une anecdote pour commencer

Le 26 décembre dernier à Moscou, Vladimir Poutine a été l’hôte de la réunion annuelle de la Communauté des États indépendants (CEI). Il s’agit d’un forum créé en 1991 lors de la dislocation de l’URSS et qui a pour ambition de maintenir des liens étroits entre les 15 anciennes Républiques de l’URSS.

Neuf pays font aujourd’hui partie de ce forum. Les cinq États d’Asie centrale, en commençant par le Kazakhstan, le plus important d’entre eux. Deux États du Caucase, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Enfin, la Biélorussie et bien sûr la Russie. Lors de ce sommet, Poutine a fait cadeau à chacun des dirigeants présents, comme à lui-même, d’un anneau. Une bague en or sur laquelle étaient gravés le symbole de la CEI, l’expression « Bonne année 2023 » et le mot Russie.

Une référence au Seigneur des Anneaux

Ce présent, qui apparemment ne fut porté qu’au doigt de Loukachenko, le dictateur biélorusse, a fait beaucoup jaser. Très sérieusement, des politologues émérites y ont vu une référence aux neuf anneaux du Seigneur des Anneaux, l’œuvre de Tolkien. Dans l’ouvrage, ces anneaux permettent de dominer les hommes et sont confiés par le Seigneur des Ténèbres, Sauron, aux Rois des hommes.

On peut s’amuser du parallèle, mais il n’est sans doute pas anodin. Depuis le début du conflit, les soutiens de l’Ukraine aiment comparer l’Ukraine à la Terre du Milieu, le territoire agressé par le mal, le Mordor, incarné par la Russie. C’est en tous les cas un symbole d’unité que la Russie a voulu afficher. Alors qu’en réalité, la communauté souffre de graves divisions (conflit entre Arménie et Azerbaïdjan). Et alors que, hormis la Biélorussie qui a voté contre, tous les autres pays se sont abstenus lors du vote de l’ONU condamnant les annexions russes en Ukraine.

Pourquoi Poutine, qui a déjà des difficultés à conserver des liens étroits avec les pays de la CEI, est-il allé faire la guerre en Ukraine ? Pour lui, il existe une indiscutable continuité entre l’Empire russe tsariste, l’Union soviétique et la Russie contemporaine. C’est avec la volonté de conserver l’héritage qui fait que la puissance se mesure à l’étendue des terres sous l’autorité de Moscou que Poutine agit.

En 2005, Poutine affirmait devant le Parlement que l’éclatement de l’URSS était « la plus grande catastrophe géopolitique du XXᵉ siècle ». L’affirmation pouvait être prise à la légère, mais cela reflétait exactement la vision du Président russe et son action en découle.

La guerre en Ukraine

Il y a donc un an, le 24 février 2022, Poutine donnait l’ordre à ses troupes massées à la frontière de l’Ukraine d’envahir le pays.

« J’ai pris la décision de mener une opération militaire spéciale. Son but est de protéger les personnes qui ont été soumises à des abus, à un génocide par le régime de Kiev depuis huit ans. À cette fin, nous chercherons à démilitariser et à dénazifier l’Ukraine. »

L’objectif était la chute rapide du régime de Kiev. La guerre s’est installée durablement, les victimes se comptent en dizaines de milliers et les Ukrainiens vivent un enfer, mais résistent. Cette « opération militaire spéciale » s’est accompagnée d’une radicalisation de la parole de Poutine qui, dès le début, la justifie par les visées géopolitiques hostiles de l’Occident.

Son discours du 21 septembre dernier

Dans ce dernier, il annonce l’appel à la mobilisation partielle. Il déclarait :

« L’ambition de cet Occident est d’affaiblir, de diviser et, finalement, d’anéantir notre pays. Ces Occidentaux affirment déjà en toute transparence qu’ils sont parvenus à briser l’Union soviétique en 1991 et qu’il est maintenant temps pour la Russie elle-même d’être désintégrée en une multitude de régions et de districts qui se livreraient une lutte à mort. Cela fait déjà bien longtemps qu’ils fomentent ces plans.

Ils ont encouragé des bandes de terroristes internationaux dans le Caucase et poussé les infrastructures offensives de l’OTAN jusqu’à nos frontières. Ils ont fait de la russophobie la plus absolue leur arme de choix, notamment en alimentant pendant des décennies des haines ciblant la Russie, surtout en territoire ukrainien. C’est à ce pays qu’ils ont assigné le rôle de tête de pont antirusse, en transformant le peuple ukrainien lui-même en chair à canon et en l’incitant à la guerre contre notre pays jusqu’à son déclenchement en 2014. »

La Russie, l’agresseur, devient agressée selon Poutine et c’est au nom de la défense de la souveraineté russe qu’il agit. Il accuse les Occidentaux d’avoir cherché à « détruire nos valeurs traditionnelles et à nous imposer leurs fausses valeurs ». L’Ukraine est donc une anti-Russie hostile. Il n’a pas de mots assez durs pour décrire le régime de Kiev. Dans ce même discours, il parle « de néonazis qui assassinent et torturent, jettent en prison et règlent des comptes, brutalisent et persécutent des civils ». Les contre-vérités s’accumulent.

Mais pourquoi l’Ukraine est-elle visée ?

Il peut y avoir des raisons matérielles à l’intérêt de la Russie pour l’Ukraine

Le contrôle des rives de la mer Noire, soit l’accès aux mers chaudes, la mainmise sur un potentiel agroalimentaire considérable. Ce dernier, ajouté à celui de la Russie, lui conférerait un food power très intéressant. Les deux pays ensemble représenteraient près de 30 % des exportations mondiales de blé.

Mais aussi l’apport que représente un pays de 43 millions d’habitants, alors que la Russie (145 millions d’habitants) connaît un solde naturel négatif depuis près de 30 ans.

On peut également comprendre l’agression russe par des mobiles politiques

Renverser le gouvernement de Kiev, c’était éliminer le risque de voir une démocratie s’installer à ses portes, contre-modèle stimulant pour les oppositions en Russie. C’était aussi éliminer le risque de voir un jour le pays intégrer l’OTAN. Il faut rappeler qu’en 2005, Georges W. Bush avait affirmé que le pays avait vocation à y entrer et que le sommet de l’OTAN de 2008 avait évoqué son intégration. Mais depuis, aucun consensus n’existait entre alliés à ce sujet.

Logiquement, en 2017, le parlement ukrainien avait rappelé que c’était l’objectif du pays. Toutefois, les statuts de l’OTAN imposent que tout candidat ait des relations pacifiées avec tous ses voisins. Ce qui n’était pas du tout le cas de l’Ukraine depuis 2014. L’adhésion prochaine de l’Ukraine à l’OTAN était un prétexte pour Poutine, mais pas un argument sérieux.

Renverser le régime de Kiev, c’est effacer les humiliations de 2004 et 2014

Petit rappel des liens entre la Russie et l’Ukraine depuis l’éclatement de l’URSS

En 1991, le pays, qui compte 30 % de russophones sur son sol (surtout à l’est) vote à 92 % pour l’indépendance. Les relations avec la Fédération de Russie sont cordiales, l’Ukraine appartient à la CEI. En 1994, le pays accepte de rendre les armes nucléaires qui y étaient stockées à l’époque soviétique. En vertu de cet accord, appelé Mémorandum de Budapest, la Russie et les membres permanents du Conseil de sécurité s’engagent sur sa sécurité. La reconnaissance de son indépendance et de ses frontières est garantie.

L’Ukraine est tiraillée entre l’influence russe, qui s’appuie notamment sur les liens énergétiques entre les deux pays, et l’influence de l’Union européenne, qui intègre plusieurs ex-démocraties populaires et les pays baltes en 2004. Elle propose en même temps d’accompagner les autres pays vers l’État de droit, la démocratie et l’économie de marché via la politique de voisinage.

La Révolution orange de 2004 et l’EuroMaïdan en 2013

En 2004 se produit la Révolution orange à Kiev. Le candidat pro-russe, Ianoukovitch, perd les élections, dans un contexte de grandes manifestations populaires, alors que son rival est victime d’une tentative d’empoisonnement. En 2010, Ianoukovitch prend sa revanche et accède à la présidence. Mais, entre-temps, l’Ukraine s’était rapprochée de l’Union européenne en signant un partenariat oriental. Celui-ci doit être renouvelé en 2013, mais le nouveau président annonce au dernier moment son refus et un accord avec la Russie.

Cette décision provoque un soulèvement populaire et spectaculaire sur la place Maïdan de Kiev, contre ce président corrompu et cette allégeance à la Russie. Ianoukovitch se réfugie en Russie. C’est une humiliation pour Poutine qui dénonce un coup d’État fasciste et réagit en prenant le contrôle de la Crimée. Cette dernière devenant dès le mois de mars la 84ᵉ région de la Fédération de Russie. Poutine encourage, arme et soutient, par l’envoi d’hommes, un soulèvement séparatiste dans la région du Donbass.

L’annexion de la Crimée avait considérablement accru la popularité de Poutine en Russie. L’humiliation était lavée, alors pourquoi une nouvelle guerre ?

« Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire »

Cette expression du diplomate américain Zbigniew Brzeziński résume tout.

Dans son discours du 24 février 2022, Poutine est explicite : « Je voudrais insister sur le fait que l’Ukraine n’est pas seulement un pays voisin. C’est une part inaliénable de notre histoire, de notre culture et de notre espace spirituel. »

« Nous sommes un peuple », avait-il écrit dans un article publié en juillet 2021 sur « l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ». Dès lors, il considère explicitement que l’Ukraine a des frontières artificielles, créées par les bolchéviques et arrachant des terres qui sont « historiquement russes ».

La guerre en Ukraine est donc le retour à l’impérialisme russe. Une étape (ni la première ni la dernière) dans la reprise en main de cet étranger proche (terme qui désigne ces anciennes Républiques de l’URSS).

Les acteurs : La Russie

Qu’est-ce que la Russie ?

C’est le plus vaste pays du monde, avec 17 millions de km² et 11 fuseaux horaires. La Fédération de Russie, son nom exact, rassemble 89 sujets, aux statuts variés, avec plus ou moins d’autonomie, et trois villes au statut fédéral : Moscou, Saint-Pétersbourg et Sébastopol en Crimée.

Cette variété reflète la diversité des populations et l’histoire. Les 2/3 des 145 millions d’habitants habitent à l’ouest et sont Européens, mais le pays est une puissance eurasiatique et se pense comme tel.

Enfin, cette Fédération de Russie est un état multiethnique. Les Russes ethniques constituent 80 % de la population totale et on recense près de 190 ethnies différentes. Dont les Tatars (cinq millions) et les Ukrainiens (deux millions).

La question de l’identité russe

Pour comprendre la question nationale en Russie, il y a d’abord une question de vocabulaire. Le terme russe (rousski) désigne la langue et l’individu. Il fait référence aux Russes ethniques et date de l’époque médiévale. Le terme Russie (Rossia) et son adjectif russien (peu utilisé en français, en russe : rossianie ou rossiiski) sont apparus au XVIᵉ siècle. Ils désignent un territoire (l’Empire russe) et tous les habitants qui vivent sur son sol, qu’ils soient Russes ou non. Cette distinction est toujours valable dans la Fédération de Russie actuelle, dont les habitants sont officiellement nommés Russiens ou Rossianie.

Être Russe peut donc correspondre à trois réalités. Pour les nationalistes stricts, c’est l’origine ethnique, linguistique. Pour l’État et les impérialistes, être Russe, c’est une affaire de citoyenneté et de territoire. Enfin, pour la diaspora, c’est l’appartenance à une culture ou le fait d’être russophone.

Cette identité est liée à la terre russe, concept aux contours mouvants utilisé dès le XIIᵉ siècle, mais structurant pour la géostratégie de la Russie. Cette référence à la défense de la terre russe est constante chez Poutine.

Autre élément pour comprendre l’identité russe : le rapport à l’Europe. Depuis le Tsar Pierre le Grand à la fin du XVIIᵉ siècle, qui força les courtisans à se raser la barbe pour ressembler à des Européens, le désir d’être comme l’Europe est un des principaux rêves de l’élite russe. C’est aussi d’Europe que vient le marxisme façonnant l’histoire russe au XXᵉ siècle.

Mais cette fascination pour l’Europe s’est accompagnée du sentiment d’être une périphérie de ce monde. L’Europe a regardé la Russie comme un pays oriental, voire exotique. Aujourd’hui, dans sa confrontation avec l’Occident, Poutine se pose en défenseur des valeurs européennes traditionnelles, menacées par les migrants du monde islamique, les homosexuels, etc. Il est violemment anti-occidental et antilibéral.

Les acteurs  : Vladimir Poutine

La Russie aujourd’hui, c’est une verticale du pouvoir très stricte, c’est-à-dire une centralisation extrêmement poussée. À la tête de l’État, Poutine, ancien lieutenant-colonel des services secrets (le KGB), brièvement Premier ministre de Boris Elstine. Il dirige la Fédération de Russie depuis 2000, en tant que Président de la République (à l’exception de la période 2008-2012, où il fut Premier ministre).

Les réformes constitutionnelles lui permettent de briguer encore deux mandats présidentiels de six ans, à partir des élections de 2024. Et comme l’opposition n’existe plus, il peut encore être là longtemps, même s’il a 70 ans et que d’inévitables rumeurs courent sur sa santé.

Au fil des années, il a mis en place ce qu’il nomme « une démocratie souveraine ». C’est-à-dire un régime fort, autoritaire, un régime illibéral, une démocrature selon certains.

Le poutinisme existe-t-il ?

L’historienne Françoise Thom refuse l’idée que ce soit une idéologie. « Poutine n’a rien inventé. Il a récupéré des éléments provenant de la nouvelle droite européenne et les a greffés sur un substrat soviétique. La base est la haine du monde occidental libéral. »

Plus qu’une idéologie, Poutine est attaché à des mythes narrateurs. La Russie a droit de retour de la puissance perdue. Il s’agit de s’inscrire dans la continuité d’une histoire et d’effacer les catastrophiques années 1990. Il faut un État fort, qu’il incarne, pour un pays fort, capable de défendre le monde russe. Y compris la Novorossia, la Nouvelle-Russie, dont il rappelle qu’elle désignait à l’époque tsariste les régions ukrainiennes de l’est jusqu’à Kharkov et Odessa.

La priorité est donnée à la politique étrangère. Il faut restaurer la puissance passée, politiquement et territorialement. Et la Russie agit, selon lui, dans un monde hostile, où la russophobie, sorte de racisme anti-russe, explique toutes les critiques extérieures.

Poutine se fait « historien en chef »

Pour la cohérence du discours, Poutine se fait historien en chef (pour reprendre l’expression de Nicolas Werth). Il puise en permanence dans le passé (réécrit et instrumentalisé) la conviction qu’il faut incarner l’ordre, revenir à l’autocratie et cultiver le nationalisme sur des fondements historiques. « La principale ressource de la puissance et de l’avenir de la Russie réside dans notre mémoire historique », avait-il dit dès 2013.

Il a fini par interdire l’ONG Memorial, plus ancienne et plus éminente ONG russe, fondée en 1989. Cette dernière œuvrait depuis trente ans pour une approche scientifique de l’histoire, permettant de regarder en face les pages les plus sombres du passé, notamment stalinien.

Poutine a eu à cœur de réconcilier les deux périodes antagonistes de l’histoire russe (tsariste et communiste) et il l’a fait autour de la glorification de la « Grande Russie éternelle ». La Grande Guerre patriotique (nom donné à la Seconde Guerre mondiale) est au centre de ce dispositif. Les Russes s’attribuant le mérite de la victoire sur Hitler (gommant le rôle des alliés au moins tout aussi important).

En 2004, il décréta une nouvelle Journée de l’unité nationale. Elle commémore le 4 novembre 1612, jour où les Russes chassèrent de Moscou les forces d’occupation polonaises qui avaient su profiter d’une période de faiblesse du pouvoir central.

Pas étonnant que pour lui, seul un État fort, c’est-à-dire autocratique, garantit la souveraineté du pays. Avec ce contrôle sur l’écriture de l’histoire, aujourd’hui, il n’y a plus que 14 % des Russes qui jugent le rôle de Staline négatif pour leur pays. Ils étaient 45 % en 2000 (sondages réalisés par le centre Levada, jugés fiables, cités par N. Werth).

La réforme constitutionnelle de 2020

La réforme constitutionnelle de 2020 fait de la Fédération de Russie « l’État continuateur de l’URSS », uni par une « histoire millénaire conservant la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis leurs idéaux et la foi en Dieu, ainsi que la continuité du développement de l’État russe ».

Retour sur l’ histoire russe ? Que dit-elle de la puissance russe et de l’usage qu’en fait Poutine ?

La Rous de Kiev

C’est au IXᵉ siècle qu’est apparue une entité politique sur la route commerciale entre la Baltique et la mer Noire, fondée par des Varègues, venus de Scandinavie. Ce royaume, que l’on nomme la Rous de Kiev (ou Rus), a connu son apogée au XIᵉ siècle, ses villes Kiev et Novgorod plus au nord étaient des cités commerçantes et prospères.

C’est au sein de ce royaume que s’est produit en 988 l’un des événements fondateurs de l’histoire russe : la conversion au christianisme de son souverain, le Grand Prince Vladimir. Il adopte en même temps l’alphabet cyrillique conçu par des moines grecs pour évangéliser les populations slaves.

Cette christianisation de la Rous se développe, alors qu’en 1054 se produit le schisme entre Rome et Constantinople. Ses Slaves seront donc des chrétiens orthodoxes. Ce royaume est le berceau des nations ukrainiennes, russes et biélorusses. De là découle une première rivalité. Pour les Russes, il y a une continuité entre ce royaume et la Russie contemporaine. Et il s’établit comme dogme intouchable l’idée que la Russie a eu plusieurs capitales, Kiev, Moscou et Saint-Pétersbourg, comme autant d’étapes dans la construction de l’Empire. Pour les Ukrainiens, au contraire, s’il y a continuité, c’est entre la Rous et l’État que les Cosaques ukrainiens ont fondé au XVIIᵉ siècle.

À partir du XIIᵉ siècle, la Rous de Kiev est affaiblie

Elle est incapable, au XIIIᵉ siècle, de faire face aux Mongols, appuyés par des combattants turcs qui viennent de l’Asie centrale. Ces Turco-Mongols, appelés Tatars par les Slaves, fondent un puissant État, le khanat de la Horde d’Or qui soumet la Rous.

Les Mongols ne peuvent administrer eux-mêmes ce puissant Empire. Ils laissent en place des principautés russes, pourvu que celles-ci leur paient tribut. Parmi elles, la principauté de Moscovie s’affirme peu à peu au XIVᵉ siècle, tandis que la Lituanie devient un vaste État englobant l’essentiel de la Rous de Kiev.

Le destin des Slaves se sépare et cette séparation crée les bases sur lesquelles allaient se former les nations russes et ukrainiennes. Le territoire de la Moscovie, devenue Russie, s’étend peu à peu vers l’est. Son église profite de la chute de Constantinople face aux musulmans en 1453 – la ville devient Istanbul, résidence du sultan – pour s’émanciper. Elle devient autocéphale et est dirigée par le Patriarche de Moscou.

Moscou se pense à partir du XVIᵉ siècle comme la troisième Rome (Constantinople est devenue Istanbul). Elle est la Sainte Russie qui conserve la vraie foi, telle qu’elle a été léguée par les Grecs. Elle peut prétendre à l’Empire et son prince peut donc porter le titre de César ou Tsar. C’est ainsi qu’en 1547, le prince Ivan le Terrible se fait proclamer tsar. Jusqu’à sa mort en 1584, il consolide l’autocratie et entreprend des conquêtes aux dépens des royaumes mongols et musulmans vers l’est. Mais à l’ouest, la progression russe est bloquée par les États suédois et lituaniens.

Le nouveau Tsar, Michel Romanov en 1613

C’est après une période de troubles majeurs et d’ingérences extérieures de la Suède, de la Pologne et de la Lituanie, qu’un nouveau Tsar est choisi par l’aristocratie. En 1613 monte sur le trône Michel Romanov, fondateur de la dernière dynastie de l’empire russe.

Affaiblie, la Russie perd ses territoires sur la Baltique, mais s’étend toujours plus à l’est. Dès les années 1630, des Cosaques atteignent les rives du Pacifique. À l’ouest, en 1648, les Ukrainiens orthodoxes et leurs guerriers s’appuyant sur des groupes de guerriers nommés Cosaques se révoltent contre la tutelle des princes polonais catholiques. Ils demandent l’appui du Tsar, qui finit par l’accorder en 1654 contre le serment de fidélité des Cosaques au Tsar.

Dans le contexte de l’époque, le Tsar hésite et il n’est nulle part question de retrouver la Rous de Kiev. Néanmoins, les destins des deux peuples se rapprochent. Aux yeux de Moscou, la petite Russie, surnom de l’Ukraine, est incorporée dans l’Empire. Pour les Cosaques, cela devait être révocable.

Le grand souverain russe, Pierre le Grand

En 1689, monte sur le trône de Russie Pierre 1er qui transforme en profondeur le pays en menant une politique d’européanisation. Pierre le Grand est le grand souverain russe, célébré par Poutine. Le moteur de son action est la guerre et son objectif de faire de la Russie une grande puissance.

Au terme de 21 ans de campagnes militaires, il est victorieux de la Suède et des Cosaques ukrainiens qui, ralliés à ce pays, sont considérés comme traîtres par les Russes. Il obtient ainsi l’ouverture recherchée sur la mer Baltique, où il fonde sa capitale.

Après cette victoire, il prend le titre d’Empereur (et pas seulement de Tsar). Il n’y avait alors qu’un seul Empereur en Europe occidentale. Formellement, la Russie devient l’Empire de Russie. L’État se sent contraint par son ouverture maritime vers le pôle Nord et ne cesse de chercher l’accès aux mers chaudes. Sous le règne de Catherine II, le littoral de la mer Noire (Novorossia) est conquis ainsi que la Crimée annexée en 1783, aux dépens de l’Empire ottoman et de larges territoires polonais. L’État polonais disparaît à la fin du XVIIIᵉ siècle, divisé entre ses voisins.

L’expansion de l’Empire au XIXᵉ siècle présente un caractère colonial

Il ne s’agit plus de rassembler des terres russes, mais de conquérir de nouvelles terres, vers le Sud, en rivalité souvent avec les Européens.

En 1854, Français et Anglais viennent aider l’Empire ottoman en difficulté dans un conflit avec la Russie. Ils l’emportent lors de la Guerre de Crimée et limitent l’expansion russe dans la mer Noire. Cette rivalité (le Grand jeu) se retrouve avec la Grande-Bretagne en Asie centrale, où là encore, les Russes veulent avancer vers le Sud.

À la différence des Empires coloniaux européens, l’Empire russe, qui s’agrandit considérablement, reste d’un seul tenant. Il est multiethnique, dominant des populations chrétiennes, comme les Arméniens au Caucase, ou musulmanes, comme au Kazakhstan et autres « stan » d’Asie centrale. L’Empereur vend cependant l’Alaska, trop difficile à défendre aux États-Unis en 1867.

L’URSS, organisée il y a juste un siècle, laisse initialement aux Républiques la possibilité d’une sécession, vite refusée par Staline.

Un droit à l’autodétermination voulu par Lénine, que Poutine critique vertement aujourd’hui. Dans tous les cas, la question ne se pose plus sous Staline. Les 15 Républiques sont redécoupées, pour mieux être affaiblies. De nombreux peuples seront déportés à la fin de la Seconde Guerre mondiale hors de leurs territoires d’origine, comme les Tatars de Crimée, pour leur attitude pendant la guerre.

En 1945, Staline avait obtenu que deux Républiques siègent aux côtés de l’URSS à l’ONU, comme l’Inde, encore colonie britannique. La République socialiste soviétique d’Ukraine est ainsi membre de l’ONU à part entière depuis 1945, comme la Biélorussie. Ainsi, l’Ukraine n’est pas rentrée à l’ONU en 1991. Elle ne l’avait jamais quitté et a simplement demandé à changer son nom pour Ukraine.

La dislocation de l’URSS en 1991 signifie donc bien la fin de l’Empire

Et ce, alors que ce pays n’avait pas connu de décolonisation comparable à celle des pays occidentaux. C’est « une catastrophe géopolitique » pour Poutine. Il faut rappeler que si l’on compare URSS et Russie en 1991, c’est une perte de cinq millions de km² et de 100 millions d’habitants (URSS : 240 millions d’habitants, Russie : 143 millions).

Le PIB de la seule Russie est passé de l’indice 100 en 1990 à l’indice 60 en 1998. Voilà qui en dit assez sur l’ampleur du déclassement. Dans ces conditions, la parenthèse démocratique de la Russie dans ces années 1990 est vécue comme une période de profonde humiliation sur la scène internationale. Et dans ce cadre, les traités signés ces années-là (comme celui garantissant les frontières de l’Ukraine) n’ont, aux yeux de Poutine, aucune valeur.

C’est dans ce contexte qu’en 1993, le nouvel État russe choisit comme armoiries de reprendre les symboles impériaux. L’aigle bicéphale, qui regarde à la fois vers l’Orient et l’Occident, tient le sceptre et l’orbe, avec l’icône de Saint-Georges terrassant le dragon, et les trois couronnes, symbolisant le peuple russe trinitaire, les Grands russes, les Petits russes (Ukrainiens) et les Blancs russes (Biélorusses).

La Russie dirigée par Poutine se lit déjà dans les circonstances de sa prise de pouvoir

Il s’impose à la faveur de la seconde guerre de Tchétchénie en 1999, promettant « de buter les terroristes tchétchènes jusque dans les chiottes ». Sa violence verbale, dont il est coutumier, tranche alors avec les discours lénifiants des nombreux Premiers ministres de Boris Eltsine.

Président, sa politique a un triple objectif. D’abord, tenir fermement la Fédération de Russie, et ensuite étendre sa zone d’influence à son étranger proche. C’est-à-dire aux anciennes Républiques, sauf aux Républiques baltes très vite incluses dans l’Union européenne.

Pour conserver les liens, il propose une alliance militaire (organisation du traité de la Sécurité collective) et une zone de libre-échange (au sein de l’Union économique eurasiatique) aux États qui l’acceptent. Mais il use aussi de la force armée, en imposant la sécession de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Nord en 2008 à la Géorgie et en maintenant des troupes en Moldavie dans la région sécessionniste de la Transnistrie et aujourd’hui en Ukraine.

Troisième objectif, la Russie poutinienne veut être reconnue comme une puissance globale, respectée, crainte le cas échéant. Il use d’un sharp power efficace. C’est-à-dire sa capacité à manipuler l’information à des fins hostiles. Et il use à nouveau de la force militaire directement comme en Syrie ou indirectement avec les mercenaires Wagner en Afrique.

Désormais, l’aigle bicéphale est omniprésent en Russie dans les administrations, où il a remplacé la faucille et le marteau soviétiques. Il signifie que la Russie n’a pas fait le deuil de sa vocation impériale et revendique être un pôle civilisationnel autonome sur la scène internationale. Plus que jamais, pour Poutine, « le futur est dans un passé radieux » (Werth).

C’est aussi dans cette logique qu’il a contribué à restaurer la puissance de l’orthodoxie, en reconstruisant les églises orthodoxes et en s’appuyant efficacement sur le patriarche de Moscou, Kirill, son allié indéfectible.

La politique menée par la Russie actuellement conduit à un triple malheur

Il existe une malédiction impériale pour la Russie qui ne se pense pas autrement qu’en puissance territoriale

Lors des cérémonies pour le 350e anniversaire de Pierre le Grand, Poutine a terminé son discours par : « Visiblement, il nous incombe aussi de reprendre et de renforcer. » Il n’exclut pas une plus grande extension des frontières de son pays. Mais la Russie a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Pour rappel, son PIB est comparable à celui de l’Italie, son budget militaire dépasse de peu celui de la France ou du Royaume-Uni, sa démographie est déprimée. C’est une superpuissance énergétique, alimentaire aussi et elle n’excelle industriellement que dans l’armement.

En 1993, l’historien Georges Sokoloff l’avait qualifiée de puissance pauvre. Le terme convient encore aujourd’hui puisque la militarisation de la politique intérieure et extérieure conduit à une crise économique (le PIB a reculé de près de 3,5 % en 2022 et les prévisions du FMI sont de –2 % en 2023). Crise liée à la chute des investissements, à l’isolement international, bientôt à la pénurie de main-d’œuvre et de compétences.

La Russie avait pourtant un autre avenir devant elle pour exploiter ses considérables ressources en normalisant ses relations extérieures et en valorisant sa position eurasiatique, le fameux heartland. Sabine Dullin explique dans son ouvrage L’Ironie du destin que les dirigeants de l’Empire russe puis soviétique n’ont cessé de lancer des politiques aboutissant à des résultats contraires. Les choses n’ont pas changé. Le risque existe même d’une désintégration de la Fédération, alors que ce sont les régions les plus périphériques qui sont les plus mises à contribution dans la mobilisation.

Aujourd’hui, le régime russe s’oriente de plus en plus vers un nationalisme d’extrême droite, de plus en plus adepte d’une violence brute. L’historien Timothy Snyder et d’autres avec lui n’hésitent pas à le qualifier de régime fasciste ou fascisant, alors qu’il prétend se battre contre les néonazis ukrainiens.

On peut sûrement parler d’une malédiction impériale pour la société russe également

Il est incontestable que Poutine a répondu aux attentes d’une société désorientée qui avait perdu tous ses repères à la suite de l’effondrement du système soviétique. Elle était prête à trouver dans un passé glorifié une image positive de son histoire, sorte de boussole dans un pays en pleine transformation.

La critique de l’URSS dans les années 1990 avait ainsi abouti à une idéalisation de la Russie tsariste (Nicolas II inhumé à Saint-Pétersbourg en 1998 en grande pompe). Désormais, la population est soumise à une propagande intense. Avant même les actes, les discours sont d’une violence extrême contre ceux qui s’opposent au pouvoir. Les voix dissonantes ne peuvent plus se faire entendre (l’opposant Navalny est soumis la plupart du temps à l’isolement dans une cellule dénudée de deux mètres sur trois).

En mars a été votée une loi qui punit de prison la diffusion d’informations mensongères sur l’armée russe et le mot guerre a été interdit. On estime à près d’un million les personnes, jeunes gens mais aussi familles, ayant fui la Russie depuis la guerre et la mobilisation. Les laisser partir, c’est aussi une manière de bannir tous ceux qui pensent différemment.

Pour ceux qui restent, une seconde vague de mobilisation est à venir

Car pour l’emporter, la stratégie montrée dans la prise de Soledar en janvier est basée sur l’utilisation massive des hommes, dans une guerre de tranchées qui fait fi de la vie humaine. Dans la continuité d’une histoire russe qui a sacrifié l’individu aux objectifs de l’État, « le Kremlin fusionne l’individu avec la société et la société avec l’État » (Isabelle Mandraud et Julien Théron, Poutine, la stratégie du désordre).

Reste aux Russes la stratégie d’un exil intérieur, c’est-à-dire d’isolement, de repli sur soi, de silence imitant ainsi, selon l’écrivaine russe Gouzel Iakhina, la génération de ceux qui ont traversé les tragédies du XXᵉ siècle et qui ont, « tout gardé en eux par peur pour leur vie et celle de leurs enfants ».

La politique impériale russe est une malédiction pour son étranger proche comme pour le monde

L’Ukraine et sa population subissent le déchaînement de cette violence russe. L’issue du conflit est encore imprévisible, mais avec l’absence totale de négociation, il est possible que le conflit s’installe dans la durée. Dans des guerres de tranchées meurtrières, où la Russie tentera de mobiliser son « rouleau compresseur », ses soldats, tandis que l’Ukraine attendra la supériorité des armements occidentaux.

Les nationalistes à Moscou promettent à l’Ukraine une dénazification et une purification du pays après la victoire. Mais l’Ukraine est définitivement perdue pour la Russie, quels que soient les scénarios. Et il est acquis que l’invasion de l’Ukraine fut une erreur stratégique pour Poutine. L’Europe est la première impactée par les bouleversements géopolitiques provoqués par le conflit, car au moment où l’Ukraine entre en Europe, la Russie en sort pour longtemps.

Plusieurs observateurs avertis, comme Bruno Tertrais, estiment que le projet néo-impérial de Poutine s’effondre

Ses voisins les plus proches semblent s’émanciper. Le pays n’est plus là pour rétablir la stabilité entre eux. Par exemple, en dépit de l’existence d’un traité d’alliance, Poutine n’a pas aidé l’Arménie à l’automne dernier, alors attaquée par des forces azerbaïdjanaises. Au contraire, la Russie est contrainte de retirer ses troupes de lieux stratégiques comme l’Arctique.

On assiste sans doute au « crépuscule de l’impérialisme russe » (Isabelle Mandraud) qui risque de renforcer la radicalisation d’une Russie forteresse, coupée du monde (enfin presque, car dépendante de la Chine) et dans laquelle Poutine et ses successeurs s’efforceront de maintenir la population du pays dans un état de guerre permanent.

Ce n’est une perspective réjouissante pour personne, car le pouvoir de nuisance de la Russie est grand, notamment sur le terrain de l’information. Elle est une cyberpuissance redoutable et son objectif demeure la destruction de la démocratie. Poutine a excellé dans cette stratégie du désordre en renforçant partout les dirigeants populistes, en attaquant les valeurs prétendument occidentales, comme les droits de l’homme, en paralysant les Nations unies, en accroissant les tensions internationales, en développant toutes les formes de guerre hybride.

La Russie reste une menace pour l’Occident, mais en devenant la première source de désordres mondiaux, son dirigeant prend aussi le risque de lasser ses partenaires et soutiens au sein des BRICS. La Russie poutinienne n’a qu’un sombre avenir.

Bibliographie

Sabine Dullin, L’Ironie du destin : Une histoire des Russes et de leur empire (1853-1991), Poche Payot, 2021

Alexandra Goujon, L’Ukraine : De l’indépendance à la guerre, Le Cavalier bleu, 2022

Andreas Kappeler, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, du Moyen âge à nos jours, CNRS Éditions, 2022

Anne de Tinguy, Le Géant empêtré : La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine, Paris Perrin, 2022 (riche interview de Anne de Tinguy sur le site Diploweb disponible ici)

David Teurtrie, Russie, le retour de la puissance, A. Colin, 2021

Théron et Mandraud, Poutine, la stratégie du désordre, Tallandier, 2021

Nicolas Werth, Poutine, historien en chef, Tracts Gallimard, 2022

Hors-série Le Monde/La Vie, Pas de Côté, Le Monde vu de Russie. Déc. 2022

La revue Diplomatie a consacré plusieurs grands dossiers à la Russie : le dernier (n° 67) en mai 2022 Quel avenir pour la Russie de Poutine ?

Les discours de Poutine (24 février et 21 septembre 2022) sont en ligne, traduits sur le site Le Grand Continent

Sur les perspectives à venir : l’analyse de Bruno Tertrais

Et un excellent roman : Giuliano Empoli, Le Mage du Kremlin, Gallimard, 2021. Il y décrit les coulisses du Kremlin et l’ascension de Poutine à travers un personnage très librement inspiré de l’ex-conseiller de Poutine, Vladislav Sourkov. Attention, c’est un roman, sur une trame historique, d’où une ambiguïté fondamentale car le livre n’est pas exempt de clichés ou de stéréotypes. Comme la phrase « les Russes aiment à se faire guider par des hommes implacables… », une vérité ou une affirmation d’un personnage fictif ? Assurément le second terme, mais l’ambiguïté est réelle. Au final, un roman très intéressant sur les rouages du pouvoir, qui n’éclaire que bien partiellement la Russie contemporaine.